Sisu : de l’or et du sang, Jalmari Helander (2022)


Ça commence un peu comme les 17 première minutes muettes de There Will Be Blood (2008) de Paul Thomas Anderson : un type qui ne décroche pas un mot, cherche de l’or en Laponie alors que la Seconde Guerre Mondiale prend fin. Il finit par trouver un bon filon, remplir deux sacs d’or et lever le camp, avec son cheval et son chien, frisé, qui ne ferait pas peur à une mouette malade (nous sommes minute 10). En chemin vers Helsinki, il croise un side-car nazi, deux camions (un plein de soldats, l’autre plein de « femmes de réconfort ») et un tank (c’est un modèle russe, la production n’avait pas de quoi s’offrir un tank allemand). Les soldats jaugent le chercheur d’or et le laissent passer en riant. Plus loin, notre vieux finlandais taciturne tombe sur un groupe de nazis retardataires qui, malheureusement pour eux, décident de lui chercher des poux dans la tête. Nous sommes à douze minutes (environ) de film et voilà déjà quatre morts au compteur. Rassurez-vous : ça ne fait que commencer, car le chercheur d’or n’est pas un vieux type comme un autre, on raconte qu’il a fait la Guerre d’hiver contre les Russes et qu’après avoir tout perdu il a renoncé à mourir.

Sisu est une coporoduction Finlande/Grande-Bretagne qui mélange film de guerre, film d’horreur, comédie et film de super-héros. Le générique de fin confirme ce qu’on comprend assez vite, c’est en film l’équivalent d’un comics indé outrancier, trash et complètement décomplexé (genre The Boys). Même si ce n’est pas du grand cinéma, on ne peut que saluer l’inventivité de la mise en scène (qui rappellera celle de Dead Snow de Tommy Wirkola) et le sens des paysages du réalisateur qui filme la Laponie comme Kevin Costner avait filmé l’Alberta pour Open Range (et c’est un vrai compliment). Autre surprise, Aksel Henni qui interprète l’inévitable méchant nazi, a choisi la carte de la sobriété plutôt que d’interpréter un x-ième officier SS pervers et hystérique, ce qui rend son personnage presque sympathique, surtout à mesure que ses hommes meurent dans d’atroces circonstances. Avec ce film, Jalmari Helander s’impose comme une sorte de Robert Rodriguez finlandais.

Sisu est improbable, gore, fun et de très mauvais goût. Donc : hautement recommandable.

L’Épée sauvage, Albert Pyun (1982)


Résumé éditeur (j’ai la flemme) :

Le tyrannique Lord Cromwell est prêt à tout pour conquérir le royaume d’Ehdan, même à  recourir à la magie noire. Avec l’appui du sorcier démoniaque Xusia de Delos, il parvient à anéantir ses ennemis et à neutraliser le roi Richard et sa famille. Seul son fils Talon réussit à échapper au massacre. Onze ans plus tard, le jeune homme, devenu un guerrier redoutable, est de retour au royaume où un complot contre Cromwell se prépare…

Mon avis :

Alors là dans le genre navet de fantasy héroïque, je pense qu’il est difficile de faire pire (n’hésitez pas à proposer des titres en commentaires). Acteurs tous mauvais (au minimum), effets spéciaux calamiteux mal cachés sous une brume artificielle, décors pourris, combats risible dignes du plus mauvais péplum philippin, problèmes de cohérence (je te transperce les deux mains avec des clous (c) Rocco Siffredi, et la scène d’après t’es tout réparé et tu te bats avec une épée de dix-sept kilos à trois lames fabriquée dans son garage par papy Wu qui aime bien traîner dans les décharges à ciel ouvert). Ce film est indubitablement extraordinaire, c’est une sorte de sous-sous-Conan le Barbare tourné en décors playmobil par un des pires réalisateurs de la planète : Albert Pyun.

A noter qu’il existe une suite, si si, qui reprend soit une partie du casting, soit une partie des personnages : Tales of an ancient empire. Eu égard à mes antécédents cardiaques, mon médecin traitant m’en a interdit le visionnage.

Pour une raison que je ne comprends pas bien, Carlotta films a sorti une édition steelbook de cette chose, à 25,00 euros quand même… alors que certains chefs d’œuvre du cinéma restent absolument introuvables en blu-ray. Pour être tout à fait sincère, j’ai voulu revoir le film avant d’investir. Verdict sans appel : je vais garder mon DVD de provenance douteuse, ça ira très bien.

Par ailleurs, je ne suis pas tout à fait sûr qu’on puisse faire une lecture féministe du film, même en ayant les idées larges.

65 – La Terre d’avant, Scott Beck & Brian Woods (2023)


Mills, pilote spatial de son état, part deux ans en mission pour payer le traitement de sa fille malade.

Petit détail : Mills n’est pas humain, ni Terrien, il vit 65 millions d’années avant notre ère. Mais bon il a l’air terrien et même très humain, car il est incarné par Adam Driver.

Alors qu’il est en mission, son vaisseau traverse un nuage de météorites et il se crashe sur la planète Terre. La suite du film nous apprend que sa région d’adoption par collision involontaire est la péninsule du Yucatán. Mills n’est pas le seul survivant du crash, il ne tarde pas à retrouver une gamine de neuf ans environ prénommée Koa, qui évidemment va lui rappeler sa fille Nevine.


65 La Terre d’avant c’est le retour perdant de la science-fiction des années 50, le ridicule est là comme il se doit, la poésie nettement moins. Déjà la météorite qui rebondit sur la carlingue du vaisseau au début du film, on s’étrangle, le scénariste n’a probablement jamais entendu parler du concept d’énergie cinétique. On s’étrangle d’autant plus fort que le vaisseau fait aussi du bruit dans l’espace. Dommage qu’il n’y ait aucune bataille spatiale contre un ptérodactyle de combat… on aurait eu droit à des piou-piou lasers. Bon après, évidemment ils s’écrasent sur une planète peuplée de dinosaures moches. Années 50, je vous dis (La planète oubliée de Murray Leinster, 1954). A un moment le héros se déboîte l’épaule, se remboîte l’épaule, et ça repart comme si de rien n’était : je tire au fusil, je grimpe à la corde, je fais du MMA avec un T-rex. Aparté sans intérêt : je me suis déboîté l’épaule au Cambodge il y a une vingtaine d’années (en tombant d’un bateau avec mon sac à dos de 20 kilos) et ce n’est pas du tout le souvenir que j’ai gardé de l’expérience, je suis bien resté dix jours avec le bras en écharpe. Mais bon, je suis un produit des années 70, ce sont les vingt années qui changent tout.

Bon revenons au film : écrit à la hache comme il se doit, avec des scènes d’émotion pas honteuses mais pas non plus inoubliables. Les scènes de tension sont assez artificielles et leurs résolutions la plupart du temps ridicules. Bon, quand l’ordinateur parle en kilomètres et en heures on se marre aussi.

Voilà un bon gros navet américain (45 millions de dollars de budget quand même) qui hésite entre le film familial et le film d’horreur et ne fonctionne dans aucun des deux registres.

Jukai, la forêt des suicidés, Takashi Shimizu (2021)


Bon, ça faisait un moment que je n’avais pas fait une petite critique sur ce blog et j’y reviens avec un film d’horreur qui ne m’a pas du tout convaincu.

Ce film se base sur une triste réalité japonaise : l’existence au pied du mont Fuji d’une forêt (par ailleurs magnifique) de 35 km2 où certains japonais viennent se suicider : Aokigahara. L’endroit est devenu tristement célèbre quand le vidéaste américain Logan Paul y a filmé un jeune Japonais qui venait de s’y suicider, et a manqué de respect envers la victime, affaire qui a eu de nombreux retentissements et a été très mal vécue du côté japonais.

Aokigahara a déjà été mise en scène dans un film, Sea of trees de Gus Van Sant (que je n’ai pas vu, notamment parce que les critiques étaient assassines).

Mais revenons à Jukai. Le film commence par le sauvetage de deux gamines perdues en forêt par un vieil homme qui semble en savoir long sur l’endroit (la star japonaise Jun Kunimura). Puis nous suivons une youtubeuse qui explore la forêt en direct live (ce qui nous ramène à Logan Paul, sus-cité). Et enfin nous suivons un groupe de jeunes qui emménagent dans une maison en bordure de forêt et trouvent une boîte en bois sous le pallier (on se demande comment ils peuvent se payer une telle maison, surtout au Japon où le prix de l’immobilier est démentiel ; rassurez-vous ça n’est jamais expliqué). Bon, tout ça pourrait fonctionner, mais la volonté du réalisateur de faire son The Strangers de Na Hong Jin est tellement limpide qu’elle pulvérise tout. Takashi Shimizu reprend un des acteurs du film coréen, Jun Kunimura, reprend le thème du lieu marqué par le passé Goksung/Aokigahara et même la scène d’exorcisme, qu’il foire totalement, là où Na Hong Jin filmait une des scènes les plus fortes du cinéma contemporain.

Régulièrement ridicule, Jukai est un bon gros navet japonais.

Knock at the cabin, M. Night Shyamalan (2023)


Une enfant joue dans les bois, elle attrape des papillons, des sauterelles, qu’elle met dans une grande jarre en verre. Cette gamine d’origine asiatique qui a été opérée d’un bec de lièvre s’appelle Wen. Dans la maison, ses deux papas adoptifs (hé oui), Eric et Andrew, boivent un verre en discutant. Un homme arrive pour discuter avec Wen, Leonard, une sorte de bon gros géant tatoué. Il lui dit qu’il va se passer des choses très dures, mais qu’il n’y a aucun moyen de l’empêcher, que c’est nécessaire. Le géant est alors rejoint par un autre homme et deux femmes, portant d’étranges armes dans le plus pur style new medieval castorama (je me permets de (c) l’expression). Bon, on se demande bien pourquoi la gamine flippe, les papas se barricadent. Et les quatre étrangers nous la font Home Invasion for the Dumbs. Après un peu de suspense hollywoodien, trois fois rien, je vous rassure, les méchants ligotent les gentils et leur disent : « voilà si l’un de vous ne se sacrifie pas, c’est la fin du monde. Et il doit être assassiné (celui qui se sacrifie, pas le monde) ».

M. Night Shyamalan a encore frappé, produisant un de ces navets incroyables dont il a le secret depuis à peu près… ben tout le temps, à bien y réfléchir. Comme d’habitude, il mélange de bonnes idées, de bons acteurs et des ingrédients profondément navrant, avant d’ajouter dans ce cas précis un soupçon de trahison (plutôt gros, le soupçon) du matériel littéraire d’origine.

J’ai gloussé pendant une heure et quarante minutes. On va dire que c’est thérapeutique. Rupert Grint fait très très mal le bouseux américain (faudrait qu’il y ait un permis pour ce genre de rôle : « non, Gilles Lellouche (acteur choisi au hasard), tu peux pas faire le bouseux américain, t’as pas la gueule, t’as pas l’accent. »). Tout le truc apocalyptique est à pisser de rire, comptez trois changements de caleçon minimum (et encore si vous ne buvez pas de bière pendant la projection ; évitez le jus de pomme). Étonnamment, Dave Bautista (à la voix reconnaissable entre toutes) est vraiment dans le ton. Mais cette soupe chrétienne, pleine de grumeaux malodorants, reste pour le moins en travers de la gorge. Nausées assurées.

(J’espère que Paul Tremblay a eu un très très gros chèque, avec au moins six zéro au cul du premier chiffre, parce que franchement, sinon, c’est un peu la loose).

Attention navet !

PS : Je savais bien que j’avais oublié un truc. Ce film m’en a rappelé un autre : La Septième prophétie de Carl Schultz (1988) avec Demi Moore et Michael Biehn. C’est un peu la même histoire, quand même…

Le Vent de la violence, Ralph Nelson (1975)


C’est une adaptation du roman de Peter Driscoll, La Conspiration Wilby, autrefois publié chez Fayard. D’ailleurs le titre VO c’estThe Wilby Conspiration (quelle surprise !) qui est beaucoup plus proche du film que le titre français, particulièrement idiot.
On est en plein Apartheid. Une avocate réussit à faire relâcher un activiste noir (Sidney Poitier). Accompagnée de son amant (Michael Caine), elle propose à son client d’aller fêter ça avec une coupe de champagne. Sur le chemin, ils sont arrêtés par des policiers bornés. Michael Caine résiste, scandalisé par l’attitude des policiers, et « signe leur arrêt de mort à tous les trois ». En fuite, les deux hommes décident de faire ensemble la route jusqu’à Johannesburg (1500 km depuis Le Cap).
Ils sont poursuivis par un afrikaner retors, le Major Horn interprété par Nicol Williamson, le Merlin d’Excalibur.
C’est peut-être pas un grand film, mais j’ai trouvé que c’était vraiment très chouette, qu’il y avait de nos jours quasiment plus de films d’aventure de ce genre. Il y a quelques morceaux de bravoure « africains » et j’avoue que la fin m’a laissé comme deux ronds de flan.
C’est du Ralph Nelson (Soldat Bleu), le ton est particulier, on oscille entre la comédie et l’horreur sociale pure et dure.
(Easter egg : Rutger Haueur est le cocu de l’histoire, et il est… mortel dans le rôle.)

Je conseille.

Men, Alex Garland (2022)


Harper (Jessie Buckley) vient de perdre son mari. Après une énième dispute, il est tombé de l’appartement du dessus. Elle l’a vu passer, l’air surpris. Suicide ou accident, elle ne sait pas. Il venait juste de la menacer de se suicider si elle demandait le divorce. Harper quitte Londres pour louer un (petit) manoir dans le village de Cotson, à quatre heures de route. A peine arrivée, les faits étranges commencent à s’accumuler. Elle est poursuivie par un vagabond (nu) qui tente d’entrer par effraction dans sa maison de location. Et toute discussion qu’elle entame avec un homme du coin finit par prendre une tournure désagréable.

Dire que Men est un film étrange est pour le moins insuffisant. C’est un film d’horreur qui fait penser à Antichrist de Lars Von Trier, certains aspects du cinéma de Nicolas Winding Refn et les premiers films, très organique, de David Cronenberg. On y rencontre L’homme Vert, sculpté dans les édifices sacrés, mais aussi en chair et en feuilles.

« L’Homme vert signifie l’irrésistible vie […] Il est une image issue des profondeurs de la préhistoire ; il apparaît et semble mourir puis, après un long temps d’oubli, il revint a plusieurs reprises au cours de ces derniers deux mille ans. De par ses origines, il est bien plus ancien que notre ère chrétienne. Sous toutes ses formes, il est une image de renouveau et de renaissance. » William Anderson

Men est un film qui jouit de nombreuses qualités : la photo est superbe, notamment durant les scènes de forêt et celle du tunnel ; l’interprétation de Jessie Buckley est assez épatante. Mais ce qui retient surtout l’attention, c’est le jusqu’au-boutisme du réalisateur, sa volonté de mettre mal à l’aise, de secouer, notamment lors de la dernière séquence, cauchemardesque, hallucinante et qui risque de laisser plus d’un spectateur sur le carreau. Ce jusqu’au-boutisme est contrebalancé par certains aspects « ludiques », un peu incongrus (je ne spoile pas). A priori, les ingrédients sont bons, puissants, sauf qu’à vouloir mettre mal à l’aise ses spectateurs tout en jouant avec eux, Alex Garland finit par brouiller le message (les messages ?) de son film (qui par bien des aspects reste obscur). Dommage qu’on ne comprenne pas trop où veut en venir le réalisateur, qui se permet une ou deux scènes qui devraient – cerise sur le gâteau – faire péter les plombs de n’importe quelle féministe, même modérée.

Techniquement impressionnant, écartelé entre deux registres antagonistes, Men semble au final terriblement vain. La scène du tunnel et la scène finale marquent durablement. Ça ne suffit malheureusement pas à faire un film réussi.

Freaks out, Gabriele Mainetti (2021)


Italie. Seconde Guerre mondiale.

Israël tient un cirque de monstres. S’y produisent un loup-garou à la force herculéenne, un (faux) albinos qui maîtrise les insectes (sauf les abeilles, car elles le gonflent), un nain magnétique (qui a une certain propension à la masturbation à toute heure du jour et de la nuit) et une jeune fille électrique qui allume des ampoules en se les mettant dans la bouche, au creux de la main, etc.

Pendant une attaque, une bombe tombe sur le cirque et le gagne-pain de tout ce petit monde part en morceaux (avec une partie des spectateurs). Ils décident alors de se rendre aux USA pour recommencer leur vie. Israël part avec l’argent et disparaît. Il ne revient pas. Le loup-garou décide lui de rejoindre le cirque Berlin à Rome, tenu par un pianiste nazi à six doigts qui voit le futur en s’intoxiquant à l’éther. La fille électrique elle part à la recherche d’Israël.

Si vous aimez les films de guerre sérieux, évitez à tout prix celui-ci. On est clairement dans le registre des comics… quelque part entre Hellboy pour la fascination pour l’ésotérisme nazi et The Boys pour le côté mauvais goût exacerbé, levrette avec une femme à barbe, giclées de sang et autres. Sans parler des anachronismes divers et variés. Le film empile les références : Affreux, sales et méchants, Fellini (si si), Hellboy déjà cité, Quentin Tarantino (en fait, il est impossible de toutes les repérer / citer). Son méchant est à la fois ridicule, fou, pathétique, flamboyant. La fascination du réalisateur pour les croix gammées, la branlette compulsive et le velours rouge est un peu épuisante sur 2h20. Néanmoins, on prend un immense plaisir à voir ce truc improbable qui ose tout, y compris des moments de pure poésie.

Je conseille, et les deux morceaux musicaux (Franz au piano) sont tout simplement époustouflants.


X, Ti West (2022)


Texas, 1979.

Wayne (Martin Henderson) embarque deux de ses stripteaseuses, un jeune réalisateur qui croit pouvoir faire de l’art tout en faisant du porno, une jeune perchiste (Jenna Ortega) dans une ferme isolée pour tourner un film X avec un acteur noir. Dès le départ, les choses ne se passent pas très bien avec le propriétaire, un homme âgé qui a fait deux guerres et a une certaine idée de ce que doit être l’Amérique. Mais bon, Wayne ruse et tourne sans trop de problèmes deux scènes, une avec Bobby-Lynne (la blonde) dans la chambre, une autre avec Maxine (la brune) dans la grange, Maxine (Mia Goth) qui rêve de devenir une star et se balade nue sous sa salopette à peu près tout le temps.

Émoustillée par ce qu’elle a vu sur le tournage, Lorraine (Jenna Ortega) se propose à son tour pour tourner une scène, ce qui bouleverse son petit ami – le réalisateur – qui ne voyait pas la jeune femme sous cet angle.

Frustrations, désirs exacerbés, corps nus, chaleur… tout est en place pour qu’un drame ait lieu.

X de Ti West rend un hommage limpide (et qui sera difficilement surpassable) au Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper (1974) (et même au Crocodile de la mort du même réalisateur). Même Texas rural, autre famille à problèmes. Le réalisateur (très inspiré dans sa mise en scène) aborde le sexe frontalement : désir, pornographie, nudité, frustration, jalousie. Tout est extrêmement explicite, les filles sont à poil (même si les poils pubiens n’apparaissent jamais), les hommes sont à poil (full frontal) ou en slip moulant. Le corps est célébré. Il est montré aussi dans ce qu’il a de plus cruel : la vieillesse, la disparition définitive de la beauté, de la peau douce et des seins fermes.

Le film est très précis, la mise en place dure environ une heure (durant laquelle on ne s’ennuie à aucun moment), et le climax quarante minutes de tension extrême.

Ti West surprend sans cesse, joue avec les attentes du spectateur de films d’horreur et les clichés du genre. Il ose des choses assez rarement vues dans ce genre de films.

X est un sale gosse plein de foutre et d’hormones qui vous fait un doigt en vous tirant la langue. Il agacera prodigieusement certains, tant il insiste sur le pouvoir de la pornographie, du corps féminin, non sans reléguer les sentiments en arrière-plan. C’est justement tout le sel du film, saisir à bras le corps le paradoxe américain, premier producteur de pornographie au monde et premier producteur de télévangélistes au monde.

Les scènes d’horreur sont particulièrement brutales, « graphiques » si vous préférez.

Voilà un réalisateur que je vais suivre de très près.

(Les fans de Jenna Ortega/Wednesday risquent de passer un sale quart d’heure ; les voilà prévenus.)

Eight for silver, Sean Ellis (2021)


Bataille de la somme.

Un officier est lourdement blessé. Le chirurgien lui retire trois balles du corps, dont une balle en argent.

Trente-cinq ans plus tôt, des Gitans envahissent un terrain dont ils réclament la propriété (c’est étrange, déjà, passons). Comme ils se doutent que ça va pas bien se passer, ils préparent une malédiction (c’est un peu comme aller demander une augmentation avec sa lettre de démission, non ?). Les propriétaires terriens du coin ne l’entendent pas de cette oreille (comme quoi les Gitans sont fatalistes mais pas cons). Et donc les français de souche, de tronc et de racines massacrent tout le monde (en même temps, c’est des Gitans, tout le monde s’en fout un peu aujourd’hui, alors fin du XIXe…). Histoire de faire bonne mesure, ils mutilent un homme et en font un épouvantail. Puis ils enterrent vivante la sorcière gitane avant de prendre une photo souvenir. Ma foi, c’était une très chouette rave party… A l’époque, on savait s’amuser, c’est plus comme maintenant.

Un peu plus tard, les enfants du coin se mettent à faire le même cauchemar et se rejoignent au pied de l’épouvantail où ils déterrent une mâchoire dont les dents aiguisées sont en argent. La mâchoire de la malédiction gitane ! Bien sûr… Et qui va mettre ça sans sa bouche ?

Pourquoi on adhère ou pas à un film, voilà une très bonne question. Je peux plonger complètement dans Galaxy Quest qui est complètement délirant et passer à côté de Eight for silver (parfois titré The Cursed) qui est moins délirant (et à peu près aussi rigolo que la pierre tombale d’un enfant de cinq ans). En fait, le film est sensé se passer en France, et globalement rien ne va à ce sujet (même si je reconnais que je suis loin d’être un expert de la France rurale de la fin du XIXe siècle). Arrive un pathologiste étranger (Boyd Holdbrook, méconnaissable) qui s’intègre sans problème à cette histoire de malédiction gitane et de loup-garou, faut dire qu’il n’a pas gardé un très bon souvenir de son passage dans le Gévaudan. D’ailleurs, à ce sujet, le scénariste situe les événements du Gévaudan à la fin du XIXe siècle. En fait Eight for silver est une uchronie d’horreur (uchronie tout à fait gratuite, du genre « bon, ça colle pas, je vais avancer le truc d’un siècle, aucun spectateur américain verra le truc).

Donc, je suis passé totalement à côté, je me suis ennuyé, ça dure presque deux heures. Le Pacte des loups c’est nettement plus rigolo, y’a même un Amérindien qui fait du kung fu… Franchement, un film américain qui vous donne envie de revoir Le Pacte des loups c’est quand même quelque chose.