Mois : décembre 2017
The Punisher (2017)
Frank Castle, le Punisher, n’est pas mort. Il casse des murs à la masse sur un chantier de construction. Impliqué bien malgré lui dans une affaire de braquage qui tourne mal, il se voit obligé de quitter sa couverture. Contacté par un hacker qui s’est lui aussi fait passer pour mort, et vit dans un sous-sol depuis un an, Frank va devoir se confronter à son passé, à une « opé noire » en Afghanistan qui a tourné affreusement mal. Un allié des USA est mort : Ahmad Zubair. Et Dinah Madani de la sécurité intérieure veut absolument savoir pourquoi… Frank sait, mais cette vérité lui a déjà coûté très cher : tout ce qu’il aimait.
The Punisher fait partie de la myriade de séries Marvel : Daredevil, Jessica Jones, Luke Cage, Iron Fist, etc. Je ne suis pas vraiment client, et je n’ai vu que les deux premières saisons de Daredevil (qui sont très bien, à mon humble avis) et c’est d’ailleurs dans Daredevil que j’ai côtoyé pour la première fois le Punisher incarné par Jon Bernthal (parfait pour le rôle). Personnage ambiguë (pour le moins), complexe, le Punisher est sur le papier un des personnages les plus intéressants de l’univers Marvel.
Mais je dois dire que je suis assez partagé sur la série qui lui est dédié.
D’abord, il y a le format : 13 épisodes ne me semblaient pas nécessaires pour raconter cette histoire, dix auraient sans doute suffi. D’un autre côté, j’ai trouvé les épisodes 11 et 12 proprement hallucinants. Auraient-ils eu le même impact s’ils étaient apparus plus tôt. Pas sûr. Evidemment, on retrouve dans ce show les deux twist du parfait guide du scénariste hollywoodien, aucun ne sera une surprise, mais néanmoins, à cause de leur dimension morale, ils font quand même leur petit effet.
Ensuite, il y a le message politique, ou disons la coloration particulièrement lourdingue Marines / famille / patrie, martelée (des fois on se croirait face à une publicité de l’armée de Terre). Semper Fi and co. Résultat : on a un peu de mal à avoir de l’empathie pour cette bandes de brutes épaisses, indéfendables et à moitié psychopathes.
Jon Bernthal est parfait ; on ne saura jamais si le Punisher est un abruti ou juste un tueur assez intelligent pour savoir qu’il doit se faire passer pour un abruti brut de décoffrage. Amber Rose Revah est très bien dans le rôle de Dinah Madani (personnage de pouvoir, mais sexué, avec une histoire familiale, des failles). Ben Barnes est excellent dans le rôle de Billy Russo, le mercenaire en costume Armani. L’interprétation est au top. De ce côté-là rien à dire, on retrouve la qualité Netflix.
The Punisher est assurément du beau travail (excellents acteurs, bonne réalisation, très bon habillage musical), mais il faut sans doute aimer les trucs de soldats, de camaraderie militaire et de frères d’armes pour l’apprécier à fond. Pas vraiment mon truc, un peu en opposition avec l’idée que je me fais du média bande-dessinée et du rôle qu’il se doit d’avoir dans la (contre-)culture. Heureusement que le personnage de Madani est là pour endiguer partiellement ce Niagara de testostérone.
Dragon chez le hibou et le papou
Quelques idées cadeau pour Noël
Colossal, Nacho Vigalondo (2016)
Gloria, new-yorkaise fêtarde (pour ne pas dire alcoolique) n’a pas de travail depuis un an. Ce qui commence sérieusement à courir sur le haricot de Tim, son brillant petit copain… qui finit par la foutre dehors. Gloria rentre alors chez ses parents, loin de New York, mais pas très loin (le New Hampshire), dans une maison vide.
Au même moment, un monstre démoniaque et gigantesque (qui était déjà apparu vingt-cinq plus tôt) commence à ravager Séoul. Gloria se rend alors compte que quand elle se gratte la tête, le monstre se gratte la tête, quand elle danse, le monstre danse. Il y a deux conditions à cela, elle doit se trouver dans le parc près de chez elle, à 8h05 précise. Vingt-cinq plus tôt, ce parc n’était pas un parc, et Gloria sent bien qu’elle doit se souvenir de quelque chose, quelque chose enfoui profondément en elle.
Colossal est un film expérimental, une sorte de film d’art et d’essai avec un étrange godzilla démoniaque de série B (voire Z). Il est très éloigné de l’idée que l’on pourrait s’en faire en regardant la seule bande-annonce. Pour tout dire, j’ai trouvé le film raté (Anne Hathaway, à contre-emploi, m’a semblé encore plus à côté de la plaque que d’habitude), le cocktail drame/comédie de mœurs/film de monstre ne marche pas. Et malgré toutes ses scènes de séduction paradoxalement assez ennuyeux. Les personnages sont tous odieux et Gloria n’échappe pas à la règle ; on n’arrive pas à s’accrocher à elle, à avoir de la sympathie/de l’empathie pour cette pauvre fille bien pénible. Là où le film est extrêmement intéressant, c’est dans sa radicalité, sa tonalité à part. Pendant plus d’une heure, on ne comprend pas où Nacho Vigalondo veut en venir, ce qu’il veut nous raconter. Essayer de comprendre la volonté du réalisateur devient alors beaucoup plus intéressant que le film en lui-même (je ne pense pas que ça soit un compliment). Et le spectacle parfois voyeur, brutal sur les plans psychologique et physique, est étrangement (alors qu’on s’attend à une comédie) à la limite du soutenable. Voir Oscar (Jason Sudeikis) frapper Gloria (devenue son employée) à de nombreuses reprises et la voir réagir de façon incohérente, ou ne pas réagir du tout (cette fameuse sidération dont on parle beaucoup depuis l’affaire Weinstein), met extrêmement mal à l’aise. Un inconfort qui perdure presque jusqu’aux dernières scènes du film.
Colossal parle de confiance en soi, de traumatisme enfoui, d’alcoolisme, de nos démons intérieurs, des pervers narcissiques et de leurs victimes, de cette fascination qui nous fait appuyer sur la pédale de frein quand on approche du lieu d’un accident. Le réalisateur n’hésite pas à présenter la violence comme une solution et nous confronte à notre voyeurisme naturel.
Plutôt ennuyeux, sans personnages vraiment attachants (à part peut-être Joel/Austin Stowell, sous-utilisé), Colossal est un ratage presque colossal. Dommage, car le fond est plutôt intéressant.
Wolfcop, Lowell Dean (2014)
Lou Garou est flic dans une petite ville canadienne. Alcoolo, notoirement incompétent, il est la honte de la police locale (qui se réduit à un chef, lui et l’employée du mois depuis XX mois : Tina). Sur fond d’éclipse, d’annulation du drink&shoot annuel (un rassemblement de chasseurs), d’élections locales, de braquage de magasin d’alcool et de fabrication industrielle de drogue, Lou va se rendre cruellement compte qu’il ne porte pas ce nom français idiot – Garou – par hasard.
Soyons clair d’entrée de jeu, sans préliminaires ni lubrifiant bio : Wolfcop est absolument consternant. Les acteurs sont à chier, les effets spéciaux sont monstrueux (pas forcément dans le meilleur sens de l’adjectif), les effets gore sont affligeants, le scénario est « aléatoire » (je ne sais pas très bien ce que ça peut bien vouloir dire, mais je me comprends et c’est l’essentiel). Beaucoup de zizi, de pipi et pas mal de (jolis) nichons, ce qui place tout de suite le film au niveau de Ash vs Evil Dead (en pire) ; en fait, à la réflexion, non, pas au même niveau, faut pas déconner : Ash vs Evil Dead touche la cuvette (une fois sur trois), Wolfcop se contente du tapis en peluche rose placé devant. Il y a plein d’idées, certes, mais elles sont à 92,7% pathétiques et c’est vrai que voir un homme se transformer en loup-garou à partir de son pénis est une idée extrêmement con et d’une subtilité qui ferait passer Donald Trump pour le maître de Machiavel.
Tout ça pourrait être amusant, voire à se pisser dessus (miction impossible ?), comme une bonne série Z de derrière les poubelles, mais non, le scénario est trop pompé sur Hot Fuzz et les meilleurs passages se comptent sur les doigts de la main qui reste à un manchot. Toutefois, reconnaissons que la scène absolument foireuse du « labo de meth » est par instants réjouissante, tout comme la montée en puissance de Tina.
Evidemment, je me ruerai sur la suite dès qu’elle sera disponible (je me demande si ce n’est pas la première fois de ma vie que je conjugue le verbe se ruer au futur simple).
Juste un peu de cendres : coup de coeur
Atomic Blonde, David Leicht (2017)
Berlin juste avant la chute du Mur. L’espion anglais James Gasciogne est assassiné par l’espion russe Youri Bakhtine qui récupère une liste d’agents doubles, d’agents infiltrés, d’agents plus vraiment secrets, liste (planquée dans une montre) sur laquelle se trouve l’identité de Satchel, un agent double que l’Angleterre veut pendre haut et court pour haute-trahison. Lorraine Broughton (Charlize Theron) est envoyée à Berlin pour récupérer la liste à tout prix, et en option, démasquer Satchel. Dès son arrivée, le KGB attente à ses jours. Sa couverture a été grillée et elle soupçonne immédiatement David Percival (James McAvoy) l’agent anglais en poste à Berlin de l’avoir trahie. Dans le même mouvement, elle se rapproche, près très près, d’une agente française : Delphine Lassalle (Sofia Boutella) qui a quelques informations de valeur au sujet de ce paradoxal David Percival, qui fait tout pour passer pour un crétin égocentrique fini et serait peut-être à la place le meilleur espion de sa génération.
Atomic Blonde est une bonne surprise, c’est sans doute même mieux que ça. Je n’en attendais rien ou disons pas grand chose et voilà, je suis resté scotché de bout en bout. Charlize Theron fait un numéro absolument incroyable : à poil, nichons au vent (dès la première scène), en dessous coquins, habillée smart, habillée tueuse implacable, avec perruque, sans perruque. Elle est de quasiment de toutes les scènes et elle incarne une version féminine de James Bond particulièrement réussie. Elle picole comme James Bond (vodka on the rocks), cogne comme James Bond, tire comme James Bond, mais (et c’est là que les scénaristes ont été très malins) malgré ses talents de tueuse implacable elle ne baise pas comme James Bond (ancienne époque). Ses sentiments amoureux sont clairement son épine dans le pied, ce qui la rend fascinante et terriblement attachante. James McAvoy ne surprend pas, il reprend quasiment à l’expression près son rôle dans Ordure ! Aucune surprise donc de ce côté-là, mais il le fait avec le talent pyrotechnique qu’on lui connaît. C’est un espion complètement outré qui se prend pour une rockstar, passe son temps avec des putes, boit comme un trou, parle comme un charretier, fraye avec les punks / activistes qui vont faire tomber le mur. Tout ça ne l’empêchant pas d’avoir une certaine efficacité. C’est un peu le jumeau maléfique de Lorraine. Leur face à face est plutôt intéressant, il joue à la fois sur le registre pop (voire vulgaire : je t’e mettrai bien un petit coup, jolie blonde / dans tes rêves, gros con) et sur un registre plus cérébral (d’inspiration John Le Carré tout à fait limpide – d’ailleurs le film se paye le clin d’œil de luxe absolu en donnant à Toby Jones à peu près le même rôle qu’il avait dan La Taupe).
Doté d’un scénario vraiment convaincant, plein de trouvailles assez géniales (l’utilisation des chansons de la fin des années 80, du film Stalker, des citations de Machiavel, etc), Atomic Blonde dégueule littéralement de morceaux de bravoure :
- la scène dans le cinéma où est projeté Stalker.
- Les scènes de séduction puis d’amour entre Charlize Theron et Sofia Boutella.
- La scène des parapluies.
Sans parler de quelques fusillades à la violence décomplexée et graphique (meurtre au pic à glace, relooking d’appartements est-allemand au sang et aux matières cérébrales).
Le film bénéficie d’un choix de chansons à la fois assez évident et en même temps éclairé : Cat people (putting out fire) David Bowie, 99 luftballoons de Nena, Cities in dust de Siouxie and the banshees, London Calling de The Clash, etc.
A l’heure où le moindre commentaire sexiste peut coûter très cher, je prends le risque et assume le ras du bitume : Atomic Blonde c’est James Bond avec des (petits) nichons. Et c’est délicieusement bon de jouir de cette inversion des codes habituels du film d’espion. Charlize Theron est incroyable (séductrice, intelligente, manipulatrice, physique), James McAvoy fait le boulot avec panache, Sofia Boutella est belle à croquer (surtout en moto) et le reste du casting assure grave : Toby Jones, John Goodman, Eddie Marsan…
A priori ce cocktail incongru d’action à gogo, de pop culture et d’espions cérébraux à la John le Carré n’aurait rien dû donner d’intéressant, mais voilà c’est la magie du cinéma (le plus grand tour de prestidigitation qu’ait inventé le diable)…
Foncez ! C’est de la bombe !
Interview vidéo au sujet de mon roman Dragon…
… et de mon travail de scénariste BD chez Glénat.
Cette interview a été réalisée par l’équipe de la librairie Mollat, dans le cadre des Utopiales 2017.
(Un exercice de schizophrénie pour ce qui est de parler de Dragon, car j’ai fini d’écrire ce texte il y a trois ans maintenant).
Gold, Stephen Gaghan (2016)
Kenny Wells (Matthew McConaughey) est un arrière-petit-fils de prospecteurs. Sa famille possède la Washoe Mining Company. Après la mort de son père, les affaires vont mal pour Kenny et la boîte ne vaut plus rien. Mais il ne s’avère pas vaincu pour autant, à la suite d’une rêve qu’il espère prémonitoire, il vend les bijoux de sa petite-amie et se rend en Indonésie à la rencontre de Michael Acosta (Edgar Ramirez, flamboyant), un géologue qui a eu des succès considérables dans le passé et semble un peu au creux de la vague, depuis que sa théorie géologique sur la Ceinture de Feu a été traité de « ramassis de conneries » par ses pairs.
Si on lit le scénario de ce flm, sans en avoir vu la moindre image au préalable, on se dira sans doute que le rôle de Kenny serait parfait pour Jonah Hill, sans doute encore un peu trop jeune : vulgaire, alcoolo, gras, hâbleur mais sans finesse, toujours en sueur, Kenny est le pire des beaufs (ça c’est parfait pour Jonah). Mais voilà Kenny a la force de ses convictions et elles sont puissantes. Dans le rôle, Matthew McConaughey est convaincant, toujours sur le fil (du ridicule), surprenant dans sa transformation physique à mille lieux de L’Homme en noir de La tour sombre où il était fin, élégant, racé, et pour tout dire assez jouissif en grand méchant (dans un film, pour le reste, presque anecdotique).
Gold m’a laissé sur le cul. C’est vraiment un bon film (à condition toutefois de ne pas trop en savoir à son sujet avant de le regarder, car tout le film repose sur un « truc » assez fortiche). Gold en dit long sur les paradoxes de l’amitié. On y retrouve le charme de certains films d’aventure avec Alain Delon (Les aventuriers) ou de Jean-Paul Belmondo, ces classiques de l’âge d’or du cinéma français (les années 60 grosso modo). On y retrouve aussi les questionnements moraux d’un Scorsese en grande forme.
Même si on peut arguer que McConaughey en fait parfois un poil trop, Gold est un film ambitieux, profond, avec de vrais morceaux de bravoure (les scènes de malaria, la scène du jacuzzi, la scène de la Cadillac) et il serait dommage de passer à côté. Son échec commercial est, comme il se doit, largement immérité.