Gerald’s game / Jessie – Mike Flanagan (2017)

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Un homme (qu’on suppose très aisé puisqu’il achète des steaks Kobe à 200 dollars pièce) emmène son épouse Jessie dans leur maison au fil de l’eau. Il n’y a personne à 800 mètres, lui précise-t-il. Ils viennent là pour tenter quelque chose, se rabibocher, jouer à un jeu sexuel de domination. Gerald a emmené des menottes (des vrais, solides, pas des trucs couverts de moumoute rose) et un flacon de viagra. Pendant qu’il se prépare (et hop je gobe une petite pilule bleue), Jessie donne un des steaks à un chien errant. « Le meilleur repas de sa vie. » Puis le jeu de rôles sexuel commence et Jessie se rend compte que son mari a des fantasmes encore plus tordus que ce qu’elle craignait et surtout que ça ne l’amuse pas, mais alors pas du tout (pour des raisons qu’elle n’a pas envie d’aborder). Ils se disputent et Gerald fait une crise cardiaque, laissant Jessie seule menottée au lit… alors que le chien approche et qu’une menace bien pire rôde autour de la maison.

Susciter la peur au cinéma n’est pas chose facile, Mike Flanagan n’y parvient pas tout à fait, même s’il réussit quelques scènes de forte tension. Par contre, il propose un portrait absolument immonde (et convaincant) de la gente masculine. Et atteint sans trop se forcer des sommets de l’horreur psychologique. La scène de l’éclipse restera sans doute comme une des scènes d’abus sexuel les plus impressionnantes jamais réalisées. Si Bruce Greenwood et Henry Thomas sont particulièrement impressionnants, notamment dans l’expression frontale de leur misère sexuelle, Carla Gugino est un peu en retrait dans le rôle principal, elle n’arrive pas à se hisser au niveau d’actrices comme Carrie Coon, Jessica Chastain ou Brit Marling. Elle manque un poil d’incandescence.  Dans un rôle très proche, celui de Claire Spencer dans Apparences de Robert Zemeckis, Michelle Pfeiffer était autrement plus mémorable.

 

Godless – série western Netflix

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Ouest, après la guerre de sécession.

Un homme blessé arrive de nuit dans un ranch à proximité de ville minière de La Belle. La farouche propriétaire, Alice Fletcher, lui tire dessus sans sommation (deuxième blessure : à la gorge). Il faut dire que depuis le meurtre de son mari, tué à La Belle, Alice a la gâchette facile. Elle vit à l’écart de la ville avec son fils métis et son impayable belle-mère indienne du genre à choper les saumons à mains nu et vider les viscères d’un cerf tête en bas en guise de petit-déjeuner. En ville, on murmure qu’Alice est un peu sorcière, que c’est sa faute si un coup de grisou a tué tous les jeunes hommes de la ville.

A Creede, le bandit Frank Griffin (qui se fait régulièrement passer pour un pasteur) et sa horde sauvage ont tué tout le monde. Il veut se venger de Roy Goode, ce fils adoptif qui l’a trahi, volé et dont une balle de Winchester lui a à moitié arraché le bras (un toubib et sa scie se sont chargés de finir le travail).

Alice ne peut que l’ignorer, mais en blessant Roy Goode à la gorge, elle vient de sceller le destin de La Belle. Car la vengeance de Frank Griffin n’appartient qu’à Frank Griffin.

Putain de bordel de merde !!! (Et encore, je reste poli).

Cette mini-série de sept épisodes est une tuerie absolue (c’est aussi, un peu, un remake tits&guts de L’Homme des vallées perdues). Jeff Daniels (Frank Griffin) trouve là le meilleur rôle de sa carrière et le reste du casting n’est pas en reste. Série sur la transmission et la paternité (les deux thèmes centraux de l’œuvre de Clint Eastwood) ; hommage (involontaire ? mais si transparent) à deux des romans-phare de Cormac McCarthy (Méridien de sang, De si jolis chevaux) Godless invite à une consommation frénétique. Si la série tourne beaucoup autour de cette étrange petite ville minière peuplée de femmes, La Belle, en fait les trois personnages principaux sont masculins : Frank Griffin, Roy Goode et le shérif McNue, qui perd la vue, et brûle d’un amour puissant pour Alice Fletcher.

Si vous avez aimé Impitoyable, vous risquez d’adorer Godless, à mon sens plus réussi que le fort récent, fort terrible et viscéral Brimstone.

Anon, Andrew Niccol (2017)

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Dans un monde où tout est enregistré, où aucun crime ne peut en principe être commis, un lieutenant de police (Clive Owen, qui semble assez peu concerné) est confrontée à une suspecte (Amanda Seyfried, vénéneuse mais pas trop) qui ne laisse aucune trace derrière elle, une anon (anonyme). Cette même suspecte est soupçonnée de plusieurs crimes plutôt violents, dont le meurtre d’un couple de lesbiennes qui semble pour le moins « gratuit ». Mais dans cette société ce ne sont pas les crimes contre lesquels on lutte, mais ceux qui peuvent les commettre sans laisser de traces.

Petit dérapage pour Andrew Niccol qu’on a connu plus inspiré. Anon n’est pas mauvais, il est raté, malgré des partis-pris assez osés, de belles trouvailles (notamment esthétiques). Avec ses nombreuses scènes de sexe (avec ou sans seins nus), sa scène de consommation de cocaïne, Anon m’a davantage fait penser à un catalogue de ce qu’on ne peut plus faire à Hollywood qu’à un bon film (vive la VOD !). Andrew Niccol est connu pour son goût immodéré en matière de vieilles bagnoles qu’il customise pour ses films futuristes ; Anon n’échappe pas à la règle, ni à une tonalité très polar noir des années cinquante qui, elle, ressemble plutôt à un commentaire (assez éclairé) sur les limites du défunt mouvement cyberpunk.

Si l’amateur de science-fiction s’amusera à rattacher certains détails aux œuvres littéraires qui les ont enfantés (Alfred Bester pour L’Homme démoli, William Gibson pour tout un tas de trucs « superficiels »), le reste du public risque de s’ennuyer ferme devant cette enquête aux rebondissements aussi mous que ridicules. Quand à la faille scénaristique du milieu du film (je ne spoile pas), il faut être bon public pour avaler la couleuvre (réplicante).

 

 

Pyewacket,Adam Macdonald (2017)

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Après la mort de son père, Leah Reyes a commencé à s’intéresser à l’occulte et a fréquenter des jeunes gens qui ont les mêmes goûts qu’elle. Pendant ce temps, sa mère noie son chagrin dans le vin rouge et essaye de trouver un moyen de tourner la page. Quand la maman dépressive expliquer à sa fifille un brin paumée qu’elles vont déménager à une heure de route, au milieu des bois, l’ado pète un plomb et commet l’irréparable.

(Après une journée de travail à Paris, qui implique environ trois heures de transport en commun les jours où ça fonctionne correctement, quatre heures la plupart du temps, j’aime bien mater un petit film d’horreur. Par la force des choses, ça en fait un paquet chaque année et il est parfois difficile de s’approvisionner.)

Pyewacket a plusieurs qualités. D’abord c’est un petit film d’horreur qui ne joue pas sur des recettes éculées de portes qui claquent et de chats qui traversent la pièce en crachant. Tout ou presque se passe dans la tête de Leah, adolescente-modèle (pénible, insolente et désobéissante – je connais, j’en ai en pleine floraison à la maison). Le réalisateur se concentre sur les rapports humains entre Leah et sa mère, donc, mais aussi entre Leah et ses amis (ce point est d’ailleurs un peu trop sage ; quand on a bouffé une douzaine de Larry Clark, on s’attend davantage à voir des ados parler comme des ados, se droguer comme des ados, picoler comme des ados et baiser comme des ados, surtout que ceux-là sont plus près de la vingtaine que de la douzaine).

Paradoxalement les qualités psychologiques du film en constituent le principal défaut : l’embryon de fantastique/surnaturel qui se greffe sur le corps de l’intrigue est presque anecdotique par rapport au reste.

Pyewacket n’a pas beaucoup de prétention, la mère et la fille ne ressemblent pas à une mère et sa fille, mais j’ai quand même passé un chouette moment, appréciant la retenue du réalisateur (parfois un peu excessive quand il décrit des ados de 17/18 ans) et son bon goût pour l’ellipse et le hors-champ.

Mayhem, Joe Lynch (2017)

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Derek Cho, un jeune avocat (Steven Yeun, très bien) au service d’une puissante firme reçoit une jeune femme (Samara Weaving, très bien aussi) qui a un problème de saisie immobilière. « Non, désolé madame, je ne peux rien faire pour vous. Au revoir. » Alors que la jeune femme est sur le point d’être jetée dehors, Derek est viré pour un dossier épineux qu’on lui a refilé en douce, sans le prévenir, et l’immeuble est bouclé, mis en quarantaine, car touché par un virus : le ID7 qui rend les gens totalement désinhibés : capables de s’entre-tuer, de s’engueuler comme de baiser à mort (comme on est en Amérique, les gens préfèrent très vite s’entre-tuer que baiser à mort). Derek Cho connaît bien ce virus et surtout le vide juridique qui couvre les actes que l’on commet en étant malade. Sa supérieure Kara Powell, qui vient de le planter pour sauver ses miches, a intérêt à planquer son fessier et le reste, car le Cho est chaud, bien décidé à régler ses comptes, au marteau si nécessaire (la faucille était en vacances). Et Melanie qui est sur le point de perdre sa baraque, et sent qu’elle n’a plus rien d’autre à perdre, est prête, elle, à clouer au mur le malheureux crétin qui osera se foutre en travers de son chemin.

Ça va gicler : sang, cervelle humaine et aussi un peu de sperme histoire de rosir le mélange.

Trouvé dans un bac de blu-ray d’occasion à un prix ridicule, je me suis dit que je ne risquais pas grand chose. Comme on pouvait s’y attendre, Mayhem n’est ni un grand film ni même un bon film. Par contre, c’est la meilleure adaptation ballardienne que j’ai jamais vue, bien supérieure à High Rise (à un petit détail près, ce n’est tiré d’aucun roman en particulier de J.G. Ballard.) Pourtant… c’est incroyable comme ce film méchant entre en résonance avec I.G.H, Super-Cannes et La face cachée du soleil. Un détail ici, un autre là, un personnage odieux.

Sans doute dans la même veine qu’American Nightmare, cette petite série B foutoir et boule puante utilise l’exagération et le grotesque pour appuyer là où ça fait mal : ce flottement (loin d’un certain réel, trivial) que l’on aperçoit souvent chez les gens de pouvoir qui brassent des millions et sont littéralement en position de broyer des vies.

A condition d’être un poil tordu, on s’amuse bien.

 

 

Trainspotting 1 & 2 – Danny Boyle

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Il y a des films qui laissent un souvenir incroyable, on ne sait pas pourquoi, pas vraiment.

Renton (Ewan McGregor) qui s’enfonce dans les tréfonds des pires chiottes d’Ecosse pour récupérer deux suppositoires. Diane (Kelly Macdonald) à poil, parfaite (oh par Bouddha qu’elle est belle !), qui envoie Renton dormir sur le canapé. Renton qui, le lendemain, demande aux parents de Diane, durant le petit-déjeuner, s’ils sont ses colocataires. Spud (Ewen Bremmer) qui, essayant de se dépatouiller d’un drap lourdement souillé, asperge de diarrhée bièreuse les parents de sa petite-amie. Sick Boy (John Lee Miller) qui tire à la carabine à plomb sur les chiens d’un parc. Begbie (Robert Carlyle) qui balance sa chope de bière (vide) sur une nana (aussitôt blessée, le visage en sang) et jure ensuite qu’il va péter la gueule de l’enculé qui a osé commettre une telle infamie.

C’est ça Trainspotting, et bien plus, des shoots d’héro, des amours, des trahisons, l’addiction, la maladie, des décès, l’irresponsabilité, l’Ecosse des « déjà morts ». Une mise en scène virtuose qui a consacré Danny Boyle comme un des plus grand réalisateurs anglais. J’aime bien Danny Boyle, même quand il se rate (Trance), ça reste franchement intéressant. Il touche souvent des choses très profondes avec son sens « pop », il a l’œil et l’oreille. C’est sans doute le seul réalisateur au monde qui pourrait me convaincre de regarder un film sur la vie de Steve Jobs (un peu comme Fincher a réussi à me faire mater un (bon) film sur Facebook).

Donc j’ai revu Trainspotting pour la Xème fois.

Puis le lendemain soir, j’ai regardé pour la première fois Trainspotting 2. Peut-être parce que j’avais terriblement peur d’être déçu, j’ai été agréablement surpris. Ça n’arrive pas au niveau du premier, la mise en scène est moins inventive, mais ça essaye de raconter autre chose : la paternité, la quête d’un sens à la vie, la vie ceux qui ont vieilli sans jamais réussir à devenir adultes, la moralité, l’amitié. Il y a un petit quelque chose sur la rédemption via Spud, sur la nature du mal via Sick Boy. En fait, je ne regrette pas. C’est moins flamboyant que le 1, aucun doute là-dessus, mais c’est paradoxalement plus long à mâcher.

Je me comprends.

Mademoiselle, Park Chan-Wook (2016)

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Corée 1930, un arnaqueur, capable de fabriquer de faux livres, envoie comme servante une jeune arnaqueuse auprès d’une riche héritière japonaise qu’il veut dépouiller. La jeune femme à la peau de porcelaine, trop belle, vit avec son oncle, un vieux pervers obsédé par la littérature érotique / pornographique qui n’hésite pas à mettre en scène d’étonnantes ventes aux enchères de livres rares (falsifiés). L’arnaqueur tombe amoureux de l’héritière, l’arnaqueuse tombe amoureuse de l’héritière, à moins que ça ne soit l’inverse. Et tout ce petit monde, de manipulation en manipulation, court à grands pas vers le désastre… ou l’extase.

Mademoiselle est un film complexe, adapté d’un roman de Sarah Waters, une adaptation très large (et un tantinet brutale) puisque la société anglaise de 1860 a été troquée contre l’occupation de la Corée par le Japon, dans les années 30.

Le film joue donc sur plusieurs tableaux : le côté anglais reste (on pense à une version soft porn des intrigues de Jane Austen, à Sarah Waters évidemment, mais aussi à la mise en scène d’Hitchcock). Le film joue parfois sur un registre typiquement coréen. Park Chan-Wook rend hommage à La servante, s’autocite avec la scène du poulpe (une des meilleures du film) et s’amuse avec la rancœur nationale. Il joue aussi avec les références japonaises : Hokusai, Edogawa Ranpo et le cinéma éros/thanatos de Nagisa Oshima. Si l’image est globalement splendide et le trio d’acteurs principaux renversant, le film accumule d’autres défauts, c’est lent, inutilement manipulateur/emberlificoté et il y a d’immenses maladresses scénaristiques, sans parler d’un trou immense à la fin qui frôle le deus ex machina.

Les scènes saphiques sont très fortes, surtout celle centrale/pivot.

Mais le plus gros défaut du film, c’est ce personnage de l’oncle, joué par un acteur trop jeune, mal maquillé, parfois ridicule. Impossible de croire cinq minutes à ce terrible personnage (qui d’ailleurs ne livrera pas tous ses secrets).

Mademoiselle est donc un film décevant et pourtant il marque durablement, à cause de son esthétique renversante, de son humour (si si…) et de son audace érotique qui renvoie au cinéma de Nagisa Oshima.

Winchester, the Spierig brothers (2018)

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Californie, 1906. Un psychologue alcoolo et camé au laudanum, le Dr Eric Price (Jason Clarke, dans son plus mauvais rôle ?) est engagé par la compagnie Winchester pour déterminer si Sarah Winchester (Helen Mirren, dans son plus mauvais rôle ?) qui possède 51% des parts de la compagnie est saine de corps et d’esprit. En effet, Sarah s’est installée à San José, avec sa nièce – veuve – et son petit-neveu, où elle fait construire jour et nuit une maison labyrinthique, dont les plans lui serait dictés par les victimes de la fameuse carabine à répétition. Pour le Dr Price, aucun doute, l’affaire est conclue d’avance, la vieille est bonne pour l’asile.

Mais si…

Ah ah ah. Un film d’horreur qui fait dormir. Tout, absolument tout, est prévisible de la première à la dernière minute, donc ennuyeux. Les frères Spierig et leur scénariste essayent de nous refaire le coup de Sixième sens de Shyamalan, en le décalant un tantinet, mais c’est gros, gros. Les acteurs principaux cachetonnent atrocement, les acteurs secondaires sont plus convaincants (perdus pour perdus, ils se sont peut-être dit qu’ils pourraient être remarqués au milieu de ce naufrage ?). On retrouve avec plaisir Bruce Spence de Mad Max 2 et Angus Sampson de la seconde saison de Fargo.

Si la maison Winchester vous intéresse, jetez plutôt un coup d’œil à Dans l’antre de la pénitence.

 

Downrange, Ryûhei Kitamura (2017)

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Ils sont jeunes, ils sont beaux (enfin pas tous). Trois garçons, trois filles (pas mal de possibilités). Ils font du covoiturage.

Au milieu de nulle part, là où il n’y a évidemment pas de réseau, un pneu éclate, le véhicule sort à moitié de la route.

Alors que deux des garçons changent la roue, une balle tombe sur la chaussé (on peut raisonnablement se poser des questions quant à son absence de déformation, mais c’est sans doute le scénariste grincheux qui parle, pas le spectateur). Juste après, un des garçons s’écroule, touché en pleine tête, sans doute aligné par un tireur embusqué. Puis une des filles s’étale, un œil crevé, mais toujours vivante. Tout le monde se met à gueuler (enfin ceux qui peuvent encore).

Que vont pouvoir faire les quatre survivants face à ce redoutable sniper ?

Depuis Versus, Ryûhei Kitamura s’est spécialisé dans les films certes jouissifs (et encore, c’est de l’orgasme discount), mais plus cons que cons. Downrange ne restera pas dans les annales comme son film de la maturité, loin de là. C’est bête, c’est méchant, c’est grand-guignol ; rien n’est plausible. Ça pisse le sang, ça gerbe, ça pisse tout court. D’une certaine façon, rien ne nous est épargnée. Les acteurs jouent comme des tricycles et les actrices comme des brouettes.

Un film globalement sans intérêt aucun, mais regardable entre potes, avec des bières fraîches et des parts de pizza brûlantes.

L’affiche est bien.