The homesman, Tommy Lee Jones (2014)

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1855. Les territoires. L’ouest. Trois femmes perdent la raison. Il est décidé de les amener (en chariot) au révérend Carter dans l’Iowa. Mais personne ne veut se charger de la tâche, longue et dangereuse. Mary Bee Cuddy a 31 ans, elle en fait 50, elle vit seule dans sa ferme, elle cherche (sans trouver) un mari, un père pour ses futurs enfants. Elle décide de se charger de cette tâche dont les hommes du coin ne veulent pas.

Alors qu’elle s’apprête à partir, elle sauve George Briggs (Tommy Lee Jones) de la pendaison. Ensemble, avec leur trois folles, ils prennent la route de l’est.

The Homesman est un western âpre, dramatique, dans la grande tradition de La Porte du Paradis, le plus grand film de tous les temps, on ne le dira jamais assez. Ou des Proies de Don Siegel. Ou plus proche de nous Impitoyable de Clint Eastwood. Tout y impressionnant, le scénario, l’interprétation des actrices, la photo. C’est aussi un film d’une cruauté presque insoutenable. On passe sans cesse du rire (il y a des moment très drôles) à la nausée (il y a des moment très durs).

The Homesman est tout simplement magistral (et il faut absolument le voir en VO).

Les Survivants, Craig Zobel (2015)

 

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Une jeune femme (Margot Robbie), très croyante, vit dans une vallée épargnée par une apocalypse nucléaire. Un jour, elle tombe sur un homme en combinaison anti-radiations (Chiwetel Ejiofor). Il est scientifique. Il est noir. Ils vont devenir un couple, jusqu’à ce qu’un troisième homme arrive inopinément (Chris Pine), un Blanc, croyant comme la jeune femme, qui, bien malgré lui, va déséquilibrer ce qui avait lentement réussi à s’équilibrer.

Il n’y a pas grand chose à dire sur ce film. C’est beau, car tourné en Nouvelle-Zélande. Les scènes de constructions du moulin à eau sont superbes. C’est fin, car très joliment écrit, plein d’éclipses et de non-dits. Les acteurs sont tous très bons. Et on s’ennuie, poliment, mais on s’ennuie. C’est certes subtil, mais un peu trop cotonneux.

 

Mother ! Darren Aronofsky (2017)

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Un couple vit dans une grande maison qui se remet à peine d’un incendie. Lui (Javier Bardem) est écrivain, poète, il souffre du syndrome de la page blanche. Elle (Jennifer Lawrence, très charnelle), c’est la bonniche de luxe : elle bricole, brique, cuisine, peint. Entre deux corvées, elle aimerait bien « prendre un petit coup », mais il ne semble pas très intéressé ; pourtant, elle a ce qu’il faut là où il faut.

Un jour, un homme malade débarque chez eux (Ed Harris). D’où ? Pourquoi ? On ne sait pas trop. Il dit qu’il a cru que la maison était un B&B. Puis l’inconnu enlève son masque, il est le fan n°1 de l’écrivain, il va mourir d’un cancer. Ensuite, son impossible bonne femme (Michelle Pfeiffer) débarque, puis leurs enfants, puis…

Le moins que je puisse dire, c’est que le film m’a laissé un sentiment mitigé. On comprend beaucoup trop vite le fin mot de l’histoire (j’avais tout deviné au bout de vingt minutes, le rôle de chacun, la structure narrative. Résultat : raté pour le mindfuck final), et ce ne sont pas les hallucinantes scènes de la fin qui rappellent tout autant High Rise que The Baby of Mâcon qui sauvent l’entreprise. C’est long, deux heures. Longuet aussi, une fois qu’on a compris et qu’il ne reste plus que le brio de la mise en scène à se mettre sous la dent.

Par ailleurs, on est sans cesse frappé par des réminiscences du cinéma de David Cronenberg et de celui de Roman Polanski. Cronenberg, c’est d’autant plus flagrant puisqu’on retrouve une partie du casting d’A History of Violence (Ed Harris, Stephen McHattie).

Ce n’est pas nul, je ne sais même pas si j’oserai écrire que c’est raté (pourtant, c’est très tentant). C’est aussi surprenant qu’agaçant. Comme souvent chez Aronofsky, je trouve l’ensemble plus prétentieux qu’ambitieux.

Pour tout dire : ça m’a donné l’impression d’être le film d’un réalisateur intelligent (trop intelligent pour son bien) qui prend ses spectateurs pour des cons. Après, d’un point de vue réalisation, esthétique, c’est régulièrement bluffant.

 

 

Bury my heart at Wounded Knee, Yves Simoneau (2007)

Bury my heart at Wounded Knee est un long téléfilm HBO de plus de deux heures, évidemment inspiré du livre de Dee Alexander Brown (Albin Michel « Terre d’Amérique »), Enterre mon coeur à Wounded Knee, une histoire américaine (1860-1890). Mais l’ouvrage de Brown n’est pas la seule source du scénario, puisqu’il raconte aussi la vie de Charles Eastman.

Le film commence avec le massacre de Little Big Horn (25 et 26 juin 1876) où le général Custer et 267 de ses hommes périrent. Il se termine avec le massacre de Wounded Knee (29 décembre 1890) où environ deux cents indiens Lakota, hommes, femmes et enfants, furent tués par la cavalerie américaine.

On y suit plusieurs destins, mais en particulier celui de trois hommes (les guerres Indiennes, et ça ne surprendra personne, fut avant tout une affaire d’hommes) : Charles Eastman, médecin d’origine amérindienne ; le sénateur Henry Laurens Dawes (interprété par Aidan Quinn) ; le chef Sitting Bull (interprété par August Schellenberg).

Comme souvent chez HBO, le spectacle est éprouvant : scalp, blessures, corps gelés, enterrement d’enfants. Ici, il est question d’horreurs variées, de massacres, mais de maladie aussi, de racisme, de mesquinerie, de déchéance(s). Et de gens qui se trompent. Malgré toute sa bonne volonté, le sénateur Dawes apparaît comme l’homme par qui l’horreur arrive. Il croit aider les Amérindiens, il les enterre vivant, dans les réserves. Deux conceptions du monde, inconciliables, sont entrées en collision. Et encore aujourd’hui, les dégâts sont visibles (il suffit de visiter n’importe quelle réserve indienne pour s’en convaincre). Le scénario n’épargne personne, ni la lâcheté des uns, ni la cruauté des autres, ni la mesquinerie. Tout y passe : l’attrait de Sitting Bull pour la célébrité ; les bouteilles d’huile de foie de morue avalées avec avidité, car elles contiennent un tout petit peu d’alcool ; les horreurs perpétrées par les deux camps.

Le téléfilm n’est pas exempt de défauts, notamment en termes de réalisation, un brin forcée. Il passe un peu vite sur le mouvement Ghost Dance. On en retient une scène qui dit tout : un bœuf est lâché dans un corral, un Indien le prend en chasse à cheval et le tue avec sa carabine Winchester. Une forme d’aumône. Voilà la chasse que les Blancs offrent aux Indiens, après que les premiers ont volé les terres auxquelles les seconds pensaient appartenir… et non l’inverse. Tout ça, pour l’or des Black Hills.

Comme toujours, l’or n’est jamais très loin.

 

Miss Sloane, John Madden (2016)

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Elizabeth Sloane (Jessica Chastain) est une lobbyiste. Elle est payée pour faire changer les sénateurs d’opinion sur les lois qu’ils vont voter. Elle peut très bien défendre les intérêts de l’Indonésie (le commerce de l’huile de palme) comme ceux du peuple américain. Contactée par le puissant lobby des armes à feu pour féminiser le mouvement et faire de l’américaine moyenne une acheteuse d’arme potentielle qui prend sa sécurité en mains (armées), Sloane refuse et claque la porte de la puissante firme pour laquelle elle travaille. Engagée par la concurrence, Sloane se jette corps et âme (vous savez ce truc sans valeur qu’on vend parfois au Diable) pour défendre un projet de loi sur le contrôle des armes, une loi que tout le monde pense perdue d’avance.

Dire que Jessica Chastain est impressionnante dans le rôle d’Elizabeth Sloane est un peu court. Sa prestation vaudrait amplement une tirade aussi roborative que la tirade du nez de Cyrano. Donc, elle est splendide, renversante, parfois terrifiante dans son manque d’empathie. Elle sait sentir à quel point son personnage est pathétique, quand il requiert la compagnie de prostitués du genre « 100 kilos de barbaque montés sur burnes en acier ».

Le film est bluffant de bout en bout, notamment dans l’intelligence de ses choix (il était bien plus facile de faire de Sloane la « méchante » à la solde du lobby des armes que d’en faire la « méchante » partisane d’un meilleur contrôle de la vente d’armes à feu sur le sol américain). Sloane est une vraie hyène et le paye au prix fort, addiction aux excitants, insomnies, sexe tarifé, aucune vie de famille, rien qui ressemble à un ami homosexuel ou à une copine-shopping. Elle bosse, elle manipule, elle ment, elle dort très peu, elle complote, elle met les mains, et volontiers les bras, dans les poubelles de la concurrence, et elle utilise des méthodes franchement illégales que découvre son patron (Mark Strong, excellent lui aussi), pour le moins effaré. Et si ça ne suffit pas, elle vous écrase, vous sacrifie, vous exploite. Pour gagner. Car elle a un rapport pathologique à la victoire.

Miss Sloane est construit comme un tour de magie.

 » Chaque tour de magie comporte trois parties ou actes. Le premier s’appelle la promesse. Le magicien vous présente quelque chose d’ordinaire : un jeu de cartes, un oiseau ou un homme. Il vous le présente. Peut-être même vous invite-t-il à l’examiner afin que vous constatiez qu’il est en effet réel, oui, intact, normal. Mais il est bien entendu loin de l’être.
Le deuxième acte s’appelle le tour. Le magicien utilise cette chose ordinaire pour lui faire accomplir quelque chose d’extraordinaire. Alors vous cherchez le secret. Mais vous ne le trouvez pas parce que bien entendu vous ne regardez pas attentivement. Vous n’avez pas vraiment envie de savoir. Vous avez envie d’être dupé.
Mais vous ne pouvez vous résoudre à applaudir parce que faire disparaître quelque chose est insuffisant encore faut-il le faire revenir.
C’est pourquoi pour chaque tour de magie, il existe un troisième acte. Le plus difficile. Celui que l’on nomme : le prestige. « 

La magicienne c’est Sloane, la chose ordinaire c’est une loi dont le vote est perdu d’avance, la chose extraordinaire, c’est que l’opinion publique bascule (ce qui est déjà perçu comme une victoire en soi), mais le basculement de l’opinion n’implique pas une victoire au sénat. Ça ne suffit pas à Sloane. Reste le troisième acte, le plus difficile…

Miss Sloane a été un désastre au box-office américain : 3,4 millions de dollars de recettes pour 15 millions de dollars de budget estimé. C’est évidemment consternant. Ce film, qu’on peut rapprocher de Spotlight pour son ambition, la qualité de son interprétation et son intelligence globale, est plus que recommandable.

(C’est amusant à relever : le film contient un minuscule élément de science-fiction qui laisse supposer qu’il se déroule dans un futur très proche, visuellement indiscernable de notre présent.)

 

13 hours, Michael Bay (2016)

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Alors qu’il est en déplacement à Benghazi, l’ambassadeur des USA, très peu protégé, est attaqué par une foule armée. Stationnés à proximité, dans une base secrète de la CIA, six agents de sécurité privés, sous contrat avec la CIA, décident de lui venir en aide.

Michael « Transformer » Bay à la réalisation, les gentils américains héroïques contre les méchants musulmans, forcément fourbes, qui se ressemblent tous (un peu comme les Chinois), le projet avait un certain potentiel.

Peu après No Pain no Gain, Michael Bay me bluffe à nouveau. 13 hours est hallucinant de bout en bout. La réalisation, le montage, les acteurs qui jouent des mercenaires, les scènes d’action nocturnes. Tout est impressionnant. On embarque pour 2h20 à couper le souffle. Bay ne tombe dans aucun des pièges habituels de ce type de film, il n’insère pas un segment de comédie WTF dans le drame comme Ridley Scott avec Black Hawk Down (auquel 13 hours rend d’ailleurs un hommage limpide).  Il livre un film constamment en tension, au bord de la rupture, contrairement à Kathryn Bigelow sur Zero Dark Thirty sans doute coincée par l’équivalent du secret défense.

Étonnamment, 13 hours est plutôt un appel à la tolérance et très critique envers l’attitude des USA à l’étranger (ou plutôt les méthodes de la CIA). La fin, très réussie, dépasse allègrement les « faits de bravoure » pour poser de bonnes questions.

On ne peut pas interdire à Michael Bay de tourner des Transformers, mais franchement il faudrait.

 » Tous les dieux, tous les enfers, tous les paradis sont en nous. « 

 

The Monster, Bryan Bertino (2016)

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Une mère indigne (alcoolique, qui fume en permanence, couche avec des pov’types violents) emmène en voiture sa fille Lizzy chez son père, dont elle est séparée. Elle en est sûre, sa fille ne reviendra pas. C’est une sorte de voyage d’adieu. Sur la route, elles percutent un loup et accidentent leur voiture. Mais leur portable fonctionne (ce qui est souvent rare dans un film d’horreur contemporain) et elles appellent les secours qui arrivent sous la forme d’une dépanneuse. Une ambulance est aussi en chemin. Seul problème, ce n’est pas l’accident qui a tué le loup, c’est une bête sauvage. Une bête jusque là inconnue (croisement improbable entre un ursidé, un loup-garou qui a abusé de crème dépilatoire et un poisson carnivore très méchant – pour les dents).

Il y a en gros trois façons de réussir un film de monstre : créer un monstre fascinant, mettre en scène des antagonistes / victimes attachantes, mélanger les deux, ce qui est sans doute la voie royale. On se souvient plus volontiers de Freddy Krueger que des ados qu’il décime, pareil pour Jason. On se souvient bien du Predator, mais aussi de Schwarzy et de ses potes mercenaires. Des figures fortes de monstres ou d’humains opposés à icelui.

The Monster est davantage un film raté qu’un navet (même si ça sent souvent le navet). Il y a un vrai propos (sur ce que les enfants attendent de leurs parents), propos ambitieux et donc souvent absent des navets. Mais le monstre du titre n’est pas fascinant (il est montré trop tôt / trop exposé / franchement ridicule côté maquillage/effets spéciaux). Quant à Kathy, la mère (interprétée par Zoe Kazan), elle est d’une idiotie insondable. Dès qu’il y a une décision débile à prendre, vous pouvez être à peu près sûr qu’elle va la prendre, non sans expliquer à sa fille que c’est évidemment « la seule chose à faire ». Son personnage pourrait être intéressant (une mère débile et indigne, pourquoi pas), mais il souffre aussi des idioties du scénario. Quant à Lizzy, la fille, son évolution psychologique est tellement improbable qu’on n’y croit pas (il est normal d’avoir envie de pouffer au moment où elle achève sa métamorphose psychologique). La bête attaque toujours au moment le plus opportun (d’un point de vue scénaristique), puis délaisse sa proie, on ne sait pas trop pourquoi, puis ré-attaque. Des fois, elle peut faire un truc, des fois elle ne le peut pas. Sans trop spoiler, la dernière partie, l’affrontement, atteint des sommets de débilité/maladresse scénaristique. L’auteur a écrit un scénario avant de créer un monstre, il a écrit une mécanique avant d’édicter les lois monstrueuses qui doivent faire tourner cette mécanique. C’est limpide dans la « scène de l’ambulance » qui est d’une bêtise absolue.

Un autre point m’a gêné, alors qu’il serait plutôt « positif », The Monster est un hommage (volontaire / involontaire ? / par percolation) à l’oeuvre de Stephen King. Tout un passage du film rappelle une scène emblématique de Cujo. Avec son chien en peluche qui chante, Lizzy, la fille, est un personnage kingien, presque jusqu’à la caricature.

The Monster est trop mal écrit pour susciter l’indulgence du fan de film d’horreur qui en mangent treize à la douzaine. Mais Bryan Bertino a un certain savoir faire en matière de suspense, de tension. Le placement de ses flash-backs, leur tonalité, montrent qu’il a aussi un vrai sens du montage.

Ce n’est pas forcément un mauvais réalisateur, mais c’est un piètre scénariste qui avait besoin d’un meilleur département pour les effets spéciaux. En évacuant toute la possible mythologie de son monstre, il a créé un moteur narratif assez vain, une bête qui attaque quand ça lui chante, trop mécanique/simpliste pour marquer longuement les esprits. On se souvent de Michael Myers, le tueur d’Halloween, parce que le Dr Loomis (Donald Pleasence) nous raconte son histoire, lui offre bien malgré lui une dimension mythologique.