A Cure for Wellness / A Cure for Life

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Un jeune col blanc de Wall Street (Dane DeHaan, parfait dans le rôle) est envoyé dans un sanatorium de Suisse pour récupérer M. Pembroke, le patron de sa firme qui doit signer d’importants papiers avant que l’action ne s’écroule définitivement. Dressé au sommet d’une colline, comme le château de Frankenstein, comme le château du comte Dracula, avec un village à ses pieds, le sanatorium est dirigé par le docteur Volmer (Jason Isaacs, fidèle à lui-même – donc impeccable d’une certaine façon). Alors que Pembroke n’est pas décidé à rentrer à New York, Lockhart (le jeune col blanc) découvre un endroit de plus en plus inquiétant. Un terrible accident de voiture, sur le chemin du village, l’oblige à rester malgré lui au sanatorium. Ce n’est pas très important, lui dit-on : personne n’a jamais voulu en partir. Car ici tout le monde est heureux.

A Cure for Wellness est une étrange salade composée de Frankenstein, du Cauchemar d’Innsmouth et de certains ressorts narratifs chers à l’écrivain Ira Levin. Le tout placé dans une Suisse ensoleillée où Rammstein entre en collision avec une médecine steampunk, très XIXe siècle parallèle. Rajoutez à cela une durée inconcevable de 2H26 et, a priori, vous avez tous les ingrédients pour un pot-pourri… plus pourri qu’autre chose. Eh ben, non, ce n’est pas si simple. D’abord A Cure for Wellness est un film d’horreur, un vrai, et donne parfois l’impression d’être le film d’horreur le plus cher de l’histoire du cinéma. Dire que les décors sont réussis est un euphémisme. Tout y est baroque, grandiloquent, mais aussi steampunkisant. Souvent étonnant, sur le simple plan esthétique (il y a des idées à la Terry Gilliam dedans, le Terry Gilliam de Brazil / L’Armée des douze singes). C’est aussi un film « pour adultes », avec des thèmes extrêmement ambigus voire perturbants : inceste, expérimentations scientifiques (avec d’inévitables réminiscences nazies), exploitation du mal-être. Et des scènes à l’avenant : masturbation, nudité (principalement de personnes âgées), menstrues et j’en passe (je ne veux pas spoilier les deux scènes à la limite du soutenable) . J’avoue que je ne m’y attendais pas, pas dans un film à quarante millions de dollars de budget. Effet de surprise garanti. La mise en scène est volontiers impressionnante – on pense au Shining de Kubrick, excusez du peu. Et le film est traversé par un humour tordu, érudit. Tout ça est plein de clins d’œil, de portes dérobées, de petits coups de coude littéraires dans les côtes, etc.

Le résultat final est certes trop long (2h26 ! Sérieux ?), mais la richesse de l’ensemble compense en grande partie sa longueur. Et si le réalisateur cède à certaines facilités (Jason Isaacs dans le rôle du « méchant » de service), il rend hommage à un cinéma américain « adulte » qu’on croyait perdu corps et âme. Et à un cinéma Hammer&co qui n’a jamais eu autant de moyens financiers.

Une dernière chose m’a frappé, les meilleurs films « lovecraftiens » sont presque toujours ceux qui abordent l’univers de Lovecraft d’une façon oblique ou détachée, comme L’antre de la folie de John Carpenter (un des rares scénarios du producteur Michael de Luca). Même s’il est situé en Suisse et ne contient aucun Grand Ancien (en dehors du Capital), A Cure for Wellness devrait plaire aux fans de Lovecraft.