The Take, Brad Furman (2007)

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Felix de la Peña (John Leguizamo) est un transporteur de fonds. Braqué, sa famille menacée, il fait entrer les braqueurs dans le siège de la société de transport et participe bien malgré lui à un carnage dont il est la dernière victime : une balle dans la tête.

Blessé au lobe frontal droit, Felix doit apprendre à revivre. Surtout que le FBI le soupçonne d’être impliqué dans le sanglant braquage. Va-t-il revivre pour les siens ou pour se venger ?

The Take est le premier long-métrage de Brad Furman le réalisateur de The Infiltrator. Les amateurs de films d’action seront déçus, sans doute, tant le film se concentre sur ce qui arrive à un homme qui a pris une balle dans la tête, sur le plan intime, médical, fonctionnel. Le couple formé par John Leguizamo et Rosie Perez est très convaincant, dans sa complicité, face aux difficultés et même dans son intimité (que le réalisateur nous fait partager de façon assez dérangeante).

John Leguizamo,  moins fou-fou que d’habitude est épatant. Tout comme Bobby Cannavale qui joue l’agent du FBI chargé de l’enquête. The take, qui va au bout de son ambition morale, m’a beaucoup plus pour son réalisme quasi-documentaire et son refus catégorique du sensationnel.

War dogs, Todd Philips (2016)

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A un enterrement, David Packouz (Miles Teller) revoit son copain d’enfance Efraim Diveroli (Jonah Hill). David essaye de fourguer des draps en coton égyptien à des maisons de retraite de Floride, sans trop de succès, pendant qu’Efraim vend des armes au Pentagone, utilisant un site d’appel d’offres où certains contrats (« les miettes ») n’intéressent pas grand monde, mais représentent quand même des milliers de dollars de commission. Les deux hommes s’associent. Leurs aventures prennent un tour particulier quand ils doivent se rendre en Jordanie récupérer un lot de Beretta bloqué en douanes.

 » La guerre est une économie, toute personne qui t’affirme le contraire est soit stupide soit impliquée « .

Evidemment basé sur une histoire vraie, War dogs n’est pas un film d’une originalité transcendante, les similarités avec Le loup de Wall Street (renforcées par la présence de Jonah Hill dans les deux films) sont tellement nombreuses qu’on a parfois l’impression de voir un remake situé dans le monde des marchands d’armes. Le film fait la part belle à la comédie, et ne possède pas toute la profondeur du Lord of war d’Andrew Niccol. War dogs dit toutefois quelque chose d’intéressant sur la fascination qu’exerce encore de nos jours le film de Brian de Palma Scarface. Comme toujours, ce qu’en retiennent les personnages c’est la montée en puissance d’un self-made-man avide de pouvoir et d’argent, qui n’a peur de rien, même quand on découpe son copain d’enfance à la tronçonneuse. Comme l’amour la fascination rend aveugle et tout le monde (ou presque) oublie la chute, quand Tony tue son meilleur ami, provoque la mort de la seule personne qu’il aime au monde (sa soeur) et suit de très près ses tripes (libérées par une décharge de chevrotines) dans une fontaine pleine de sang.

Si le film pêche par son manque d’originalité, War dogs a d’autres atouts : la réalisation est inventive, le rythme est soutenu, les acteurs sont épatants et le ton résolument adulte (on se drogue et on se fait sucer dès que possible, car l’argent y pourvoie). C’est une vraie boule puante (d’ailleurs le réalisateur ne s’embarrasse d’aucune pincettes politically correct en matière de clichés antisémites ; il offre à Jonah Hill (né Jonah Hill Feldstein) à peu près tout le catalogue, avec la légèreté d’un merkava lancé à 60 km/h). Efraim est un personnage odieux, absolument indéfendable, mais il devient inquiétant dans une des scènes a priori les plus anodines du film, quand il vire un de ses employés car celui-ci vient de lui expliquer que l’acronyme IBM a un sens, que derrière ces trois lettres se cache une ambition industrielle : International Business Machines. L’intelligence et la culture générale sont alors clairement désignés comme ennemis des bonnes affaires. Est dangereux celui qui pense trop. Les officiers supérieurs le savent que trop bien : un soldat ne doit pas penser, jamais ; il faut l’occuper, tout le temps.

War dogs est un solide divertissement pour adultes consentants. Si vous n’en attendez pas trop, il vous donnera sans doute beaucoup.

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Ghost House, Rich Ragsdale (2017)

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Un couple se rend en vacances en Thaïlande. Julie (Scout Taylor-Compton) se passionne pour les ghost houses, ces petites maisons destinées aux esprits, dans lesquelles les bouddhistes déposent des offrandes. Emmenée par deux Anglais dans la « campagne » où l’on trouve des ghost houses encore plus intéressantes que celles de la capitale, Julie revient malade. Elle est possédée par un watabe, un esprit en colère.

Un film fantastique situé en Thaïlande… difficile de résister.

Ghost house est un J-horror qui serait extrêmement classique s’il avait été situé dans la campagne japonaise ou à Tokyo. Tourné à Bangkok et dans la campagne thaïlandaise (je n’ai pas réussi à trouver la liste des lieux de tournage, dommage), le film sort presque du lot. Mais il est insuffisamment thaï/couleur locale pour convaincre totalement. On reste un peu à la surface de ce bouddhisme animiste où coexistent moines et chamanes. Niveau ambiance thaïlandaise, Only god forgives est très au-dessus, surtout dans sa description vénéneuse de la nuit. Les scènes de rivière et de lac, vers la fin du film, avec l’immense pont en bambou et le temple isolé sur sa rive, sont très chouettes d’un point de vue esthétique. Les scènes fantastiques sont par contre très classiques, assez peu subtiles, et pour tout dire un peu ridicules. Le fantôme qui marche bizarrement, se déplace comme un cafard sur les murs et plafonds, la jeune japonaise aux longs cheveux noirs, l’enfant mort aux yeux blancs que seule Julie voit, car en contact avec le monde des esprits tourmentés. On connaît ça par cœur, depuis presque vingt ans maintenant. Et sur ce plan Ghost house ne fait que recycler ce qu’on a vu et revu. Allant jusqu’à se conclure par la fin la plus cliché qui soit. Comme il se doit.

 

On l’appelle Jeeg Robot, Gabriele Mainetti (2015)

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Enzo est un voleur minable qui passe son temps dans un appartement encore plus minable à regarder des pornos et s’enfiler des yahourts (ou l’inverse). Un jour, poursuivi par la police, il se laisse glisser dans le Tibre et passe au travers d’un fût de déchets radioactifs. A la suite de quoi, il développe une force surhumaine (dont il se sert de façon absolument consternante… pour commencer). Appelé en renfort sur un « coup » (ambiance laxatifs, passoire et couteau de boucher), la récupération de boulettes de drogue tourne mal : un passeur africain meurt d’overdose et l’autre provoque un carnage. Enzo l’ignore, mais il a mis la main dans un engrenage qui va l’obliger à protéger Alessia, la fille (adulte) de son voisin, traumatisée, qui passe ses jours et ses nuits devant un dessin animé japonais : Jeeg Robot.

On l’appelle Jeeg Robot est le croisement improbable de Toxic Avenger (du label Troma) et de Gommorha avec un soupçon de Chica Vampiro, incarné par le personnage de petit caïd grotesque nommé Zingaro (Luca Marinelli).

Le film joue volontiers la carte de la provocation et de l’outrance, pourquoi pas, sauf qu’à un moment le scénariste dérape et [SPOILER] remet Enzo dans le droit chemin de la relation sexuelle non consentie (ou si vous préférez du viol sans violence physique). Pour le coup, ça m’a semblé aussi malsain qu’indéfendable. Tout s’explique : un personnage qui passe son temps loin des autres à regarder des pornos, une jeune fille visiblement abusée pendant l’enfance qui espère que la prochaine fois Jeeg Robot pourra la sauver, mais on est quand même en droit de s’étrangler. [/SPOILER] Si on ajoute Luca Marinelli qui essaye de poser de nouveaux jalons dans le surjeu en matière de voyou hystérique, le bilan n’est pas très positif.

Sordide, de mauvais goût, malsain au possible, On l’appelle Jeeg Robot sous couvert de film de super-héros différent s’inscrit en fait dans une grande tradition italienne de films provocateurs, on pense à Affreux, sales et méchants d’Ettore Scola, certains films de Marco Ferreri. C’est un film qui, au final, se vautre dans les plus bas instincts de l’homme et ne propose guère d’élégie.

Si vous voulez un bain de boue, vous allez être servis.

L’Orphelinat, J.A. Bayona (2007)

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Laura et son mari médecin rachètent l’orphelinat où a grandi la première pour en faire un centre d’accueil pour trisomiques, un établissement de taille modeste, cinq ou six « lits ». Le couple a adopté un petit garçon, Simon, qui souffre du SIDA. Dans l’orphelinat en devenir, Simon se fait de nouveaux amis imaginaires, notamment Tomas qui se promène avec un sac sur la tête. Ce qui n’est pas forcément du goût de Laura. Pendant la fête de bienvenue, destinée aux nouveaux pensionnaires, Simon disparaît.

Voir L’orphelinat quelques semaines après A monster calls, du même réalisateur, n’est pas forcément une bonne idée, tant le second surclasse le premier. Les thèmes se rejoignent : la maladie, les amis imaginaires, les douleurs de l’enfance, l’injustice et le deuil. Ce qui emporte définitivement le morceau dans A monster calls – le travail esthétique – a plus tôt tendance à amoindrir l’impact de L’orphelinat. Le lieu éponyme n’est pas aussi « fort » que l’école de L’échine du diable, la fête avec les masques rappelle trop celle de The Wicker man mais dans un contexte pour le compte très décalé.

Le film ne fait qu’une heure et quarante-cinq minutes, mais je l’ai trouvé terriblement longuet, souffrant d’une progression dramatique boiteuse.

Ce n’est pas mauvais pour autant ; on dirait juste le brouillon de A monster calls, autrement plus convaincant.

Don’t kill it – Mike Mendez (2016)

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Triples meurtres en série à Chickory Creek (trois fois trois égale neuf). Quand un assassin est tué par un citoyen, celui-ci se met aussitôt à tout massacrer autour de lui. Autant dire que les autorités locales sont dépassées et que le FBI ne comprend rien. Heureusement pour Chickory Creek, le tueur de démons Jebediah Woodley (Dolph Lundgren, buriné, tout en auto-dérision) est dans les parages.

Il est difficile d’expliquer pourquoi certains navets se révèlent, au visionnage, absolument réjouissants. Don’t Kill it et son gore pour rire (un peu moins « stade anal » que celui de Ash Vs Evil Dead toutefois) fait évidemment partie de cette catégorie. Dolph Lundgren incarne une sorte de frère Winchester (l’excellente série TV Supernatural) en solo. Rassurez-vous : tout le monde joue mal, l’histoire est conne comme une chaussette esseulée coincée dans un filtre de sèche-linge. C’est mauvais de bout en bout, mais délicieusement mauvais.

Je conseille (mais seulement aux grands pervers dans mon genre).

Le pacte du mal, Oskar Santos (2010)

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Diego Sanz (Eduardo Noriega, très convaincant à contre-emploi) est un docteur distant, tête à claques, mais doué. Il travaille avec des patients en phase terminale, amputés, souffrant de sclérose en plaques qui, tous, ont besoin qu’on les soulage de leur douleur. Un jour, dans le parking de l’hôpital, il est agressé par un homme bouleversé parce que sa maîtresse est en état de mort cérébrale, mais aussi enceinte de sept mois. L’homme tire au pistolet sur Diego avant de se suicider. Quand les médecins et les infirmières arrivent pour prendre en charge leur collègue, Diego est certes inconscient, couvert de sang, mais personne n’arrive à trouver l’orifice d’entrée de la balle.

Le pacte du mal est un film espagnol construit autour de deux idées fantastiques a priori complémentaires qui, à mon humble avis, sont assez mal mariées dans le cas présent. La bonne idée c’est que Diego le distant se retrouve soudain avec le pouvoir de guérir certains de ses patients et que ce pouvoir le rapproche des gens. La mauvaise idée est le contrepoids posé sur l’autre plateau de la balance, celle de la condition humaine. Ce qui est gagné d’un côté est perdu de l’autre. On peut aussi y voir une métaphore du bénéfice/risque des interventions chirurgicales, poussée à son paroxysme.

On voit alors deux films se dérouler en parallèle : le premier sur la médecine hospitalière, le serment d’Hippocrate, le lien médecin-patient que j’ai trouvé formidable. Un second, plus fantastique, plus classique dans sa « malédiction » (et ses mécanismes) que j’ai trouvé banal et, pour tout dire, assez mal mené. La métaphore devient vite éléphantesque, alors qu’elle aurait gagné à ne pas être souligné. La fin (et ses pudeurs de gazelle) est particulièrement décevante.

 

The Bad Batch, Ana Lily Amirpour (2016)

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Kidnappée par des cannibales dans le désert, Arlen y laisse la jambe et le bras droits. Elle réussit toutefois à s’échapper et s’installe non loin à Comfort, une ville sur laquelle règne Dream (Keanu Reeves), le roi de la teuf – un sorte de mix entre Pablo Escobar (pour la moustache), David Guetta pour la musique et le colonel Khadafi pour le harem à Uzis.

Il y a des films, arrivés à la fin, vous ne savez pas trop ce que vous avez vu. The Bad Batch fait clairement partie du lot. C’est du post-apo, enfin ça y ressemble, mais en version arty et décalé. Ça ne raconte rien, ou du moins pas grand chose. Malgré les scènes d’horreur, les pique-niques cannibales et la profusion d’armes à feu, le film est longuet, tout en faux-rythme, plein de trouvailles visuelles géniales, mais qui ne suffisent pas à maintenir l’intérêt. Les acteurs jouent « à côté », mais ça semble volontaire.

Tout est bizarre, étrange et oscille entre le raté, le foireux, le décalé fulgurant et le « ah ouais, quand même ».

Bizarrement, je suis assez admiratif de l’ambition qui se cache derrière tout ça, mais je me suis vraiment ennuyé.

Ana Lily Armirpour a un sens de l’humour très étrange. Elle a un sens esthétique absolument renversant, mais sa narration est à la ramasse, lancinante au point de devenir douloureuse. Va falloir qu’elle pense sérieusement à changer de drogue. Un shot d’adrénaline en intracardiaque ?