
Onzième siècle. Accompagné de son frère Draco (Guy Stockwell), et de son fidèle bras droit Bors (Richard Boone, loin de ses westerns de prédilection), Chryssagon (Charlton Heston) s’en vient occuper les terres marécageuses que lui a confiées le duc de Normandie. Aussitôt arrivé sur les lieux, il met fin à un raid de Frisons et capture, par hasard, le jeune fils du chef ennemi. Voilà une première journée bien remplie, mais l’homme reste un homme… et la rencontre de Chryssagon avec une jeune paysanne va le mener sur un chemin, de feu et de sang, qu’il lui aurait mieux valu éviter.
Ah ! Je n’avais jamais vu Le Seigneur de la guerre, ou alors j’avais complètement oublié, mais je ne crois pas. Je me souviens qu’enfant m’a mère m’avait interdit de le voir à la télé parce qu’il y était question de droit de cuissage et que ces affaires-là n’étaient alors pas de mon âge. Et il est vrai que le cœur du film est cette histoire de viol qui devient histoire d’amour (le viol comme arme de séduction massive ? Les féministes apprécieront). Franklin J. Schaffner n’en fait d’ailleurs pas grande chose et l’alchimie qui s’installe entre Rosemary Forsyth et Charlton Heston n’est pas des plus évidentes. Elle a peur de lui (à raison), il la viole (sans violence, du moins c’est ce que suggère le réalisateur), elle tombe aussitôt amoureuse, raide dingue : « je ne peux plus vivre sans toi ». Passons… Par contre, le réalisateur s’intéresse beaucoup à la cohabitation du paganisme et de la chrétienté après l’an Mil ; d’ailleurs ce fameux droit de cuissage n’en est pas un, mais plutôt une coutume païenne que justement l’Église considère comme un viol. Mariée devant l’arbre et la pierre, Bonwyn ne sera jamais mariée devant Dieu (du moins, pas dans le film). Beaucoup de ces thématiques ramènent au Excalibur de John Boorman où, là-aussi, un homme, Uther, provoquait le chaos en couchant avec une femme qui n’était pas la sienne, Ygraine.
Le Seigneur de la guerre fait partie de ces films du mitan des années soixante où le grand Hollywood classique commençait à se fissurer pour explorer plus avant les thèmes du sexe et de la violence. Les scènes de combat, de siège, sont très chouettes (sans aucune doute ce qu’il y a de plus réussi dans le film), Charlton Heston est plus nuancé, torturé, qu’à son habitude et si les effets spéciaux ont très mal vieilli, ils donnent paradoxalement un certain cachet « poétique » au long-métrage.
Film sur le pêché, le désir masculin et une époque qui n’épargnait pas davantage les femmes que nos jours heureux de ce début de XXIe siècle, Le Seigneur de la guerre n’a pas volé son statut de classique. Son message (involontaire ?) n’a jamais été d’autant d’actualité.
Un achat (en blu-ray) que je ne regrette pas du tout.