True Detective S04 – Issa López


Dans la station Tsalal, située en Alaska, le jour est sur le point de se coucher pour une longue période. La nuit arctique va s’installer et avec elle des conditions météorologiques difficiles. C’est à ce moment précis que tous les scientifiques de la station (tous des hommes) disparaissent. Appelée sur les lieux par le livreur, surpris d’avoir trouvé les lieux abandonnés, la police pense vite à un crime, car ils trouvent la langue tranchée d’une femme sur le sol. Se pourrait-il que ce soit celle d’Annie Kowtok, une activiste écologiste assassinée quelques années auparavant, dont justement la langue manquait. La chef de la police Liz Danvers (Jodie Foster) va devoir enquêter avec la brigadière Navarro (Kali Reis), et les deux femmes ne s’apprécient guère. Ce qui promet une enquête d’une grande pénibilité. Enquête qui prend un tournant inattendu quand les corps des scientifiques sont retrouvés.

La première impression est parfois la bonne. Quand je suis arrivé au bout du premier épisode, je me suis dit en pensant aux scénaristes : « ils ne vont jamais y arriver, ils ne vont pas pouvoir retomber sur leurs pattes ». Et c’est exactement ça, pendant cinq épisodes, la série est plutôt bien menée, mais les mystères s’empilent les uns sur les autres, la bonne vieille méthode Damon Lindelof (scénariste que j’exècre, ou peu s’en faut). Et au final la montagne va accoucher d’une souris blanche qui courrait dans la neige… de la même absence de couleur.

Tout n’est pas à jeter. J’ai aimé les personnages (Jodie Foster joue bien les peaux de vache ménopausées). J’ai aimé la dimension fantastique et mythologique de l’intrigue. Mais la réalisatrice/scénariste, à trop se concentrer sur son duo d’enquêtrices mal assorties en oublie l’enquête (elles ont un point commun étonnant : aucune des deux n’enlève son soutien-gorge pour baiser). Et propose une solution ridicule qui m’a fait pouffer de rage. Car quand on déroule l’histoire dans le bon sens, elle perd absolument toute plausibilité et finit par se condenser en une magouille scénaristique risible à peu près aussi invisible que le nez rouge d’un clown.

Décidément, en tant que spectateur, j’ai un problème avec cette anthologie True Detective… Je n’y trouve jamais mon compte, et à chaque fois j’espère que ce sera la bonne. Mais il y a toujours un pavé scénaristique dans la mare, une couille dans le potage qu’essaye de cacher un vrai talent d’esbroufe visuelle.

C’est d’autant plus rageant que cette enquête en Alaska avait, sur le papier, un potentiel énorme.

Copenhagen Cowboy, Nicolas Winding Refn (2022)


Une faiseuse de miracles, Miu (Angela Bundalovic), est engagée par Rosella, une femme liée à l’industrie de la prostitution à Copenhague, pour lui permettre d’avoir un enfant. Rien ne se passe comme prévu. Rosella a ses règles, Miu s’enfuit. En pénétrant toujours plus profond dans le monde du crime organisé danois, elle en vient à se dresser contre une famille de vampires qui élève des cochons.

Il y a moyen, sans trop se forcer, de résumer Copenhagen Cowboy de façon complètement, voire totalement ridicule (cf. mon résumé ci-dessus). Mais bon, force est de constater que j’ai adoré l’ensemble et que j’espère qu’il y aura une saison deux tant cette première saison laisse de questions en suspend. L’ambiance est glauque à mourir, la mise en scène est renversante, tout comme l’esthétique. Il y a presque un morceau de bravoure par épisode. Refn est malin, en plus d’être techniquement virtuose. Tout son travail sur cette série tourne autour de la figure de la sorcière et des collisions culturelles : orient, Balkans, occident. Miu se situe au juste milieu entre l’occident « décadent » et l’orient « spirituel ». On s’amusera à relever tous les clins d’œil à Bruce Lee, David Lynch et tant d’autres.

J’ai adoré (déjà dit).

Mare of Easttown – série TV


Mare (Kate Winslet) est flic dans une petite ville où tout le monde se connaît. Une jeune fille a disparu un an plus tôt et l’enquête ne donne rien, ce que la mère de la victime (malade du cancer de surcroit) reproche à Mare. Mare est grand-mère d’un petit garçon qui vit chez elle. Elle est mère aussi d’une jeune étudiante / musicienne lesbienne plutôt bien dans ses pompes malgré le suicide récent de son frère. Mare est une femme divorcée dont le mari vit en face de chez elle et s’apprête à se remarier. Quand une jeune mère célibataire est assassinée dans un parc, puis son cadavre jeté dans une rivière, la vie de Mare devient encore plus compliquée, d’autant plus qu’on lui impose un nouveau coéquipier, un crack de police criminelle (Evan Peters).

Série policière d’une rare âpreté, portrait de femme d’une impressionnante complexité, Mare of Easttown permet à Kate Winslet de faire une fois de plus la preuve de tout son talent, et quelle preuve ! Mare est touchante, parfois indéfendable, compétente, parfois incompétente, elle est sexe et attire les hommes, malgré ses années et ses formes. Toute la partie portrait de femme de cette série HBO est complètement convaincante. Ce n’est pas tous les jours qu’une série télé met en vedette une femme divorcée, grand-mère très jeune (circa 44 ans) et rongée par la culpabilité.

Je serai plus réservé sur la partie policière, notamment sur le dernier épisode où se dénoue l’affaire de meurtre d’Erin (il y a vraiment un truc factuel qui à mon sens ne fonctionne pas, mais je ne spoile pas). Mais bon, à ce bémol près, Mare of Easttown vaut définitivement le coup.

Good Omens – saison 2 (on prend les mêmes et on recommence)


Un jour Gabriel se pointe à poil dans le quartier d’Aziraphale en cachant son entrejambe avec une boîte en carton. Notre ange préféré se rend vite compte que son ancien patron (?) archange n’a plus de mémoire et que tout le monde veut lui mettre la main dessus, depuis les cieux immaculés jusqu’aux dédales bureaucratiques de l’Enfer. Histoire de se donner un peu de temps, Azi concocte avec son démoniaque pote Rampa (aka Crowley en VO) un petit miracle de rien du tout qui va faire péter toutes les alarmes du Paradis. La chasse à l’archange est lancée.

Bon… ben… comment dire ça ? … je me suis fait suer durant les six épisodes et j’ai bien eu du mal à en venir à bout. L’histoire centrale (la disparition de Gabriel) n’a aucun intérêt, disons qu’elle sert de béquilles à trois histoires d’amour en parallèle et quelques flash-backs… dont un seul est vraiment réussi. Je ne vais pas spoilier, mais dans la bouilloire des histoires d’amour il y a en a une qui est évidente depuis la première saison. Globalement, j’ai trouvé l’écriture paresseuse. Quant à David Tennant… dire qu’il est en roue libre c’est totalement minimiser l’ampleur de la performance. C’est un peu Insaniac dans Small Soldiers.

Les acteurs s’amusent beaucoup, on aurait aimé s’amuser autant qu’eux.

Enfin, j’ai trouvé que c’était une série écrite pour la communauté LGBT, ça ne me pose pas de problème, c’est juste que là c’est vraiment très voyant… un peu comme Hagrid, rentrant à dos de monstre dans un magasin Swarovski, traversant trois vitrines tête la première et finissant par encastrer la vendeuse en sous-poids dans la trappe à gobelets de la machine à café.

Abysses, série TV d’après le best-seller de Frank Schätzing.


Un peu partout sur notre planète les choses se compliquent pour l’humanité qui veut barboter sur la plage, observer des baleines, récupérer des hydrocarbures sous-marins ou, salauds de riches, manger du homard (je pense que la scène du homard éjaculateur restera longtemps dans les annales des scènes les plus hilarantes de la télévision hexagonale – évidemment la bestiole éjacule sur un homme, sinon ça aurait été de très mauvais goût, alors que là c’est parfait). Donc au Canada c’est une baleine qui détruit un bateau de touristes de gauche (ben oui, les gens qui s’intéressent aux baleines sont plutôt de gauche, c’est très documenté, surtout à Vancouver) ; en France c’est les fruits de mer qui empoisonnent les gens (en même temps, ça arrive chaque année ; dans des proportions moindres, certes) ; en Scandinavie (refuge bien connu de la plupart des terroristes écologiques de la planète), c’est un pipeline qui est menacé par des vers de glace (je ne suis pas sûr d’avoir bien compris cette partie de l’intrigue pour être tout à fait sincère, un effet secondaire de la codéine ?).

Pour être tout à fait transparent (en tout cas, plus qu’une multinationale des énergies fossiles) : j’ai dévoré la série en trois jours. Mais j’ai une excuse : je suis en arrêt maladie et je ne peux pas marcher sans avoir l’impression qu’on m’épluche le pied droit avec un instrument rouillé dessiné par David Cronenberg, alors le canapé c’est très bien pour regarder des idioties, donner des ordres aux enfants (qui n’y répondent pas favorablement) ou faire diminuer la double pile à lire de BDs qui, dans ma chambre, commençait à ressembler aux Twin Towers (et on sait comment ça finit ce genre de délires architecturaux). Mais je m’égare…

Revenons à nos baleines. Il faut reconnaître que ce gloubigoulba télévisuel et international est plutôt prenant. C’est bien fait, plutôt bien joué, les effets spéciaux sont impressionnants pour une série télé où jouent des acteurs de nationalité française. Après, c’est une sorte de remake messianique du Abyss de James Cameron et j’avoue que ce côté biblique lourdingue, façon plaies d’Égypte, m’a gonflé. Il y a une partie politique dans la série qui est, je crois, à ne pas négliger, dans le sens où l’OMS et les grandes organisations de ce genre refusent de financer la grande enquête scientifique sur la révolution des océans que veulent mener nos héros, mission ô combien périlleuse (genre Sphere de Michael Chrichton, si vous n’avez pas vu le film… vous pouvez continuer comme ça longtemps), mission qui sera donc au final financée par un richissime transporteur maritime japonais. C’est bien simple, on se croirait chez Neal Stephenson… la rigueur scientifique en moins. Notez bien que j’y connais rien en baleines, en virus marins et en vers de glace (dont j’ignorais encore l’existence il y a quatre jours) et j’ai dû manger deux fois du homard dans ma vie, mais quand même je me suis étranglé une fois ou deux devant mon écran, en me disant « heu, là c’est grand même très gros, même Michael Chrichton n’aurait pas osé ».

Dans une espèce de rêve éveillé à propos duquel la codéine n’est probablement pas totalement innocente, j’attends maintenant de pince ferme le débunkage de Roland Lehoucq et son équipe de farouches justiciers de la science ; ça risque d’être hilarant.

Quant aux poissons… faites comme moi, ne mangez que les fish&chips du Poppies à Londres (leur sauce, c’est un scandale tellement elle est bonne). Vous n’êtes pas forcé de me croire, mais cette ligne de conduite ne peut avoir qu’un impact bénéfique sur la santé mentale des océans.

Le Cabinet de curiosités de Guillermo Del Toro


Le Cabinet de curiosités de Guillermo Del Toro est une série Netflix de huit épisodes.

Voyons ça en détail.

Lot 36 (réalisation : Guillermo Navarro) : Le plus décevant

Nick Appleton (Tim Blake Nelson, formidable) est un vétéran qui ne manque jamais une occasion de le rappeler. Ce raciste, qui plus est, gagne sa vie en revendant au détail ce qu’il achète en gros aux enchères, notamment dans des garde-meubles dont les propriétaires ne payent plus leur loyer. Évidemment il perd aux jeux bien plus qu’il ne gagne. Un jour, il acquiert le lot 36, un bric-à-brac qui contient des livres occultes, ce qui va l’amener à croiser la route de Roland, un occultiste inquiétant (mais pas forcément des plus compétents).

Cet épisode est le plus décevant des huit, car la prestation de Tim Blake Nelson est de très haute volée : il incarne une ordure et en même temps on ne peut s’empêcher de lui trouver des circonstances atténuantes. Le scénario ne suit pas et finit par verser dans le satanisme éco+.

Graveyard rats (réalisation : Vincenzo Natali) : Le plus nul

Masson est un pilleur de tombes. Il est en compétition avec les rats qui sont parfois plus rapides que lui pour détrousser un cadavre.

Adapté d’Henry Kuttner, cet épisode ne vaut que pour le nom de Lewis Padgett apparent sur une des tombes du cimetière ; pour le reste, c’est affligeant du début à la fin. Une fois de plus, Vincenzo Natali fait appel à son acteur favori David Hewlett qui joue comme une chaussette trouée.

The autopsy (Réalisation : David Prior) : Le meilleur de tous

Un vieux médecin légiste (F. Murray Abraham, dont on se souviendra éternellement pour son rôle d’Antonio Salieri dans le Amadeus de Milos Forman) est appelé dans un village minier pour autopsier les corps de travailleurs victimes d’une étrange explosion souterraine. Ce qu’il va découvrir dépasse l’entendement.

Très bon épisode inspiré d’une nouvelle de Michael Shea (La Revanche de Cugel l’astucieux, La Quête de Nift-le-mince).

The Outside (Réalisation : Ana Lily Armipour) : le plus chiant

Sans doute influencée par ses collègues de travail qui ne parlent que de grosses bites et, en creux, des moyens de les attirer dans un plumard (la table de la cuisine fera aussi bien l’affaire), Stacey essaye une lotion miracle qui doit la rendre magnifique et lui inflige, pour commencer, des rougeurs impressionnantes et des démangeaisons au diapason. Pour quelques centaines de dollars, à peine, la vilaine chenille arrivera-t-elle à devenir un joli papillon ?

Longuet, convenu, dénué de toute subtilité, cet épisode veut nous faire croire que la vraie beauté est à l’intérieur. Le souci, c’est : « à l’intérieur de quoi ? ».

Pickman’s model (Réalisation Keith Thomas) : la plus mauvaise des deux adaptations de Lovecraft (exæquo)

Si donner le rôle du peintre Richard Pickman à Crispin Glover est la vraie bonne idée de cet épisode, malheureusement le reste est une catastrophe industrielle à oublier d’urgence. Il semblerait que les héritiers de Tolkien considèrent comme une « éviscération » l’adaptation du Seigneur des Anneaux par Peter Jackson. Là on pourrait dire pareil. Et ça a sans doute plus de sens.

Dreams in the witch house (Réalisation : Catherine Hardwicke) : la plus mauvaise des deux adaptations de Lovecraft (exæquo)

Rupert Grint (Ron Weasley dans la franchise Harry Potter) est un acteur ? Pas vraiment, si on en croit cet épisode calamiteux. Eviscération 2, le retour de la sorcière.

The viewing (Réalisation : Panos Cosmatos) : le plus stylé

Le riche Lionel Lassiter (Peter Weller) invite chez lui quatre pointures dans leurs domaines respectifs (la musique, le roman, les pouvoirs psys, l’astrophysique) à venir voir un objet qui résiste à toutes les analyses. D’abord tout ce petit monde cause, puis picole, puis s’envoie de la cocaïne spatiale avant – enfin – d’aller contempler le mystérieux caillou céleste au centre de cette intrigue psychédélique.

Panos Cosmatos (Mandy) fait du Panos Cosmatos : c’est complétement what the fuck ?! et en même temps le spectacle est presque hypnotique. Comme sur Mandy, je trouve que le réalisateur ne sait pas gérer le rythme de son récit. Ici il y a une énorme (interminable ?) mise en bouche qui donne sur un festin nu assez vite expédié. Peter Weller fait son âge (75 ans) voire davantage. Sofia Boutella fait du Sofia « perverse soft » Boutella à 101%, personne n’en sera surpris. Si la forme est complètement wahou, le fond reste quand même très léger. Mais bon, Mandy nous y avait préparé.

The Murmuring (réalisation Jennifer Kent) : le plus subtile.

Un couple d’ornithologues s’installe dans une maison à l’abandon pour étudier les phénomènes de nuées des bécasseaux. Il sont en deuil. Il aimerait aller de l’avant ; elle n’y arrive pas.

C’est l’épisode le plus subtile, le plus maîtrisé en termes de narration, le plus « Henry James », mais pas forcément le plus enthousiasmant. Paradoxalement on s’intéresse plus aux phénomènes de nuées (chez les étourneaux, les bécasseaux) qu’au deuil qui frappe le couple. La seule chose qui n’est pas subtile dans l’épisode c’est l’insistance du mari à vouloir retrouver un semblant de vie sexuelle.

Dans son ensemble, la série déçoit. Restent les présentations de Del Toro (inspirées de celles d’Hitchcock) très réussies, même pour les épisodes les plus embarrassants.

Shining Girls, série télé adaptée du roman de Lauren Beukes


Kirby Mazrachi (Elizabeth Moss) a été agressée pendant qu’elle promenait son chien sur une plage de Chicago. Son abdomen a été ouvert en croix et son agresseur a laissé un objet en elle. Elle a survécu.

Dix ans plus tard, une autre jeune femme est agressée de la même façon à Chicago, mais ne survit pas.

Kirby qui travaille comme archiviste dans un journal local, se penche sur l’enquête et demande l’aide de Dan Velasquez (Wagner Moura), un journaliste alcoolique au bout du rouleau.

Ce qu’ils vont découvrir ensemble dépasse l’entendement : un tueur en série opère dans la région de Chicago depuis des dizaines d’années et la police n’a jamais fait le lien entre ses différents crimes au modus operandi pourtant très particulier (une incision en croix, un objet laissé à chaque fois à l’intérieur de la blessure). Ceci étant, Kirby n’a pas dit toute la vérité à Dan Velasquez, car elle ne veut pas finir dans un hôpital psychiatrique. Chaque fois qu’un meurtre a lieu, la vie de Kirby est mise sans dessus dessous : son chat est remplacée par un chien, elle a changé d’appartement ou vit de nouveau avec sa mère, qui elle a changé de métier ou de petit-ami, etc.

Shining Girls est une série qui m’a laissé un sentiment mitigé. C’est un colosse au pieds d’argile – globalement, quand on réfléchit à la seule intrigue policière, elle ne fonctionne pas. J’ai beaucoup aimé Wagner Moura à contre-emploi, fragile, sur lequel on ne peut pas compter, pas même son fils de 13 ans. Les distorsions temporelles sont très bien rendues. Mais voilà, il n’y a globalement aucun suspens, on sait que Jamie Bell est le tueur dès le prologue du premier épisode et toutes les explications sur ce que sont les shining girls ont été zappées. Tout ceci précisé, le pire est ailleurs, c’est Elizabeth Moss qui fait du Elizabeth Moss à 150% et qui est globalement insupportable. A sa dixième grimace de crapaud, j’ai commencé à avoir envie de tirer au .38 sur mon écran plat. Kirby n’est pas attachante du tout et sa quête personnelle y perd beaucoup. Presque sans surprise, le meilleur épisode de la série est celui où elle n’apparaît pas.

Le casting international est résolument étrange : Wagner Moura est brésilien, Jamie Bell est anglais. Tout ce petit monde se concentrant pour essayer de sonner américain avec un succès relatif. A réserver aux fans d’Elizabeth Moss dont malheureusement je ne fais pas partie.

Chapelwaite, Jason & Peter Filardi (série TV)


Années 1850.

Le capitaine Boone (Adrien Brody) vient de perdre sa femme (d’origine asiatique) et se retrouve seul avec ses trois enfants. La grande, Honor, en âge de se marier ou presque, la cadette Loa qui a souffert de la maladie et porte une attelle à la jambe, Tane le petit dernier. Boone vient d’hériter d’une scierie dans le Maine et du domaine de Chapelwaite. Arrivé sur place, il se rend compte que le nom des Bonne n’est pas facile à porter, la famille a très mauvaise réputation, certains lui attribuent la maladie étrange qui a emporté plusieurs villageois. Le retour sur la terre ferme est rude, d’autant plus que les enfants, métis, sont victimes d’acte de racisme. En quête d’une gouvernante, Charles Boone finit par embaucher Rebecca Morgan, une jeune femme célibataire qui se destine à devenir écrivain et a vendu l’histoire des Boone à une publication prestigieuse (ce qu’elle se garde bien de dire).

Il y a un secret à Chapelwaite ; Charles Boone a lui aussi un secret, il se souvient de cette nuit lointaine, il était enfant, où son père a essayé de le tuer.

Chapelwaite est l’adaptation de la nouvelle « Celui qui garde le ver » de Stephen King qu’on trouvera dans le recueil Danse macabre. C’est, et de loin, un des texte les plus faibles du recueil, une sorte d’hommage Lovecraftien bancal écrit à une époque où Stephen King faisait encore ses gammes. Il y est question d’un ouvrage : De Vermis Mysteriis, ou les Mystères du Ver, qui a été inventé par l’écrivain Robert Bloch dans la nouvelle « Le Tueur stellaire » (1935). Petit frère moins connu du Necronomicon, De Vermis Mysteriis est censé avoir été écrit en prison par un certain Ludving Prinn, brûlé vif à Bruxelles par l’Inquisition au XVe siècle ou XVIe siècle ; d’après ses propres dires, Prinn était un survivant de la neuvième croisade (1271-1272).

Une nouvelle d’une trentaine de pages, pas très bonne, voilà donc le matérieu source de la série… autant dire que j’ai abordé celle-ci avec une très grande suspicion quant à sa qualité. Mais très vite cette suspicion a volé en éclats. Les acteurs sont excellents (y compris les enfants ! et en particulier Sirena Gulamgaus). La série est très éloignée de la nouvelle, dont elle s’inspire librement, et ne nous épargne rien des maux de l’époque : racisme, puritanisme exacerbé, superstitions, médecine mise en échec par la maladie, etc. C’est tendu dès le premier épisode et la tension ne retombera jamais vraiment. Si les showrunners se sont amusés avec tous les codes du genre horrifique, on retrouve aussi dans cette série certains mécanismes narratifs qui rappellent Simeterierre et d’autres œuvres de Stephen King postérieures à la nouvelle « Celui qui garde le ver ».

Au final, Chapelwaite est une très bonne série d’horreur, mais je finirai sur une mise en garde, c’est une œuvre d’une noirceur suffocante. J’ai été à plusieurs reprises surpris par la violence (surtout psychologique) de certaines scènes (et il y a aussi de nombreuses scènes de violence physique). Ici il n’y a pas d’humour pour contrebalancer la tragédie et les épreuves que traverse la famille Boone.

Il n’y a pas ou peu d’espoir.

Midnight mass, Mike Flanagan (2021)

… silent night…

Luc 11:11
Concept des Versets

Quel est parmi vous le père qui donnera une pierre à son fils, s’il lui demande du pain ? Ou, s’il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent au lieu d’un poisson ?


Crockett Island.

De nos jours.

L’île a été prospère, portée par la pêche, puis une marée noire a ruiné son économie. Bev Keane a pesé de tout son poids pour que les habitants acceptent les compensations de l’industrie pétrolière, mais le compte n’y est pas, et l’île n’a de cesse de se paupériser, de perdre ses habitants.

Fils de pêcheur, Riley Flynn revient au pays après une longue incarcération. Il a provoqué la mort d’une jeune fille en conduisant sous l’emprise de l’alcool.

Au même moment, un nouveau prêtre arrive à Crockett Island : Paul Hill, qui remplace monseigneur Pruitt, revenu très malade d’un voyage à Jérusalem payé par les fidèles de Crockett Island.

Alors que les premiers miracles ont lieu, suite à l’arrivée du prêtre Hill aux prêches enflammés, Riley, trop cartésien pour son bien, commence à poser les bonnes questions aux bonnes personnes.

Voilà une mini-série, 7 épisodes comme cela va de soi, que j’ai beaucoup aimée. Peut-être pas la plus spectaculaire du catalogue Netflix, mais clairement une des plus attachantes, grâce à sa galerie de personnages : le shériff musulman, le fils prodigue, le père pêcheur (Henry Thomas), la jeune métis en fauteuil roulant (double peine), le prêtre aveuglé par sa volonté de bien faire les choses, la grenouille de bénitier plus néfaste qu’une encéphalite spongiforme…

Midnight mass est une réussite de plus à porter au crédit de Mike Flanagan, le nouveau maître de l’horreur intelligente.

Severance, série TV de Ben Stiller

Souvent le diable se cache dans les détails…

Dans un futur très proche ou un présent parallèle, un procédé révolutionnaire – la dissociation – permet aux travailleurs de ne pas ramener leur travail à la maison et de ne pas ramener leurs soucis familiaux au travail.

Dans le service de Mark (Adam Scott, formidable de bout en bout), son mentor Petey a disparu et va être remplacé par Elly R. (Britt Lower, formidable, bis) qui vient tout juste de recevoir la puce intracérébrale qui permet la dissociation. Deux autres personnes complètent le service du Raffinement des Macrodatas : Dylan l’employé modèle et Irving, le fidèle employé à Lumon (John Turturro, surprenant). Toute la journée, ces quatre-là isolent des chiffres effrayants. C’est un peu comme ramasser des crottes, mais avec un ordinateur. Et s’ils ont réussi leur quota, ils ont droit à une animation de cinq minutes de danse, par exemple, ou un moment gaufres dans le Pavillon de la Perpétuité.

Cette dissociation n’est pratiquée que par l’entreprise Lumon qui ressemble à une secte familiale tordue, celle de la famille Kier (et là tu t’attends à voir apparaître Udo Kier à chaque épisode, c’est malin).

Soyons clair : je n’ai pas aimé Severance. Je me suis souvent ennuyé, mais suis allé au bout parce que je suis faible et parce que je voulais voir si tout ça menait à quelque chose. Arrivé à la fin de la première saison, j’ai l’impression que c’est du Lost / Damon Lindelof, c’est à dire qu’à chaque épisode on rajoute deux mystères / deux incongruités et qu’un épisode sur deux on résout quelque chose, histoire de faire croire qu’on sait où on va et que l’ensemble avance dans la bonne direction. Mais il y a au final tellement de pistes, de fausses pistes, de personnages perdus de vue et de cul-de-sac que le poisson est noyé et avec lui le spectateur qui s’intéresse au fond de la chose plus qu’à la forme. Parce que Severance c’est avant tout un exercice de forme, avec des architectures symétriques, des plans ultra-léchés, du mobilier blanc, des décors verts granny smith ou vert vomi tout droit sorti de L’Exorciste, des éclairages à la con, des couloirs trop étroits et j’en passe. De la poudre aux yeux. Alors oui les acteurs sont très bons (à l’exception notable de Patricia Arquette qui gigote à mon sens à l’autre bout du spectre), mais rien de tout ça ne fonctionne vraiment, c’est idiot, c’est absurde. Et la vérité, à mon sens, c’est que les scénaristes prennent vraiment les spectateurs pour des cons, en touillant leur café froid et en se grattant ostensiblement les couilles. Tout ça se contredit sans cesse, rebondit avec des trucs scénaristiques a priori flamboyants… mais en fait misérables quand on les regarde de trop près, trucs grossiers qui ne sont souvent là que pour déboucher sur une image, un plan, un cadrage top-moumoutte.

Severance critique sans doute le travail en open space, les bullshit jobs, les entreprises trop verticales, Apple, très bien, mais c’est fait avec une prétention des plus pénibles. Avec des artifices qui finisssent par autodétruire la charge (cette phrase est une phrase à la Severance ; si vous l’analysez vraiment vous verrez qu’elle ne veut rien dire et que pourtant vous comprenez ce qu’elle sous-entend).

Bon, comme je suis faible, voire très faible (je suis allé au bout de Lost, c’est dire mon manque de courage moral), je suis à peu près sûr que je vais regarder la deuxième saison de cette série que je n’ai pas aimée, histoire de vérifier que c’est bien du Damon Lindelof de mes deux… ou constater, contrit, qu’en fait je me suis fait avoir comme un bleu.

Faites-vous votre propre opinion. Soyez le vous qui est en vous.

PS : Que ce soit Apple qui diffuse cette série c’est : ou une preuve de leur cynisme absolu ou la preuve aveuglante que Ben Stiller est le plus grand génie de la télévision américaine depuis Bill Cosby.