
Ancien agent du renseignement militaire, Park Seok-young est recruté par les services secrets de Corée du sud pour espionner le nord à partir de leurs activités commerciales à Pékin. L’enjeu c’est de mesurer à quel point leur connaissance en nucléaire militaire est avérée. Au lieu de se fabriquer une fausse identité, ce qui l’exposerait à une mort certaine en cas de fuite, Park se noie dans l’alcool, contracte des dettes et se reconvertit en hommes d’affaires aux abois. Il joue un rôle, interprète un homme d’affaires plutôt sympathique, mais à l’intelligence limitée. Non sans difficulté, une fois installé à Pékin, il s’approche d’un diplomate nord-coréen et lui propose le deal du siècle : développer le tourisme (notamment de retrouvailles familiales) en Corée du nord, avec des capitaux de Corée du sud. En commençant par faire de la publicité, des photos. Son idée, géniale, c’est de mettre en valeur les joyaux du pays le plus fermé de la planète.
Ce que Park va découvrir, en s’approchant de plus en plus près de Kim Jong-il, n’est pas anodin. Pire, c’est rien de moins que l’avenir de la Corée du sud qui va se retrouver entre ses mains. A la première erreur, il sera exécuté, cela ne fait aucun doute. Où va aller son allégeance, à ceux qui l’ont recruté, ou à ceux qui osent rêver d’une réunification des deux Corée ? Que vaut sa vie comparée au bien commun ?
The Spy Gone North est un film d’espionnage sud-coréen de 2h17, un thriller qui ne joue sur aucun des artifices habituels du cinéma coréen contemporain. Ici pas de course-poursuite endiablée, pas de fusillade démente, pas de meurtre à l’arme blanche d’une violence paroxystique. Tout se joue dans des rencontres, des dialogues, des accords. Comme pour une partie d’échecs, à tour de rôle chacun avance une pièce. Ce qui n’empêche pas la tension d’être palpable, voire carrément étouffante dans une ou deux scènes.
Jusque dans le titre (hommage à L’Espion qui venait du froid ?) on peut voir l’ombre de John Le Carré recouvrir ce film racé, subtil et tendu. Si ce n’est pas un chef d’œuvre, on n’en est pas loin. Et le réalisateur réussit la gageure de rendre palpitante, pour nous lointains occidentaux, la longue et tortueuse guerre froide qui oppose les deux Corée depuis leur séparation.
Brillant.