The Outsider, série HBO d’après Stephen King (2020)

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(Disclaimer : je travaille chez Albin Michel. The Oustider est un fort recommandable roman de Stephen King publié pour la première fois en français chez Albin Michel en janvier 2019.)

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Frankie Peterson, un jeune garçon, est assassiné de la façon la plus atroce qui soit dans le parc d’une petite ville sans histoires. Quelques jours plus tard, le coach de baseball Terry Maitland  (Jason Bateman) est arrêté devant tout le monde pendant un match. Des gens l’ont vu à proximité de la scène de crime, il est entré dans un bar à striptease couvert de sang et a griffé un des videurs. Son ADN et ses empreintes ont été trouvés sur le corps de la victime. Problème pour l’accusation : Terry Maitland était aussi à 100 kilomètres de là le jour du meurtre : il assistait à une conférence sur la censure en littérature où il a été filmé. Et une centaine de personnes, environ, peut témoigner de sa présence. Sans oublier ses empreintes trouvées sur un livre rare.

Si Terry Maitland n’a pas tué le petit Frankie Peterson, alors qui (ou quoi) a commis ce crime atroce ? Et pourquoi mettre en place une telle mise en scène qui demande des moyens considérables, impensables ?

Rarement une série télé ne se sera autant focalisée sur la façon dont le commun des mortels réagit face à l’inexplicable / le surnaturel. Depuis la nuit des temps, il y a ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas. Il y a les cyniques, les crédules, les esprits ouverts, les esprits libres, ceux dont la foi est inébranlable et ceux qui doutent et qui douteront jusqu’à leur dernier souffle. Tout un éventail de comportements. Le policier chargé de l’enquête, Ralph Anderson (Ben Mendelsohn), est un incrédule, un rationnel a priori inébranlable. Holly Gibney (Cynthia Erivo) est un esprit à part, ouvert, hyper-réceptif. Ensemble, épaulés par d’autres policiers et l’avocat de la famille Maitland, pourront-ils percer le mystère qui entoure le meurtre  de Frankie Peterson ?

The Outsider, adapté à l’écran par Richard Price (Clockers, entre autres) est une sacrée bonne série. On reconnaît à la fois la profondeur psychologique des personnages de Stephen King et les obsessions de Price, notamment sa méticulosité. Price a toujours été un scénariste réfractaire au spectaculaire, en quête de véracité ; d’une certaine façon, il se contraint et se réinvente dans cette série « fantastique » qui ne manque pas de morceaux de bravoure. Si le premier épisode souffre de quelques coquetteries scénaristiques un peu vaines, la suite avance comme un bulldozer, notamment grâce à Cynthia Erivo qui, totalement bluffante dans le rôle d’Holly Gibney, devient sans mal le corps et l’âme de cette enquête surnaturelle. Le septième épisode In the pines, in the pines, scénarisé par Dennis Lehane est notamment très réussi.

On peut évidemment trouver quelques défauts à l’ensemble. Paddy Considine fait des efforts méritoires pour passer pour un ancien taulard américain, mais reste un peu trop anglais et félin pour le rôle. La série aurait pu sans doute être réduite à huit épisodes un peu plus longs. Mais bon, ce ne sont au final que des broutilles.

Jusqu’à sa conclusion, The Outsider n’a de cesse de monter en puissance.

Major Dundee, Sam Peckinpah (1965)

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1864. Un ranch américain, protégés par des soldats, est attaqué par les Apaches de Sierra Charriba qui kidnappent trois jeunes garçons (la petite fille Roste est tuée, criblée de flèches). Il n’en faut pas plus pour le major Dundee (Charlton Heston) pour monter une opération de secours, illégale, au Mexique, dans laquelle il embarque des soldats, des condamnés, des bandits, donc, et même un groupe de confédérés mené par le capitaine Benjamin Tyreen (Richard Harris) – son ennemi intime. Évidemment, rien ne va se passer comme prévu.

Major Dundee est le troisième long-métrage de Sam Peckinpah après New Mexico (en 1961) et Coups de feu dans la Sierra (en 1962). C’est loin d’être son meilleur film (avis péremptoire, certes, mais « définitif » en ce qui me concerne) ; par contre c’est l’indubitable creuset dans lequel on retrouve quasiment toute sa filmographie à venir. La violence et le côté « Il était une fois au Mexique » ramène à La Horde Sauvage, la traque au sud de la frontière américaine qui prend des chemins détournés évoque Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia (dont quelque part Major Dundee est le brouillon). Comme souvent chez Peckinpah bien des malheurs viennent des femmes et, à bien y réfléchir, plutôt du désir masculin (ah ces hommes qui échouent à réfléchir avant de mettre une pauvre femme sur le dos ou en cloque).

Major Dundee c’est un casting de tuerie. Charlton Heston est têtu, ambiguë, carnassier, comme il a souvent aimé l’être. Richard Harris est flamboyant de bout en bout ; il illumine le film par son talent, sa classe et son charme. James Coburn est épatant en éclaireur manchot. Warren Oates est très bon ; mais a-t-il était ne serait-ce qu’une fois mauvais dans sa (trop courte) carrière ?

Major Dundee c’est un film au rythme cassé, déséquilibré, aux péripéties étranges, qui rappelle Apocalypse Now dans sa façon de montrer un conflit qui ne se déroule jamais comme il devrait. C’est aussi un film « maudit » qui existe en plusieurs versions (123 minutes, 136 minutes, 152 minutes). Je ne l’ai vu qu’en version courte et en version restaurée de 136 minutes qui remplit quelques trous notables (c-à-d la très belle édition Sony de 2017). La version longue est introuvable pour ce que j’en sais. C’est un film aussi plein d’humour. Quand un des personnages dit à Charlton Heston « ne vous baladez pas dans les rues, vous n’avez pas du tout la tête d’un Mexicain »… Heston jouait un policier Mexicain dans La Soif du mal d’Orson Welles en 1958.

Évidemment, un amateur du cinéma de Sam Peckinpah ne peut pas passer à côté, ça reste un film important. Mais ce n’est clairement pas ce film-là que je conseillerai pour découvrir ce réalisateur. Qui fut l’un des plus scandaleux, mais aussi l’un des plus importants du XXe siècle.

L’Adieu au roi, John Milius (1989)

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Février 1945. Un botaniste anglais et son radio (d’origine africaine) sont parachutés sur Bornéo pour rallier à la cause des Alliés les tribus locales contre l’envahisseur japonais, ennemi redoutable s’il en est, car mené par un colonel juqu’auboutiste surnommé le colonel fantôme, reconnaissable entre mille car il monte un cheval blanc.

Le botaniste et son compagnon tombent littéralement des nues quand ils s’aperçoivent que le roi de Bornéo est un Blanc, un ancien syndicaliste et communiste américain qui a déserté car il s’est littéralement senti abandonné par le général MacArthur. Learoyd ne veut pas de cette guerre contre les Japonais, il n’a pas oublié ce que le colonel fantôme a fait subir à ses compagnons faits prisonniers dès leur naufrage sur Bornéo. Mais parfois la guerre quitte les plages et s’enfonce profondément dans les terres.

Avant d’être un film de John Milius, L’Adieu au roi est un très beau roman de Pierre Schoendoerffer que j’avais critiqué ici (sous un nom d’emprunt partagé que j’ai définitivement rendu à d’autres il y a quelques années). Mais bon, John Milius a fini par l’adapter en film, film que j’étais allé voir au cinéma avec ma mère quelques années avant qu’elle ne meure (et donc, bien des années avant de lire le roman). Pour tout dire, j’avais je crois idéalisé le film, à cause justement des souvenir qui s’y rattachaient.

John Milius est un gars très complexe à saisir. Bien épaulé par Oliver Stone, il avait transformé le personnage de Conan en pourfendeur implacable du pacifisme, du flower power, des hippies, de la révolution sexuelle, etc. Transformant, non sans humour, l’œuvre de Robert E. Howard en manifeste politique réactionnaire (j’imagine que c’est ce qu’on appelle réifier une métaphore). On lui doit aussi le scénario d’Apocalypse Now, Jeremiah Johnson, Le Lion et le vent – trois excellents films. Et le scénario anti-coco anti-rouge particulièrement ridicule de l’Aube Rouge qui reste malgré cela (ou à cause) un plaisir cinématographique régressif de premier choix (c’est sans doute inavouable, mais j’ai dû voir L’Aube rouge, l’original, le seul, le vrai, vingt fois minimum).

Mais revenons à Leyroyd, le roi de Bornéo. Il est campé par un Nick Nolte au summum de son art qui, à aucun moment, ne singe le Brando d’Apocalypse Now (c’était bien là le risque). Son destin personnel est fascinant, mais le film n’en rend compte qu’en partie. John Milius ne se hausse jamais au niveau du Cimino de L’année du dragon quand ce dernier filme la jungle en Thaïlande, il n’égale pas Coppola dans sa capacité à donner vie et âme à un environnement hostile. L’Adieu au roi est un film d’aventures honnête, qui a deux ou trois scènes d’anthologie au catalogue (notamment celle du bébé) ; ce n’est malheureusement pas un grand film et surtout pas le meilleur de John Milius. On retrouve quand même ses obsessions habituelles, quelques pics de pensée réactionnaire et en même temps un humanisme et un anti-racisme qu’on aurait cru totalement absents de sa boîte à outils. Pour Leyroyd, la guerre est laide et les femmes sont belles. Milius lui donne à la fois raison et tort.

(Un petit mot pour conclure sur l’édition DVD en ma possession. C’est un carnage dramatique. Le film est en 4:3 ou lieu d’être en 1:85. Un film en 1:85 tourné dans la jungle de Malaisie, soyons clairs, ça ne donne pas grand chose une fois passé aux ciseaux du 4:3. Il n’y a pas de VO, pas de sous-titres, rien. Et le montage proposé est bien entendu le montage européen, moins intéressant que le montage américain. Les deux montages sont de longueur équivalente, mais il y a pas mal de différences très signifiantes. Le film ne dit pas exactement la même chose et c’est là qu’on voit l’importance du montage.)

Aucun homme ni dieu, Jeremy Saulnier (2018)

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Une femme qui habite un petit village isolé d’Alaska, où elle est quasiment la seule Blanche, demande à un spécialiste des loups à la retraite (Jeffrey Wright, impressionnant) de traquer et tuer l’animal qui a dévoré son fils. La troisième victime dans ce même village. Son mari est à la guerre, en Irak. L’homme accepte, il se dit que ce sera l’occasion de renouer avec sa fille qui enseigne l’anthropologie à Anchorage. Un étrange voyage commence, sur une terre inhospitalière, au milieu de gens, des Amérindiens surtout, qui ont des croyances différentes.

(Il serait dommage d’en dire davantage.)

Le réalisateur Jeremy Saulnier n’est pas un inconnu, son second long-métrage, Blue Ruin avait marqué bien des critiques et son troisième film Green Room (moins bon, à mon avis) avait séduit bien des aficionados de l’horreur. Mais aucun de ces deux films ne préparait réellement au choc Aucun homme ni dieu (dont le titre original Hold the dark est bien meilleur, à tous points de vue).

C’est un film sur l’homme, les loups, les légendes, la terre sauvage, les territoires poreux où réel et surnaturel se côtoient avec plus de facilité (on peut y trouver des liens avec ma propre nouvelle « Ethologie du tigre » dans le recueil « Sept secondes pour devenir un aigle »). C’est un film à la fois lent, contemplatif, et terriblement brutal.

Si vous avez aimé Le Territoire des loups (The Grey) de Joe Carnahan, il est très probable que vous tombiez sous le charme de ce Aucun homme ni dieu. J’ai retrouvé dans ce film, bien des caractéristiques des premiers films de Sam Peckinpah, l’alternance de moments contemplatifs et de flambées de violence paroxystiques. Sans aucun doute un des meilleurs films que j’ai vus en cette période de confinement.

Jeremy Saulnier a clairement des choses à dire, j’attends maintenant de pied ferme son nouveau film.

Les Professionnels, Richard Brooks (1966)

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Fin des années 1910. Un homme d’affaires américain, M. Grant, promet 10 000 dollars à quatre hommes s’ils lui ramènent sa femme, Maria (Claudia Cardinale, nichons droit devant), prisonnière du révolutionnaire mexicain Jesus Raza (Jack Palance), 160 kilomètres au sud de la frontière. L’équipe se forme donc avec un expert en armes automatiques qui a participé à la révolution mexicaine et d’une certaine façon y a tout perdu (interprété par Lee Marvin), un cow-boy au grand cœur amoureux des chevaux (interprété par Robert Ryan), un éclaireur noir expert en tir à l’arc (Woody Strode) et un expert en explosifs coureur de jupons, interprété par Burt Lancaster. Maria est retenue prisonnière dans une hacienda où vit une centaine de révolutionnaires armés jusqu’aux dents et leurs familles. Comment quatre hommes vont-ils triompher d’une petite armée ?

Quand on regarde la filmographie de Richard Brooks, plutôt passionnante (Graines de violence, Lord Jim, Les frères Karamazov, De sang froid, entre autres), on peut légitimement se demander ce qu’un réalisateur d’un tel calibre, passionné de problématiques sociétales, vient faire dans un western qui a priori sent l’action, le courage et la testostérone à plein tonneaux ? Et c’est là où le film devient passionnant, oui c’est un grand film d’aventures avec son lot de fusillades, cavalcades, explosions et catastrophes naturelles, qu’on peut regarder au premier degré, mais c’est aussi un film audacieux (nous sommes en 1966, une année avec la révolution morale qu’a constitué la sortie du Bonnie and Clyde d’Arthur Penn) qui pervertit les codes habituels du western (on le sent en filigrane, le vrai sujet du film, ce sont les transformations qui vont frapper la société américaine à la fin des années 60 : la montée en puissance du pacifisme et la révolution sexuelle). 1966 c’est l’année du Bon, la brute et le truand de Sergio Leone. Sam Peckipah n’a pas encore tourné La Horde sauvage (1969) (qui entretient de nombreux points communs avec Les Professionnels), Sergio Leone n’a pas encore tourné Il était une fois dans l’ouest (1968) et Il était une fois la révolution (1971). Richard Brooks amorce une partie de tout ça (la fête mexicaine qui dure jusqu’à l’aube en évoque une autre, qui finira aussi très mal à cause d’une femme), comment ne pas considérer Dolworth (interprété par Burt Lancaster) comme l’exact opposé du dynamiteur irlandais de Il était une fois la révolution ? Comment ne pas penser à Claudia Cardinale dans Il était une fois dans l’ouest ? Quand Grant demande « ça ne dérange personne de travailler avec un nègre ? », aucun des futurs compagnons ne répond. Et tout au long du film, Jake sera considéré comme un compagnon à part entière, jamais comme quelqu’un d’inférieur ou de subalterne. Brooks est malin, il ne le dit jamais, il le montre, c’est tout, il ne le souligne pas.

Autre aspect qu’il affronte, mais de façon moins subtile, ou disons plus frontale, c’est la sexualité. Dolworth (Burt Lancaster) est constamment en rut ; d’ailleurs il est au lit avec une femme mariée la première fois qu’il apparaît dans le film. Traitée de pute à plusieurs reprises, Maria en est l’exact opposé, la femme fidèle à son amour d’adolescence, fidèle jusqu’au bout, quoi qu’il en coûte. Mariée contre son gré, c’est une femme violée, ni plus ni moins. Son corps n’a qu’une seule cause, celle de son amour véritable. Personnage secondaire, Chiquita, la révolutionnaire qui accompagne Raza, est aussi un personnage extrêmement audacieux pour l’époque, elle se bat comme un homme, jusqu’à la dernière cartouche, et semble avoir elle aussi complètement abandonné son corps à une cause : la révolution mexicaine, endossant deux rôles, celui de guerrière et celui de repos du guerrier. En esquissant sans gros sabots le destin de ces deux femmes très différentes, mais qui trouvent de la puissance dans le choix qu’elles font de leur sexualité, Brooks se montre une fois de plus très malin. Ce western a priori masculin, suintant la testostérone comme la dynamite suinte sa nitroglycérine au soleil, soulève bien des questions embarrassantes sur le désir masculin et sur le patriarcat. D’ailleurs, Brooks oppose finement Dolworth, qui est prêt à coucher avec n’importe quelle femme (mariée, prostituée, révolutionnaire, ça n’a pas grande importance à ses yeux) à Chiquita qui est prête à coucher avec n’importe quel homme qui partage son idéal politique et à Maria qui met l’amour au firmament de ce qu’est sa condition humaine (l’amour ou la mort). Dans Les Professionnels les femmes ont plus de conviction que les hommes, à part peut-être Fardan (Lee Marvin) qui, veuf, semble avoir troqué sa sexualité (et même sa vie émotionnelle) pour une rectitude infrangible. Lui aussi sortira transformé de sa chevauchée au Mexique.

Les Professionnels est un western crépusculaire qui, entre deux fusillades, abordent  la politique, la sexualité, la morale, le patriarcat et le racisme (les droits civiques, le pacifisme et la révolution sexuelle). Il fallait tout le talent de quelqu’un comme Richard Brooks pour maquiller ce brûlot politique en film d’action à grand spectacle. Là où Brooks se démarque totalement de Peckinpah, c’est dans le refus d’esthétiser la violence, chez Brooks la violence est une conséquence de choix moraux plus ou moins défendables, mais elle n’est pas un sujet en elle-même. D’ailleurs il semble dire qu’à partir d’un certain moment, un conflit n’est plus l’affrontement d’idéaux ou de systèmes politiques, mais une mauvaise habitude dont on ne sait plus se débarrasser (en 1966, en pleine guerre du Viêt-nam, il fallait être sacrément courageux pour oser poser un tel diagnostic).

 Un immense classique.

Preacher saison 2 | True Detective saison 3 | Black Coal |

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Bon je fais mon premier « en bref » depuis que je tiens ce blog, me semble-t-il. Je ne sais pas si c’est un effet collatéral du confinement ou plutôt un manque de choses intéressantes à dire sur les séries et les films que j’ai vus ces derniers temps.

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Je me suis infligé la seconde saison de Preacher, j’avais quand même plutôt aimé la première. Hé ben la seconde est pas bien passé du tout : je me suis ennuyé, mais ennuyé. Jesse Custer (quel connard !) m’est souvent sorti par les yeux. Tulip avait perdu de son abattage et était limite conne par moments. Quant au vampire irlandais, bon y’a une bonne idée avec l’arrivée de son fils, mais ça ne donne pas grand chose au final. L’ensemble est moins drôle, plus sérieux trouvé-je. Et le pire dans tout ça, c’est qu’ils ne font rien ou presque du cadre : La Nouvelle Orléans.

J’ai acheté le troisième coffret (avant de regarder la saison 2), mais là j’ai un gros doute sur mon envie de m’y plonger.

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Dans la saison 3 de True Detective, deux enfants disparaissent dans l’Arkansas de 1980, un garçon de 12 ans, une fille de 10 ans. Le garçon est trouvé mort dans une grotte, les mains jointes, la fille n’est pas retrouvée. Deux policiers mènent l’enquête, un Noir qui a fait la guerre du Viêt-Nam et un blanc qui a fait celle de Corée. Un suspect est désigné sans mal : un Indien divorcé, vétéran à moité clochardisé, qui collecte les ordures et traînait dans le même coin que les enfants, le soir où ils ont disparu.

C’est vraiment une drôle de saison qui se passe à trois époques différentes, 1980, 1990 (quand la fille réapparaît) et 2015 quand une journaliste s’intéresse à l’affaire et cherche à lui trouver un angle « complotiste ».

Y’a du bon et du moins bon. La vraie fausse bonne idée, c’est d’avoir voulu remettre en place un système narratif analogue à celui de la saison 1, y’a des moment ça fait copié-collé et panne d’inspiration tragique. Par ailleurs, les scènes de ménage entre le flic Noir et sa femme écrivaine semblent assez peu naturelles, et j’ai trouvé certains de leurs dialogues particulièrement mal écrits (ce qui est rare chez HBO). L’histoire en elle-même est plutôt intéressante, mais elle ne tient pas vraiment la route : dès 1980 les flics (ils sont une centaine à bosser sur l’affaire) ont toutes les pièces du puzzle (j’avais compris dès le deuxième épisode sur huit). L’ensemble fait un peu fabriqué en jouant avec les infos cachées des époques précédentes et il n’y avait vraiment pas matière à faire huit épisodes. Par contre, cette saison 3 est ponctuée par des scènes, brèves mais exemplaires, qui vont de la baise extrêmement viscérale à l’interrogatoire percutant en passant par une fusillade très maîtrisée.

Carmen Ejogo qui campe une prof’, pacifiste, écrivaine, mère de deux enfants, tout ça sans que jamais sa sexualité particulièrement incendiaire soit émoussée, est éblouissante. Ce qui est intéressant dans ce personnage, c’est justement la dimension solaire, très positive, très saine de son approche de la sexualité. Elle est le cœur de cette saison 3, son âme vive.

Mahershala Ali est plutôt un bon acteur, mais là je l’ai trouvé en dents de scie. Étrangement, Stephen Dorff m’a semblé bien meilleur, bien plus étale (malgré sa ridicule perruque dans les segments 1980 – sérieux, on ne voit que ça !).

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De tous les polars chinois qui sont arrivés jusqu’à chez nous ces dernières années (The looming storm, Wrath of silence), Black coal est celui qui m’a le plus convaincu. On y suit un ancien flic alcoolique enquêtant sur une jeune veuve employée de pressing qui est liée à deux meurtres à priori sans lien et distants d’un paquet d’années. Sorte d’étude sur les rapports humains très difficiles, notamment entre les hommes et les femmes, dans la Chine d’aujourd’hui, il y a du Antonioni dans ce film, celui d’Identification d’une femme. On y trouve aussi une scène de fusillade très étrange. Le rythme est lent, lancinant, et certains rebondissement sont difficilement compréhensibles.

On pourrait être rebuté par la misogynie apparente de l’ensemble, mais il me semble que c’est plus malin que ça.

C’est pas totalement réussi, ça part sans doute dans trop de directions différentes (comme un feu d’artifices en plein jour), mais c’est vraiment intéressant si on supporte ce genre de films, tout en faux-rythme.

 

 

 

The Perfection, Richard Shepard (2018)

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Pendant dix ans, Charlotte (Allison Williams, formidable), s’est occupée de sa mère mourante. Elle a laissé de côté sa carrière de violoncelliste, passant du statut de virtuose promise à une immense carrière internationale à celui d’amatrice douée. Confrontée à l’agonie, pendant des années, elle a perdu beaucoup de sa santé mentale et a besoin de se reconstruire. Enfin libérée par la mort de sa mère, elle se rend à Shanghai pour renouer avec ses professeurs de violoncelle de la Bachoff Academy. Les retrouvailles sont chaleureuses et elle se voit propulsée au rang de juré pour un concours de jeunes talents locaux. Tâche qu’elle partage avec une autre violoncelliste virtuose de la Bachoff Academy : Lizzie (Logan Browning, qui n’est jamais aussi bonne que quand elle devient absolument insupportable – notamment lors de la scène d’anthologie où elle tombe malade dans un bus de la Chine profonde). Les deux femmes sont ensuite invitées à jouer ensemble. Et malgré le trac, le manque de pratique, Charlotte s’en sort haut la main. Tout finit ensuite dans de beaux draps d’un hôtel de luxe où Charlotte et Lizzie s’envoient en l’air, boivent plus que de raison et décident de faire un voyage roots dans la Chine continentale. Un voyage à la dure qui va terriblement mal tourner.

J’ai abordé The Perfection sans savoir de quoi le film parlait et ma foi ça m’a plutôt bien réussi. Peut-être que si j’avais su qu’il y était question d’une épidémie de fièvre hémorragique en Chine, j’aurais repoussé à plus tard sa vision.

Faire un film (comme écrire un roman ou une novella) est un tour de prestidigitation ; il n’est pas important que ça soit réel, ou même réaliste ; par contre il est important que le tour ne s’effondre pas sous le poids d’une illusion trop gauche. The Perfection tourne autour d’une idée qui ne fonctionne pas, on peut la tourner dans tous les sens, ça ne marche pas, ça n’a guère de sens et pourtant l’illusion fonctionne jusqu’au bout, car l’attention du spectateur est sans cesse détournée sur autre chose. Les scènes de musique, par exemple sont formidables, alors que le violoncelle est loin d’être ma passion musicale première. L’interprétation d’Allison Williams est souvent étonnante, loin d’être « calibrée » comme on en a l’habitude dans le cinéma américain.

The Perfection ne fonctionne pas, ou du moins ne devrait pas fonctionner, et se casser en deux au terme de la scène-pivot du premier tiers (je ne spoile pas, volontairement), mais c’est un tour de prestidigitateur qui a fonctionné sur moi : j’ai pris un grand plaisir à aller jusqu’au bout et à accepter le jeu de manipulation du réalisateur, avec le sentiment de jouer avec lui et non qu’il se jouait de moi. Le film est suffisamment fort pour qu’il reste longtemps en tête.  Il m’a rappelé Excision de Richard Bates Jr (dont j’attends toujours une édition Blu-Ray correcte, qui comme d’habitude existe en Allemagne, mais sans sous-titres français ou même anglais).

 

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Preacher|saison 1 (série TV)

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Le personnage du centre s’appelle Jesse Custer. Texan (et du Texas de l’ouest, pas le coin le plus sympa de « l’état grand comme la France) », ancien braqueur de banques, Jesse a hérité de l’église de son père et est devenu Preacher (Prêtre en VF, faut qu’on m’explique) pour honorer une promesse bien imprudente, celle de servir le bien et la justice. Quand on est un expert en fusils d’assaut et en fractures ouvertes, ben c’est un certain challenge.

Le personnage de gauche (qui est bien à sa place, à gauche) est un vampire irlandais de 119 ans, du genre fainéant, glandeur, menteur, indéfendable, qui déteste The Big Lebowski, aime l’alcool, la drogue et les femmes (il n’est expert que dans les deux premières catégories).

Quand au personnage de droite c’est Tulip, l’amour de toujours de Jesse Custer, une ancienne braqueuse de banques qui a un compte à régler avec Carlos et qui peut vous enseigner, en dix-sept minutes et quarante-trois secondes, comment fabriquer un bazooka avec des boîtes de conserve et de l’alcool de maïs de contrebande.

Un jour, une force céleste s’échappe de sa boîte à café, fait exploser quelques prêtres et prédicateurs avant de se fixer sur Jesse Custer.

A Annville, Texas, va y avoir du sport !

Il y a longtemps que j’avais pas autant pris mon pied devant une série télé. Toutefois, il y a un prérequis, il faut complètement oublier que c’est tiré d’un comics de Garth Ennis et Steve Dillon. Vos paupières sont lourdes, je vais compter de 10 à 1 et quand j’aurais fini vous aurez oublié l’existence de ce comics.

10… 9… 8… 7… 6… 6… 6… 5… 4… 3… 2… 1.

C’est trash (ambiance tripes éclatées, fractures ouvertes, visage transformé en anus géant par une décharge de chevrotine), c’est globalement de très mauvais goût, mais putain qu’est-ce que c’est bon. Avec quasiment un morceau de bravoure par épisode. Il me semble que la confrontation entre les deux gardiens (de la boîte à café) et le séraphin dans la chambre de motel restera longtemps en mémoire du plus blasé des téléspectateurs.

Dominic Cooper est complètement décalé ; si le choix peut paraître bizarre (surtout dans les deux trois premiers épisodes), au final ça fonctionne pas mal. Cassidy et Tulip (vus auparavant dans la série anglaise Misfits) sont excellents.  Jackie Earle Haley (l’inoubliable Rorschach du Watchmen de Snyder) fait un méchant à la fois grotesque et réussi. « Le dieu de la viande ! Le Dieu de la viande ! » Fallait y penser.

Dans le genre série qui ne se prend pas au sérieux, la première saison de Preacher explose sans mal Supernatural (que pourtant j’aime beaucoup). C’est sans doute beaucoup plus ambitieux, mais sans jamais être prétentieux.

On notera aussi un soin très particulier apporté à la bande-son, avec plein de chouettes chansons, de bons morceaux.

Franchement pour se divertir, y’a pas mieux (à condition d’avoir un sens de l’humour aussi tordu que le mien).