The Mandalorian (saison 1 & 2) – série TV

(Petit résumé pour les huit personnes qui reviennent d’un agréable séjour de quatre ans en Corée du nord 👇)

Orphelin élevé par les chasseurs de primes mandaloriens, le Mandalorien suit le Credo, la Voie : jamais il n’enlève son casque en présence d’autres êtres vivants (c’est un des ressorts de la série). Chasseur de prime hors du commun, il se fait payer quand c’est possible en Beskar, ce métal que même un sabre laser ne peut entamer et qui appartiendrait historiquement aux Mandaloriens. Un jour, on lui propose de ramener vivant une cible (il n’en connaît que l’âge : 50 ans). Le Client (Werner Herzog – excellent choix qui rappelle que l’Empire a toujours été une métaphore pataude du IIIe Reich) est prêt à lui payer une fortune en beskar. Mando (on ne connaîtra son vrai nom que dans l’épisode 8 de la première saison), accepte, participe à un carnage en règle et récupère un bébé qui partage une forte ressemblance avec un certain chevalier jedi philosophe qui professa (professera ?) un jour que jamais personne ne devient grand par la guerre.

Colis remis, payé, Mando se fait fondre une armure très jolie qui brille comme une Ferrari toute neuve. Et là, c’est le drame : d’un seul coup, il s’aperçoit que sous son indestructible et viril thorax cache un petit cœur capable de saigner et que cet organe maladroit est en train de l’aiguiller sur une autre voie, celle des remords et de l’acte juste. Bébé va se trouver un nouveau papa. This is the way !

Bon, honnêtement, depuis que c’était sorti, ça me tentait pas vraiment (une série Star Wars produite par les peine à jouir coincés du cul de Disney, beurk puissance 8 ; une des pires cultures d’entreprise de la planète, comme l’a récemment prouvé les nombreuses affaires de liberté d’expression et autre qui ont entourés leurs récents exploits). Bon, Disney c’est le vrai empire du mal, ça c’est dit, ça c’est fait, n’y revenons plus.

En plus Star Wars c’est parmi les plus beaux souvenirs de mon enfance. Je suis né en 1971, donc j’avais l’âge parfait pour découvrir cet univers-là, à cette époque-là. Quel garçon de onze ans né fin des années 60 début des années 70 n’a pas rêvé d’affronter Dark Vador avec un sabre laser, de piloter un X-wing, le Faucon Millénium ou de faire sauter son collège l’Étoile de la Mort ? Donc oui, j’ai adoré les trois premiers Star Wars, je n’ai pas aimé les trois suivants et les trois derniers m’ont consterné/ennuyé, même si probablement tout n’est pas à jeter dedans. Il y a un truc pourri au royaume des Jedis, c’est que tout ça : IV, V, VI puis I, II et III et enfin VII, VIII et IX n’est pas cohérent, ne tient pas la route, ne s’articule pas bien, sur à peu près tous les plans (le scénario, l’esthétique, les relations entre les personnages, l’histoire de la République). Une des questions que je me posais en regardant The Mandalorian, c’est « à quel moment ça se passe ? » Notez bien que j’aurais pu regarder sur internet, mais 1/ j’avais la flemme et 2/ c’est pas écologique. La saison 2 y répond précisément et comme de juste, ça ne matche pas vraiment avec le reste, mais à dire vrai peu importe. Jon Favreau, le showrunner, a pour moi l’immense qualité d’avoir fait bouffer a Disney une série ambiguë, moralement douteuse, délicieusement répugnante (l’épisode des œufs, photo ci-dessous, là, franchement fallait oser, chapeau Jojo !). Ça flingue dans tous les sens, il y a de belles ordures, des idées assez fortes, des seconds rôles sympas comme Timothy Olyphant. Il y a même une meuf avec des gros bras et un gros cul (Gina Carano ; visiblement, elle a aussi un petit cerveau, on ne peut pas être doué dans tous les domaines). Et les frontières entre le bien et le mal sont loin d’être aussi marquées que dans les films des secondes et troisième trilogies (par ordre de tournage).

Donc j’avais pas trop envie de voir The Mandalorian, mais après un arrêt-maladie d’une semaine, la fatigue inhérente à toute intervention chirurgicale (même bénigne), j’avais tellement de travail, de dossiers à boucler, d’urgences à colmater que le soir, un ou deux épisodes de 30 à 40 minutes, c’était absolument parfait. Et j’ai donc tenté le coup, en me disant « au pire, j’arrête et j’attaque Lovecraft County » et, voilà… parfois, j’ai retrouvé le plaisir de l’enfant qui fait djouou djouou avec un bâton et qui s’imagine sabre à la main en train d’affronter des hordes de fonctionnaires de l’éducation nationale soldats impériaux.

The Mandalorian est loin d’être parfait, mais globalement ça fait passer un chouette moment, bien plus que les derniers films de la franchise…

Freaks, Adam Stein & Zach Lipovsky (2018)

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Chloé a 7 ans. Elle vit dans avec son père dans une maison complètement calfeutrée, elle n’a pas le droit de sortir, de parler avec les voisins et elle répète son rôle, elle s’appelle Eleanore Reed, elle a sept ans et son sport préféré est le baseball. Quand son père (Emile Hirsch) un brin tyrannique s’endort, des événements ont lieu autour de la maison, notamment le passage d’un vieux marchand de glaces (Bruce Dern). Un jour, Chloé commet l’irréparable, elle accepte une glace au chocolat de la part de sa voisine et, pour ce, elle ouvre la porte. Le voile est en train de se lever, la vérité apparaît peu à peu : Chloé appartient à une branche divergente de l’Humanité, les Freaks (traduits anormaux en politically correct à destination des médias) que les normaux traquent et exécutent sans hésiter.

Freaks est une série B à petit budget (les réalisateurs estiment que les effets spéciaux, 250 plans, ont coûté au final moins de 2000 dollars) qui trouve sa source dans le roman Charlie de Stephen King (je ne noterai pas les points communs, ce serait fastidieux) et les X-men originels, ceux nés des traumatismes de la Seconde guerre mondiale qui provoquent la peur et le refus de l’autre, car il sont différents, mais surtout plus puissants.

C’est un petit film, avec somme toute de petites ambitions et qui essaye de traiter la thématique des mutants sous un angle différent, peut-être plus familial, plus intimiste. Paradoxalement, c’est à mon sens, pas ce qu’il y a de plus réussi dans le film. A contrario, les réalisateurs esquissent le portrait ambiguë d’une implacable tueuse de monstres (Grace Park) que j’ai trouvé très réussi.

Je le conseille, parce que c’est bien de retrouver le goût pour ces films à petits budgets, inventifs, sincères, filmés avec amour et une vraie envie de casser la plupart des codes hollywoodiens actuels. Je le rangerai un peu dans la même boîte que Chronicle et Brightburn, mais si c’est à mon sens beaucoup moins abouti (ce qui n’explique pas entièrement le budget très serré).

The Little Drummer Girl, Park Chan-Wook (2018)

The Little Drummer Girl – Charlie (FLORENCE PUGH) – (C) THe Little Drummer Girl Distribution Limited. – Photographer: Jonathan Olley.

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(La vie est étrange, publier Gnomon de Nick Harkaway, fils de l’écrivain John Le Carré, m’a donné très fortement envie de me replonger dans les adaptations audiovisuelles des romans de ce dernier.)

Repérée par le Mossad parce qu’elle a assisté à un rencontre d’étudiants avec un jeune Palestinien, Charlie (Florence Pugh, assez peu attachante et grassouillette, ce qui paradoxalement lui confère un certain charme) est une jeune actrice anglaise aux sympathies gauchistes assez évidentes, mais l’époque veut ça et le besoin de s’intégrer n’est peut-être pas à négliger. C’est aussi une formidable menteuse qui s’est construit une vie, une histoire de famille en totale rupture avec la réalité. Alors que sa troupe est invitée en Grèce par un mystérieux mécène pour participer à un gala, elle se lie avec un homme mystérieux qui va se révéler être un ancien soldat de Tsahal et ancien agent du Mossad : Gadi Becker (Alexander Skarsgård, impressionnant). Le patron de Gadi, Martin Kurtz (Michael Shannon, comme vous ne l’avez jamais vu) a prévu de recruter Charlie pour lui faire infiltrer la cellule terroriste de Salim, ce jeune Palestinien qu’elle a rencontré des années auparavant.

Les actrices et les acteurs jouent, c’est leur métier, ils répètent leur rôle, ils se fondent dans leur personnage jusqu’à ce que les limites qui séparent la fiction et la réalité se brouillent, voire disparaissent. Mais quand vous infiltrez une cellule terroriste, le jeu devient instantanément dangereux et la moindre erreur peut vous être fatale.

Charlie survivra-t-elle aux manipulations de Martin Kurtz et de son bras armé, Gadi Becker ?

J’ai beaucoup aimé cette mini-série de Park Chan-Wook. Je trouve qu’il réussit la gageure de faire à la fois du Park Chan-Wook (c’est fin, subtile, vertigineux et pervers à souhait) et à la fois du John Le Carré (oubliez tout manichéisme, il n’y a pas d’un côté les méchants terroristes palestiniens et de l’autre les gentils agents du Mossad, il n’y a pas d’un côté de méchants sionistes assoiffés de sang et de l’autre de romantiques soldats de la liberté palestiniens ; c’est une guerre, elle a beau se jouer dans l’ombre, sa première victime restera l’innocence des uns et des autres).

La petite fille au tambour avait déjà été adapté en film, une fois, par l’excellent George Roy Hill. Je suis sûr de l’avoir vu, mais je n’en ai aucun souvenir. En brisant le cadre d’une « simple » fiction de 2h00, Park Chan-Wook se permet de prendre son temps et de déployer ses personnages avec talent. Il livre une mini-série d’une grande intensité qui cumule sans doute dans l’épisode qui se déroule presque entièrement au Liban. Il joue aussi avec le format télévisuel, se permettant de remettre en cause certains de ses codes. Il n’y a qu’à voir son choix de cliffhangers, osé : souvent juste une rencontre et non une situation de danger ou une révélation qui balayerait tout.

Je conseille.

PS : (Et je viens de m’acheter le coffret The Night Manager et Un homme très recherché pour rester dans l’ambiance.)

Lords of Chaos, Jonas Åkerlund (2018)

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Lord of Chaos raconte l’amitié, puis la rivalité entre Euronymous (le leader du groupe norvégien Mayhem) et le Suédois Kristian « Varg » Vikernes, éphémère chanteur et bassiste de Mayhem après le suicide du précédent chanteur, Dead (oui, c’est son pseudo). Parallèlement Varg fondera le groupe Burzum. L’action se déroule principalement à Oslo, entre 1984 et 1993. Et ceux qui connaissent l’histoire savent qu’elle a très mal fini (vraiment !) et qu’elle s’est accompagnée d’un grand nombre d’attentats contre des églises, parfois des monuments en bois, extrêmement chargés d’un point de vue historique. C’est donc l’histoire de jeunes incultes (ah ah ah) qui confondent satanisme, paganisme et nazisme, qui brûlent des églises à la gloire d’Odin tout en disant vouer un culte au Diable (et pour certains d’entre eux à Hitler). Ce sont globalement des petits cons déboussolés qui n’arrivent pas à quitter l’adolescence, à laisser derrière eux les prises de risque et autres expérimentations hasardeuses qui accompagnent cet âge difficile.

Même si je ne suis pas un grand fan de Black Metal (De Mysteriis Dom Sathanas, c’est quand même à la limite de l’inécoutable, même bourré), je connaissais un peu cette histoire car on m’avait proposé, alors que je travaillais chez Denoël sur la collection X-Trême, un essai sur le rock sataniste. Pour une fois, Jonas Åkerlund semble avoir trouvé le sujet qui lui convenait ; il n’abandonne pas ses habituelles provocations, mais ici elles s’intègrent plutôt bien au projet, sans le faire capoter. Il filme un suicide en full frontal qui restera dans l’histoire du cinéma comme un des pires suicides jamais filmés (âmes sensibles s’abstenir) et comme d’habitude, il filme quelques fellations et autres parties de jambes en l’air. La routine akerlundienne, rien de plus.

Le film est dur (la scène du suicide est vraiment éprouvante), mais il sait aussi être terriblement drôle, comme dans la scène d’anthologie où des journalistes viennent interviewer Varg qui croit qu’en cachant la moitié de son visage derrière une mèche de cheveux il ne pourra pas être reconnu. Fou-rire assuré.

Les acteurs sont globalement très bons, avec une mention particulière pour Rory Culkin qui interprète Euronymous, Emory Cohen dans le rôle de Varg et Jack Kilmer (fils de…) dans le rôle de Dead, le chanteur tueur de chats. On pourra regretter certains petits détails, comme une production un peu fauchée dans la recréation de l’époque, et des personnages féminins très en retrait, même Ann-Marit (Sky Ferreira), l’ancienne groupie devenue compagne d’Euronymous, peut-être la seule qui arrive à discerner l’humanité (la fragilité) qu’il cache derrière son maquillage macabre, ses poses et son satanisme de pacotille.

Au final, je le conseille, surtout si le sujet vous intéresse.

(J’ai eu beaucoup de mal à trouver le blu-ray à un prix abordable.)

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Possessor (uncut), Brandon Cronenberg (2020)

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Tasya Vos (Andrea Riseborough) gagne sa vie en tuant des gens.

En fait, c’est un petit peu plus compliqué que ça : allongée dans un fauteuil connectée (qui recueille forcément ses urines et ses fèces, même si ce n’est pas montré), nourrie via un tuyau inséré dans la narine, Tasya Vos prend possession du corps de quelqu’un (via une puce insérée au sommet du crâne de l’hôte) pendant deux ou trois jours, le temps de planifier et réaliser un meurtre. L’expérience est complexe (il faut agir comme la personne qu’on possède afin de s’approcher au plus près de la cible), il faut un « narratif » (un scénario, donc, qui aidera l’enquête à se boucler au plus vite). Cette forme de possession est aussi dangereuse : on peut après un certains laps de temps ramener avec soi des sentiments, des souvenirs qui étaient ceux de ses hôtes.

L’expérience doit obligatoirement finir par le suicide de l’hôte, et pour la première fois, Tasya échoue sur ce point précis, elle n’arrive pas à se tirer une balle dans la bouche et laisse donc la police faire le boulot à sa place.

Et alors qu’elle voudrait faire une pause (on la comprend), Girder (Jennifer Jason Leigh) lui propose une nouvelle mission : tuer un patron du Big Data : John Parse (Sean Bean).

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J’ai vu Possessor deux fois, à quelques jours d’intervalle. La première chose qui vient à l’esprit c’est le côté complètement excessif du film : meurtre au couteau filmé en gros plan, impacts de balle filmé de même, hémorragie artérielle, dents brisées à coups de tisonnier, énucléation, sexe masculin en érection (deux fois), femme nue filmée cuisses écartées full frontal juste avant la pénétration… Ce point pourrait être agaçant (il en agacera beaucoup, tant il peut sembler gratuit à première vue), mais disons que c’est plutôt une clé et donc j’y reviendrai plus loin.

La seconde chose qui vient à l’esprit, c’est le « syndrome Looper ». Dans Looper la mafia utilisait le voyage dans le temps pour se débarrasser de ses cadavres, alors qu’une baignoire d’acide marche à peu près aussi bien. Dans Possessor, on kidnappe quelqu’un, on lui introduit une puce dans le cerveau en perçant le cuir chevelu et la boîte crânienne, puis on le contrôle à distance pendant deux ou trois jours pour commettre un meurtre. Que c’est compliqué… alors qu’il est sans doute plus facile, moins couteux de « fabriquer » un accident.

Donc on en revient au premier point, ce n’est pas cette méthode de meurtre le sujet du film, mais bien ce qu’on montre et ce qu’on ne montre pas (dans le sens : « réfléchissez à ce que vous postez sur les réseaux sociaux »). Et donc par voie de conséquence ce qu’on observe et ce qu’on observe pas. Ce qui est exploitable et ce qui ne l’est pas. John Parse gagne sa vie en espionnant les gens : comment ils décorent leurs maisons, comment ils font l’amour, avec qui, avec quoi (sextoys), etc. Le réalisateur / scénariste aurait pu choisir un magnat de l’industrie pharmaceutique, non il a choisi quelqu’un qui gagne sa vie en espionnant les gens. Ce n’est pas gratuit, c’est le cœur du film. Possessor est un film qui parle de cette intimité qu’on choisit d’abandonner et de celle qu’on nous vole sciemment. Il y est évidemment question de progrès technologique et du recul de la sphère privée, de surveillance anonyme et de surveillance ciblée facilitée, de prise de contrôle à distance de la caméra de vos ordinateurs portables. Et c’est bien pour ça que Brandon Cronenberg filme un couple en train de faire l’amour, mais un couple de quidams et non des acteurs de X, les corps sont un brin lâches, un brin fatigué, monsieur ne va pas à la salle de sport autant qu’il faudrait, madame ne sait pas résister à une viennoiserie avec son café.

Vous et moi, observés. Rabaissés au rôle de source de donnés. Dépossédés d’une grande partie de notre intimité et sans doute de nos plus beaux secrets.

Il y a quelque chose d’assez marrant à remarquer dans ce film, ce sont tous les liens qu’il entretient avec certains films de David Cronenberg, le père du réalisateur pour ceux qui l’ignoreraient, notamment ses films de début de carrière : Scanners, Videodrome, mais aussi eXistenZ dans lequel jouait déjà Jennifer Jason Leigh. Disons que c’est une couche de plaisir en plus, la cerise sur le gâteau, et comme le voyeurisme / la complaisance, ce n’est pas gratuit, car ça apporte bien quelque chose au film.

Brandon Cronenberg fait du Cronenberg. Il a eu beaucoup de mal à financer et tourner Possessor. C’est une fois de plus regrettable, il y a plus d’idées, plus de force, plus de méchanceté et de questions légitimes dans Possessor que dans les dix derniers blockbuster à deux cents millions de dollars filmés par Hollywood. Évidemment le film n’est pas parfait, mais il confirme les promesses d’Antiviral. A mon sens, Brandon Cronenberg a tout pour devenir le meilleur réalisateur de films d’horreur de sa génération.