Titane, Julia Ducournau (2021)

Quand elle était enfant, Alexia a eu un terrible accident de voiture (un peu petit bras dans la façon d’être filmé) dont elle était en partie responsable. On lui a vissé une plaque de titane sur la boîte crânienne. Devenue adulte, Alexia tue les hommes (et les femmes) qui tentent de coucher avec elle ou qu’elle séduit mais finit par massacrer quand même. Après une énième tuerie, elle se fait passer pour Adrien, le fils disparu d’un commandant de sapeurs pompiers (Vincent Lindon) qui a de graves problèmes de stéroïdes.

Par où commencer ?

Titane est une expérience.

Si Julia Ducournau a un style bien à elle, et un imaginaire féminin horrifique à base de seins qui pendent, grossesses, chairs torturées, cicatrices, plaies ouvertes, chirurgie non-esthétique, règles douloureuses, avortement artisanal et j’en passe, Titane semble avoir quand même été accouché sous le double parrainage de David Cronenberg (Chromosome 3, Crash) et David Lynch (Sailor et Lula) ; Nicolas Winding Refn n’était pas très loin non plus. Sur le plan technique, le film souffre de plusieurs défauts, si les choix musicaux sont impeccables, les dialogues sont pauvres pour ne pas dire pire et en plus mal mixés, certaines répliques étant difficilement compréhensibles. Certaines scènes font vraiment fauchées comme l’accident de voiture qui ouvre le film. Titane est éprouvant : plaies, cicatrices, coups et blessures, agressions sexuelles incessantes, automutilation, situations embarrassantes. Il est surtout pauvre sur le plan intellectuel. Tout ça reste très superficiel, sans avoir l’humour noir de Grave, même si certaines scènes sont assez drôles. Le plus réussi dans le film ne relève pas des films de genre. Julia Ducournau s’intéresse à la façon dont les hommes se sentent, se montrent virils et c’est plutôt bien vu.

Titane est une expérience.

Je l’ai vu ; je ne le reverrai sans doute jamais.

(Que ce film ait eu la palme d’or à Cannes me laisse rêveur.)

The Stand – série TV d’après Stephen King

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Un fléau a frappé la Terre, une grippe surnommée Captain Trips.

Certains ont survécu. Très peu.

Ils rêvent de Mère Abigaël (Whoopi Goldberg), une très vielle dame noire qui les attend dans une maison de retraite du Colorado.

Ou ils rêvent de l’homme noir, Randall Flagg (Alexander Skarsgård), le faux Messie qui festoie dans son royaume de Las Vegas transformé en Sodome et Gomorrhe.

Alors les survivants comme Stu (James Marsden), comme Frannie, prennent la route pour le sud-ouest des USA.

🦂

J’ai beaucoup aimé cette série. C’est une des meilleures adaptations que j’ai vues de Stephen King sur petit écran.

Au-delà de ce jugement, je vais spoiler et pas qu’un peu. Je vous invite donc à lire la suite du papier quand vous aurez vu la série (si vous avez envie de la voir), à moins que le spoil ne vous dérange pas ou que vous ayez lu le monumental roman Le Fléau.

Le Fléau est un roman chrétien, c’est même un roman biblique, dans lequel on retrouve, un peu triturées par Stephen King, les Révélations de Saint Jean et le livre de Job. Les hommes sont soumis par Dieu à une terrible épreuve, la mort, la maladie, la violence, les trahisons. Las Vegas est Sodome et Gomorrhe, Hemingford Home est une cité pacifique, en équilibre précaire, basée sur l’entraide et la compassion.

Ok, ça peut déplaire, ça peut même donner la nausée aux plus athées d’entre nous. Mais c’est le roman. Stephen King voulait écrire un hommage au Seigneur des anneaux de Tolkien (autre grand roman chrétien) et c’est exactement ce qu’il a fait. Abigail œuvre pour le bien. Randall Flagg œuvre pour le mal et se nourrit de nos peurs. Sans nos peurs, il n’est rien. Avec la foi, on est invincible. Quand Abigaël envoie les quatre (apôtres ?) à Vegas, dont un tombera en chemin, elle leur demande de partir sans armes. De partir avec leur seule foi, et non en elle, mais bien en Dieu. C’est la magie du Fléau, elle ne réside pas dans une boule de feu salvatrice ou des aigles géants descendants du ciel, elle réside dans la capacité de l’homme à prouver à Dieu qu’il mérite d’être épargné. D’ailleurs, l’hommage à Tolkien va loin (ce que semble bien avoir saisi les producteurs), ainsi le neuvième et dernier épisode rappelle rien de moins que le retour des Hobbits dans leur chère Comté.

Le bien, le mal. Le blanc, le noir. Certains sont déjà en train de verdir. Alors certes, ça semble complètement déconnecté de notre époque où toutes les frontières se brouillent, mais il reste du gris dans le paysage et c’est là que la série devient excellente, dans sa façon de nous montrer les personnages gris, les personnages qui s’élèvent comme Larry Underwood et les personnages qui basculent dans la trahison comme Harold Lauder. Même le destin de Nadine, promise à l’homme en noir, a quelque chose de tragique et de touchant.

Quand j’étais enfant, j’ai vu Charlton Heston ouvrir les flots de la mer rouge et j’en suis resté longtemps bouche bée. Adulte, j’ai apprécié le combat à mort d’une vieille dame noire très digne et d’un humain au cœur de scorpion et à l’âme de charbon. Les acteurs sont globalement excellent, mais Alexander Skarsgård est quand même nettement au-dessus du lot. Il incarne un Randall Flagg mémorable. La production (décors, effets spéciaux) est remarquable et rarement une cité décadente aura été aussi bien mise en images.