Octobre, série télé d’après le roman de Soren Sveistrup

(Disclaimer : Le roman Octobre de Soren Sveistrup est publié par Albin Michel, maison dont je suis salarié.)

Une femme est retrouvée morte dans un parc public, sa main a été sciée. A côté de son cadavre on a trouvé un bonhomme de marrons. Problème, l’objet porte l’empreinte de Kristine Hartung, la fille disparue de Rosa Hartung, ministre des affaires sociales du gouvernement en place. Un assassin a été arrêté et jugé pour cette disparition, il a avoué le meurtre, une machette pleine de sang a été retrouvée dans son véhicule. Il dit avoir enterré les morceaux du cadavre de Kristine dans les bois, vers le nord, mais ne se souvient plus d’où. Sa pathologie, schizophrénie paranoïde, ne lui permet pas de distinguer ses fantasmes de la réalité. Les enquêteurs chargés de l’affaire aimeraient beaucoup interroger à nouveau les Hartung, mais leur hiérarchie s’y oppose. Néanmoins, ils passent outre…

Bon, si vous voulez une série policière qui vous scotche à votre canapé pour six épisodes d’une heure environ, Octobre est un très bon candidat. Je n’ai pas lu le roman (assez épais, dans mon souvenir) et donc j’ignore si l’adaptation est fidèle, mais c’est très réussi avec des personnages très fouillés. Ça ne pourrait être qu’une banale histoire de psychopathe qui tue et démembre des femmes pour son plaisir, mais un sujet central émerge très vite : la maltraitance sur les enfants. C’est une série très noire, très humaine, mais pas inutilement gore. Certains détails scénaristiques m’ont fait tiquer (dès le second épisode, il y a un indice très fort qui est totalement passé sous silence par les Hartung alors que c’est en fait très important pour eux ; et vers la fin, il y a une scène d’action un peu capillotractée). Mais bon, ce ne sont que des détails, c’est vraiment prenant sans être follement original (même si, fait remarquable, on évite le portrait du flic veuf noyé dans l’alcool). Il y a du Millénium là-dedans, sans être une copie carbone.

Je conseille.

The Stand – série TV d’après Stephen King

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Un fléau a frappé la Terre, une grippe surnommée Captain Trips.

Certains ont survécu. Très peu.

Ils rêvent de Mère Abigaël (Whoopi Goldberg), une très vielle dame noire qui les attend dans une maison de retraite du Colorado.

Ou ils rêvent de l’homme noir, Randall Flagg (Alexander Skarsgård), le faux Messie qui festoie dans son royaume de Las Vegas transformé en Sodome et Gomorrhe.

Alors les survivants comme Stu (James Marsden), comme Frannie, prennent la route pour le sud-ouest des USA.

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J’ai beaucoup aimé cette série. C’est une des meilleures adaptations que j’ai vues de Stephen King sur petit écran.

Au-delà de ce jugement, je vais spoiler et pas qu’un peu. Je vous invite donc à lire la suite du papier quand vous aurez vu la série (si vous avez envie de la voir), à moins que le spoil ne vous dérange pas ou que vous ayez lu le monumental roman Le Fléau.

Le Fléau est un roman chrétien, c’est même un roman biblique, dans lequel on retrouve, un peu triturées par Stephen King, les Révélations de Saint Jean et le livre de Job. Les hommes sont soumis par Dieu à une terrible épreuve, la mort, la maladie, la violence, les trahisons. Las Vegas est Sodome et Gomorrhe, Hemingford Home est une cité pacifique, en équilibre précaire, basée sur l’entraide et la compassion.

Ok, ça peut déplaire, ça peut même donner la nausée aux plus athées d’entre nous. Mais c’est le roman. Stephen King voulait écrire un hommage au Seigneur des anneaux de Tolkien (autre grand roman chrétien) et c’est exactement ce qu’il a fait. Abigail œuvre pour le bien. Randall Flagg œuvre pour le mal et se nourrit de nos peurs. Sans nos peurs, il n’est rien. Avec la foi, on est invincible. Quand Abigaël envoie les quatre (apôtres ?) à Vegas, dont un tombera en chemin, elle leur demande de partir sans armes. De partir avec leur seule foi, et non en elle, mais bien en Dieu. C’est la magie du Fléau, elle ne réside pas dans une boule de feu salvatrice ou des aigles géants descendants du ciel, elle réside dans la capacité de l’homme à prouver à Dieu qu’il mérite d’être épargné. D’ailleurs, l’hommage à Tolkien va loin (ce que semble bien avoir saisi les producteurs), ainsi le neuvième et dernier épisode rappelle rien de moins que le retour des Hobbits dans leur chère Comté.

Le bien, le mal. Le blanc, le noir. Certains sont déjà en train de verdir. Alors certes, ça semble complètement déconnecté de notre époque où toutes les frontières se brouillent, mais il reste du gris dans le paysage et c’est là que la série devient excellente, dans sa façon de nous montrer les personnages gris, les personnages qui s’élèvent comme Larry Underwood et les personnages qui basculent dans la trahison comme Harold Lauder. Même le destin de Nadine, promise à l’homme en noir, a quelque chose de tragique et de touchant.

Quand j’étais enfant, j’ai vu Charlton Heston ouvrir les flots de la mer rouge et j’en suis resté longtemps bouche bée. Adulte, j’ai apprécié le combat à mort d’une vieille dame noire très digne et d’un humain au cœur de scorpion et à l’âme de charbon. Les acteurs sont globalement excellent, mais Alexander Skarsgård est quand même nettement au-dessus du lot. Il incarne un Randall Flagg mémorable. La production (décors, effets spéciaux) est remarquable et rarement une cité décadente aura été aussi bien mise en images.

The Haunting of Hill House – série TV

De gauche à droite : Theodora, Steven, Nell, son frère jumeau Luke, Shirley.

Olivia et Hugh Crain (Carla Gugino & Henry Thomas) ont acheté une maison, Hill House, pour la restaurer et la revendre avec une forte plus-value. Ils ont cinq enfants : Steven, Shirley, Theodora, et les jumeaux Nell et Luke. La maison se révèle vite très problématique et les Dudley qui ont servi les Hill et vivent à proximité préviennent les Crain : une fois la nuit tombée, la maison est dangereuse.

La série (qui se déroule principalement à deux époques : le passé & le présent) commence avec la mort de la mère (dans le passé), puis la mort de la plus jeune fille de la famille, Nell (dans le présent), qui se suicide à Hill House. Puis l’intrigue progresse en parallèle : comment est morte la mère, pourquoi s’est suicidée la fille ?

Je suis mitigé, et pour plusieurs raisons. Je n’ai pas retrouvé du tout dans la série ce qui faisait l’intérêt du roman de Shirley Jackson (La Maison hantée, Rivages) qui l’a inspirée. Ici, aucune ambiguïté : la maison EST hantée. On le sait très vite et le réalisateur nous le montre à grands coups d’effets spéciaux grandiloquents. Ça ne pourrait être que secondaire, mais ça devient très vite central, tant Mike Flanagan rend hommage à Stephen King davantage qu’à Shirley Jackson. D’ailleurs, Stephen King apparaît sous les traits déformés de Steven Crain, le plus âgé des fils Crain, qui gagne sa vie en écrivant des livres sur les maisons hantées. Theodora, avec ses gants, son pouvoir de vision, est un pur personnage kingien, la version féminine et lesbienne de Johnny Smith, le personnage principal de Dead Zone. Bon, OK, c’est plus un hommage à King qu’une adaptation de Shirley Jackson. Pourquoi pas…

Mais le bât blesse ailleurs : la série a tendance à perdre en intérêt au fur et à mesure qu’elle avance. Il y a au moins deux épisodes de trop et une idée, certes séduisante, de boucles temporelles/paradoxes temporels qui s’intègre mal à l’ensemble. Après, j’ai été bluffé par une actrice, qui à mon avis, survole complètement le reste du casting : Elizabeth Reaser qui joue le rôle de Shirley adulte. Je l’ai trouvée incroyable de justesse quand le reste du casting est parfois à côté de la plaque (notamment durant les scènes de l’interminable veillée funèbre de Nell).

Donc, mouais, c’est pas mal, c’est long, et ça ne vaut pas l’insurpassable film de Robert Wise : La Maison du diable .

Big Little Lies (série TV) Jean-Marc Vallée, d’après Liane Moriarty

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(Disclaimer : Le roman de Liane Moriarty est publié chez Albin Michel, maison dont je suis salarié).

Elles sont cinq, cinq femmes à Monterrey (Californie). Il y a Céleste (Nicola Kidman) ancienne brillante avocate, mère de deux jumeaux et femme battue. Jane (Shailene Woodley), mère célibataire fauchée, dont le fils de six ans est issu d’un viol. Renata (Laura Dern), brillante femme d’affaires ultrariche, mère d’une petite fille maltraitée dès le premier jour de la rentrée (qui montre du doigt le fils de Jane). Bonnie (Zoé Kravitz), belle-mère hippie macrobio pensée holistique, longiligne prof de fitness, qui fait tourner la tête de la plupart des hommes de Monterrey. Et enfin il y a Madeline (Reese Witherspoon) autour de laquelle tourne ce petit monde. Madeline est la meilleure amie de Céleste, l’ennemie jurée de Renata, elle prend Jane sous son aile, et voit sa fille aînée rejoindre son ex-mari et sa nouvelle épouse, parfaite sous tous rapports : Bonnie, comme il se doit.

Une morte violente vient d’avoir lieu à Monterrey et toutes ces femmes ont joué un rôle dans la mécanique qui a abouti au drame.

La vie est étrange, j’ai vu le premier épisode de cette série, Jean-Marc Vallée était vivant, quand j’ai regardé le deuxième il était mort. J’ignore si ça a eu une influence sur mon visionnage, mais j’ai trouvé cette série remarquable. Je sortais de The Witcher saison 2, absolument minable, et donc qui sait, faute à un certain effet de contraste, Big Little Lies n’est peut-être pas aussi bien qu’il m’a semblé. Ce que je trouve génial dans cette série, c’est sa capacité à transformer des clichés, des « figures romanesques » hyper-classiques : la femme battue, la mère célibataire, la nouvelle épouse trop parfaite, la femme adultère, la femme d’affaires impitoyable, en personnages touchants. La plus bouleversante est évidemment Céleste ; d’ailleurs j’avais presque oublié à quel point Nicole Kidman peut être une grande actrice. Les scènes où elle se bat avec son mari avant de faire passionnément l’amour avec lui sont parmi les plus dérangeantes que j’ai jamais vues dans une série télé (scènes qui rappelleront immanquablement Fatale de Louis Malle à ceux qui l’ont vu).

La série est construite sur un mystère, dès le premier épisode on sait que quelqu’un est mort de façon extrêmement brutale. L’action est régulièrement interrompue par de brèves scènes d’interrogatoire. C’est un très gros moteur narratif qui pousse à enchaîner les épisodes, mais ils sont si riches, et si fins, chacun d’eux est si équilibré qu’il me semble qu’il faut profiter de Big Little Lies avec un certain tempo, tant l’ensemble, sa progression donnent à réfléchir.

Un show remarquable. Qui envoie du bois et pas pour rire.

PS : Si je devais trouver un défaut, mais ce ne n’en est pas un, on ne croit pas une seconde au couple que forment Bonnie et l’ex-mari de Madeline. Ils ont tellement peu de choses en commun, mais bon ce sont des choses qui arrivent dans la vraie vie, alors…

The North water (série télé)

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Le médecin militaire Patrick Sumner (Jack O’Connell), dégradé dans le déshonneur, a beaucoup à cacher ; sa dépendance au laudanum n’est pas le moindre de ses secrets. Pour gagner sa vie, il s’invente une histoire notariale compliquée (en Irlande) qui prendra un an à être résolue et embarque comme médecin sur un baleinier. Personne n’est vraiment dupe, mais le bateau a besoin d’un toubib. A peine embarqué, Patrick fait la connaissance d’un des hommes d’équipage, une brute du nom d’Henry Drax (Colin Farrell) que tout le monde semble respecter ou craindre. Tout de suite une puissante animosité se crée entre les deux hommes ; elle n’aura de cesse d’aller crescendo, car Patrick en est convaincu : Drax est le diable incarné.

The North Water est une mini-série anglaise en cinq épisodes d’une brutalité qui laisse pantois. Elle rappelle beaucoup par certains aspects Taboo, mais avec moins d’envolées romanesques. D’ailleurs on retrouve l’excellent Stephen Graham dans un des rôles principaux, ici celui du capitaine. Énorme, bouffi par l’alcool, d’une perversité suffocante, Drax est incarné par un Colin Farrell tout à fait mémorable, dont la prestation, plus bestiale que diabolique, rappelle certaines performances maintenant anciennes de Robert de Niro. The North Water est brutal, c’est aussi une série crue, qui n’épargne aucun détail sordide au spectateur, par exemple quand un mousse est violé et qu’il a besoin de soins douloureux au niveau de l’anus. Mais le plus dur est ailleurs, dans les scènes de cruauté envers les animaux, notamment les phoques, puis une baleine.

Le spectacle monte en puissance et les deux derniers épisodes (dans le grand nord) sont tout simplement ahurissants.

Une série d’une rare tension émotionnelle, très épurée, qui va à l’essentiel et laisse un souvenir durable.

Barkskins, une série télé d’Elwood Reid, d’après Annie Proulx

Carte de Wobik, Nouvelle France

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1690.

Une grande effervescence s’est abattue sur la petite colonie française de Wobik. Les Iroquois ont perpétré un massacre non loin. En représailles, six corps d’Iroquois ont été pendus à l’arbre mort qui se trouve à l’entrée de la ville, près des quais. Ajoutez à cela des hommes et surtout des femmes à marier, les filles du Roi, qui viennent d’arriver en ville, donc pas forcément au meilleur moment. Parmi eux se trouve un Bûcheron, René Sel, qui va être engagé par l’excentrique monsieur de Trépagny (David Thewlis, parfois un peu en roue libre, trouvé-je) et Mélissandre, qui va devenir la femme du noble, alors que celui-ci vit déjà avec une métis huronne qui lui a donné un fils (oui oui, ça va chauffer). A ça s’ajoutent deux hommes de la baie d’Hudson (dont l’un évoque Solomon Kane) qui recherchent un des leurs : James Cross, suspecté d’être impliqué dans le massacre qui agite tous les esprits. Wobik est un sac de vipères, attention à ne pas se faire mordre.

Bon la première chose que je retiens de cette série c’est que Francis Geffard (l’aubergiste) meurt très tôt. Or je travaille avec Francis Geffard (l’éditeur) qui lui aux dernières nouvelles va très bien (et qui nous a encore sorti un petit chef d’œuvre pour la rentrée littéraire, Lorsque le dernier arbre de Michael Christie). Je n’ai pas pu m’empêcher de lui demander qui avait décidé de mettre fin à ses jours et il m’a répondu que c’était Elwood Reid et non Annie Proulx. Francis Geffard a publié trois ouvrages de Reid chez Albin Michel et une nouvelle isolée « Territoires ». J’ai lu Midnight sun et « Territoires » et j’en garde un très bon souvenir (plus de la nouvelle, d’ailleurs, que du roman). Voilà pour l’anecdote, revenons à la série.

Une fois de plus j’aurais aimé adorer Barkskins, louer entre autre sa véracité historique. Mais il y a un petit quelque chose qui m’empêche d’adhérer totalement. Les personnages sont très travaillés, très écrits, mais l’ensemble s’éparpille un peu, court trop de lièvres à la fois. Certains personnages sont très étranges, Trépagny évidemment, James Cross, Renardette aussi, mais ils sont loin d’être les seuls, ce qui donne un peu l’impression d’un asile de fous à ciel ouvert. D’autres personnages, pourtant cruciaux, comme Mari, la métisse française-huronne sont un peu laissés au bord du chemin. Pareil pour Gay Bill dont on ne comprend pas bien ses liens avec des Iroquois visiblement décidés à tuer tout ce qui n’est pas Iroquois.

Barkskins est brutale, cruelle, sans concession (le traitement réservé aux Iroquois est, disons, surprenant). Je me laisserai sans doute tenter par la saison 2 si elle est tournée, histoire de voir si ça s’améliore (de mon point de vue, car les critiques sont globalement excellentes, la série est notée 7,3/10 sur IMDB).

Taboo (série TV) – Steven Knight (2017)

1814.

James Keziah Delaney (Tom Hardy, dans ce qui est sans doute son meilleur rôle à ce jour, loin très loin de ses cabotinages usuels) est de retour à Londres.

Son père vient de mourir, empoisonné à l’arsenic. Le vieux fou laisse derrière lui un empire maritime fantôme dont il ne reste que quelques bâtisses désertées sur les quais de la Tamise.

Métisse, moitié amérindien par sa mère, moitié anglais par son père, James Keziah Delaney est l’objet de toutes les rumeurs. On dit qu’il est le Diable, pas moins. Qu’il est mort en Afrique. On dit qu’il est amoureux de sa demi-sœur. On murmure même qu’il lui a fait un enfant. On dit qu’il parle avec les morts, qu’il entend chanter les noyés. Qu’il mange le cœur de ses ennemis vaincus.

James ne veut qu’une chose : récupérer le Détroit de la Nootka que son père a négocié à la tribu de sa mère et ainsi avoir le monopole du commerce du thé avec Canton. James n’a qu’un ennemi : la Compagnie des Indes Orientales qui veut exactement la même chose, mais sans payer ce que le détroit vaut vraiment. Il ira jusqu’au bout de sa volonté ; qu’importent les morts qui s’entasseront, les horreurs qu’on colportera à son sujet. Et celles, bien réelles, qu’il commettra. Car son âme est noire comme la poudre, comme une flaque de sang à l’aplomb de la pleine lune.

Waouh !

Putain !

Sérieux !

Ça faisait longtemps que je n’avais pas été cloué à ce point par une mini-série de huit épisodes. Tom Hardy est impressionnant. Le reste du casting suit : Stephen Graham en tueur tatoué, Jonathan Pryce en grand méchant, Franka Potente en prostituée allemande, etc. Série sanglante, violente, vénéneuse, érotique, malsaine, carnassière. C’est bien simple on dirait qu’elle a été extraite avec des pinces brûlantes du cerveau en surchauffe d’un Lucius Shepard au sommet de sa forme littéraire.

« A gothic gem » a écrit un critique américain. Oui, bon, ok, pas mieux.

The Night Manager, David Farr (2016)

🍸

Jonathan Pine (Tom Hiddleston), ancien soldat anglais ayant servi deux fois en Irak, s’est reconverti comme directeur de nuit d’un hôtel cinq étoiles au Caire. Au moment où survient le printemps arabe, il fait tout pour protéger une cliente, Sophie Alekan, qui n’est autre que la maîtresse de Freddie Hamid, un playboy au bras long impliqué dans divers trafics. Cette jeune femme a en sa possession des papiers qui mettent en cause Richard « Dick » Roper (Hugh Laurie) un homme d’affaires spécialisé dans le matériel agricole et très impliqué dans l’humanitaire au proche-Orient. Jonathan passe les documents à l’ambassade anglaise et ceux-ci migrent jusqu’à Angela Burr (Olivia Colman), une directrice d’agence de lutte contre le trafic d’armes, qui s’est jurée de faire tomber Roper. L’histoire finir mal : Sophie est assassinée et Jonathan change de vie. Il devient directeur de nuit dans un hôtel de luxe suisse. Quand sa route croise à nouveau celle de Richard Roper, il se promet de faire tomber cet homme et accepte le pacte (de sang) que lui propose Angela Burr.

Tiré d’un roman de John Le Carré (que je n’ai pas lu), The Night Manager est une excellente mini-série anglaise (6 épisodes d’une heure). Tout est réussi : le casting, les décors, le suspense distillé avec parcimonie et tact. Étrangement, l’asperge Elizabeth Debicki (1m90) joue exactement le même rôle que dans Tenet, à une différence près que je ne spolierai pas ici (d’ailleurs je n’ai pas aimé Tenet, je suis devenu allergique au cinéma plein d’esbroufe à la con de Christopher Nolan). On pourrait peut-être reprocher l’aspect irrésistible de Jonathan Pine à qui aucune femme résiste et mieux encore ce sont elles qui viennent, langue pendante, le chercher pour le meilleur et souvent le pire. Hugh Laurie, homme d’affaires, trafiquant, père et amant, est impressionnant (il y a quelque chose de félin dans sa vilénie) ; pour une fois qu’un « méchant » n’en fait pas des tonnes. Derrière sa façade de série d’espionnage, The Night Manager creuse avec subtilité d’autres sujets : la fidélité (en amour, en affaires), le sens de la vie, la solitude, etc.

J’ai beaucoup apprécié le soin apporté aux seconds rôles. La palme revenant sans doute à Tom Hollander qui joue Lance Corkoran, le tueur professionnel (homosexuel) à la solde de Richard Roper, que lentement mais sûrement Jonathan Pine va évincer.

Très bon.

Je conseille.

Lovecraft Country, une série TV de Misha Green

🐙

Depuis la parution en français d’Un requin sous la lune (Sewer, Gas & Electric, 2001), je suis d’un peu trop loin, à mon goût, la carrière de l’écrivain américain Matt Ruff. Quand est sorti son roman Lovecraft country, je me suis trop tardivement renseigné pour l’avoir en lecture et éventuellement en acquérir les droits (Matt Ruff est représenté par un agent avec qui je n’ai jamais travaillé, ça n’aide pas) : il était déjà vendu aux Presses de la cité. Bon, ça ne m’a pas empêché de le lire et de l’apprécier, même si ce n’est pas un roman parfait, mais paraîtrait-il, il n’en existe pas.

Et voilà qu’un projet de série a débarqué ; j’avoue que j’étais curieux de voir ce qu’ils pouvaient faire du roman, ce qu’ils allaient en garder (Lovecraft Country c’est plein jusqu’à la gueule et ça déborde même un peu de partout), ce qu’ils allaient laisser de côté.

Mais reprenons par le début de l’histoire : Atticus « Tic » Freeman apprend la disparition de son père et se rend chez son oncle George pour en savoir plus. George et son épouse Hyppolita (non créditée, comme le veut l’époque) publient un guide de voyage à destination des gens de couleurs qui veulent se déplacer en Amérique en toute sécurité. Et donc après quelques péripéties, Tic, George et la jeune Leti partent à la recherche de Montrose Freeman, qui se trouverait dans un improbable patelin de Nouvelle Angleterre, Ardhan (et non Arkham, comme Atticus, grand lecteur de Lovecraft, l’a cru de prime abord). Là, ils vont se trouver en guerre contre une vieille famille de sorciers blancs à qui une servante (enceinte du maître des lieux) a volé le plus important des trésors : Le Livre des noms.

Arrivé à la fin du deuxième épisode, je me suis dit : « ça va pas le faire ». Ça va trop vite, le jeu littéraire autour de l’œuvre de Lovecraft et de son racisme est sacrifié à l’aune d’un rythme télévisuel un brin effréné et pour tout dire fatigant. On pourrait presque faire une saison de 8 épisodes avec tout ce que contiennent les deux premiers. Par la suite, ça ne s’arrange guère, ça n’empire pas non plus. Il y a des choses formidables sur le racisme systémique, la société américaine, l’hypersexualisation de la femme noire, ici incarnée par l’actrice nigériane Wunmi Mosaku, aux formes plus que généreuses, etc. Et puis des choses moins fortes, une violence parfois gratuite, des scènes de sexe assez répugnantes qui n’apportent pas grand chose à l’ensemble (cette marque de fabrique HBO est en train de devenir un tic risible). Il y a une ou deux divergences avec le roman qui m’ont fait hurler, car à mon sens elles trahissent le propos, malin, très malin, de Matt Ruff – auteur blanc qui ose écrire sur les Noirs, leur culture, leurs blessures et le fameux massacre de Tulsa (déjà mis en scène dans la série Watchmen).

C’est too much, parfois épileptique, parfois raté, parfois formidable ; ils ont voulu mettre tout ce qu’il y avait dans le roman et n’ont globalement pas su choisir. Certains critiques ont regretté que la série parlait trop de problèmes raciaux ; j’ai évidemment le sentiment inverse, elle n’en parle trop ni pas assez, elle en parle bien… c’est le dosage des éléments fantastiques, trop frontaux, trop brutaux dès le début qui, à mon sens, pose problème.

Dommage.


The Mandalorian (saison 1 & 2) – série TV

(Petit résumé pour les huit personnes qui reviennent d’un agréable séjour de quatre ans en Corée du nord 👇)

Orphelin élevé par les chasseurs de primes mandaloriens, le Mandalorien suit le Credo, la Voie : jamais il n’enlève son casque en présence d’autres êtres vivants (c’est un des ressorts de la série). Chasseur de prime hors du commun, il se fait payer quand c’est possible en Beskar, ce métal que même un sabre laser ne peut entamer et qui appartiendrait historiquement aux Mandaloriens. Un jour, on lui propose de ramener vivant une cible (il n’en connaît que l’âge : 50 ans). Le Client (Werner Herzog – excellent choix qui rappelle que l’Empire a toujours été une métaphore pataude du IIIe Reich) est prêt à lui payer une fortune en beskar. Mando (on ne connaîtra son vrai nom que dans l’épisode 8 de la première saison), accepte, participe à un carnage en règle et récupère un bébé qui partage une forte ressemblance avec un certain chevalier jedi philosophe qui professa (professera ?) un jour que jamais personne ne devient grand par la guerre.

Colis remis, payé, Mando se fait fondre une armure très jolie qui brille comme une Ferrari toute neuve. Et là, c’est le drame : d’un seul coup, il s’aperçoit que sous son indestructible et viril thorax cache un petit cœur capable de saigner et que cet organe maladroit est en train de l’aiguiller sur une autre voie, celle des remords et de l’acte juste. Bébé va se trouver un nouveau papa. This is the way !

Bon, honnêtement, depuis que c’était sorti, ça me tentait pas vraiment (une série Star Wars produite par les peine à jouir coincés du cul de Disney, beurk puissance 8 ; une des pires cultures d’entreprise de la planète, comme l’a récemment prouvé les nombreuses affaires de liberté d’expression et autre qui ont entourés leurs récents exploits). Bon, Disney c’est le vrai empire du mal, ça c’est dit, ça c’est fait, n’y revenons plus.

En plus Star Wars c’est parmi les plus beaux souvenirs de mon enfance. Je suis né en 1971, donc j’avais l’âge parfait pour découvrir cet univers-là, à cette époque-là. Quel garçon de onze ans né fin des années 60 début des années 70 n’a pas rêvé d’affronter Dark Vador avec un sabre laser, de piloter un X-wing, le Faucon Millénium ou de faire sauter son collège l’Étoile de la Mort ? Donc oui, j’ai adoré les trois premiers Star Wars, je n’ai pas aimé les trois suivants et les trois derniers m’ont consterné/ennuyé, même si probablement tout n’est pas à jeter dedans. Il y a un truc pourri au royaume des Jedis, c’est que tout ça : IV, V, VI puis I, II et III et enfin VII, VIII et IX n’est pas cohérent, ne tient pas la route, ne s’articule pas bien, sur à peu près tous les plans (le scénario, l’esthétique, les relations entre les personnages, l’histoire de la République). Une des questions que je me posais en regardant The Mandalorian, c’est « à quel moment ça se passe ? » Notez bien que j’aurais pu regarder sur internet, mais 1/ j’avais la flemme et 2/ c’est pas écologique. La saison 2 y répond précisément et comme de juste, ça ne matche pas vraiment avec le reste, mais à dire vrai peu importe. Jon Favreau, le showrunner, a pour moi l’immense qualité d’avoir fait bouffer a Disney une série ambiguë, moralement douteuse, délicieusement répugnante (l’épisode des œufs, photo ci-dessous, là, franchement fallait oser, chapeau Jojo !). Ça flingue dans tous les sens, il y a de belles ordures, des idées assez fortes, des seconds rôles sympas comme Timothy Olyphant. Il y a même une meuf avec des gros bras et un gros cul (Gina Carano ; visiblement, elle a aussi un petit cerveau, on ne peut pas être doué dans tous les domaines). Et les frontières entre le bien et le mal sont loin d’être aussi marquées que dans les films des secondes et troisième trilogies (par ordre de tournage).

Donc j’avais pas trop envie de voir The Mandalorian, mais après un arrêt-maladie d’une semaine, la fatigue inhérente à toute intervention chirurgicale (même bénigne), j’avais tellement de travail, de dossiers à boucler, d’urgences à colmater que le soir, un ou deux épisodes de 30 à 40 minutes, c’était absolument parfait. Et j’ai donc tenté le coup, en me disant « au pire, j’arrête et j’attaque Lovecraft County » et, voilà… parfois, j’ai retrouvé le plaisir de l’enfant qui fait djouou djouou avec un bâton et qui s’imagine sabre à la main en train d’affronter des hordes de fonctionnaires de l’éducation nationale soldats impériaux.

The Mandalorian est loin d’être parfait, mais globalement ça fait passer un chouette moment, bien plus que les derniers films de la franchise…