Major Dundee, Sam Peckinpah (1965)

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1864. Un ranch américain, protégés par des soldats, est attaqué par les Apaches de Sierra Charriba qui kidnappent trois jeunes garçons (la petite fille Roste est tuée, criblée de flèches). Il n’en faut pas plus pour le major Dundee (Charlton Heston) pour monter une opération de secours, illégale, au Mexique, dans laquelle il embarque des soldats, des condamnés, des bandits, donc, et même un groupe de confédérés mené par le capitaine Benjamin Tyreen (Richard Harris) – son ennemi intime. Évidemment, rien ne va se passer comme prévu.

Major Dundee est le troisième long-métrage de Sam Peckinpah après New Mexico (en 1961) et Coups de feu dans la Sierra (en 1962). C’est loin d’être son meilleur film (avis péremptoire, certes, mais « définitif » en ce qui me concerne) ; par contre c’est l’indubitable creuset dans lequel on retrouve quasiment toute sa filmographie à venir. La violence et le côté « Il était une fois au Mexique » ramène à La Horde Sauvage, la traque au sud de la frontière américaine qui prend des chemins détournés évoque Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia (dont quelque part Major Dundee est le brouillon). Comme souvent chez Peckinpah bien des malheurs viennent des femmes et, à bien y réfléchir, plutôt du désir masculin (ah ces hommes qui échouent à réfléchir avant de mettre une pauvre femme sur le dos ou en cloque).

Major Dundee c’est un casting de tuerie. Charlton Heston est têtu, ambiguë, carnassier, comme il a souvent aimé l’être. Richard Harris est flamboyant de bout en bout ; il illumine le film par son talent, sa classe et son charme. James Coburn est épatant en éclaireur manchot. Warren Oates est très bon ; mais a-t-il était ne serait-ce qu’une fois mauvais dans sa (trop courte) carrière ?

Major Dundee c’est un film au rythme cassé, déséquilibré, aux péripéties étranges, qui rappelle Apocalypse Now dans sa façon de montrer un conflit qui ne se déroule jamais comme il devrait. C’est aussi un film « maudit » qui existe en plusieurs versions (123 minutes, 136 minutes, 152 minutes). Je ne l’ai vu qu’en version courte et en version restaurée de 136 minutes qui remplit quelques trous notables (c-à-d la très belle édition Sony de 2017). La version longue est introuvable pour ce que j’en sais. C’est un film aussi plein d’humour. Quand un des personnages dit à Charlton Heston « ne vous baladez pas dans les rues, vous n’avez pas du tout la tête d’un Mexicain »… Heston jouait un policier Mexicain dans La Soif du mal d’Orson Welles en 1958.

Évidemment, un amateur du cinéma de Sam Peckinpah ne peut pas passer à côté, ça reste un film important. Mais ce n’est clairement pas ce film-là que je conseillerai pour découvrir ce réalisateur. Qui fut l’un des plus scandaleux, mais aussi l’un des plus importants du XXe siècle.

L’Adieu au roi, John Milius (1989)

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Février 1945. Un botaniste anglais et son radio (d’origine africaine) sont parachutés sur Bornéo pour rallier à la cause des Alliés les tribus locales contre l’envahisseur japonais, ennemi redoutable s’il en est, car mené par un colonel juqu’auboutiste surnommé le colonel fantôme, reconnaissable entre mille car il monte un cheval blanc.

Le botaniste et son compagnon tombent littéralement des nues quand ils s’aperçoivent que le roi de Bornéo est un Blanc, un ancien syndicaliste et communiste américain qui a déserté car il s’est littéralement senti abandonné par le général MacArthur. Learoyd ne veut pas de cette guerre contre les Japonais, il n’a pas oublié ce que le colonel fantôme a fait subir à ses compagnons faits prisonniers dès leur naufrage sur Bornéo. Mais parfois la guerre quitte les plages et s’enfonce profondément dans les terres.

Avant d’être un film de John Milius, L’Adieu au roi est un très beau roman de Pierre Schoendoerffer que j’avais critiqué ici (sous un nom d’emprunt partagé que j’ai définitivement rendu à d’autres il y a quelques années). Mais bon, John Milius a fini par l’adapter en film, film que j’étais allé voir au cinéma avec ma mère quelques années avant qu’elle ne meure (et donc, bien des années avant de lire le roman). Pour tout dire, j’avais je crois idéalisé le film, à cause justement des souvenir qui s’y rattachaient.

John Milius est un gars très complexe à saisir. Bien épaulé par Oliver Stone, il avait transformé le personnage de Conan en pourfendeur implacable du pacifisme, du flower power, des hippies, de la révolution sexuelle, etc. Transformant, non sans humour, l’œuvre de Robert E. Howard en manifeste politique réactionnaire (j’imagine que c’est ce qu’on appelle réifier une métaphore). On lui doit aussi le scénario d’Apocalypse Now, Jeremiah Johnson, Le Lion et le vent – trois excellents films. Et le scénario anti-coco anti-rouge particulièrement ridicule de l’Aube Rouge qui reste malgré cela (ou à cause) un plaisir cinématographique régressif de premier choix (c’est sans doute inavouable, mais j’ai dû voir L’Aube rouge, l’original, le seul, le vrai, vingt fois minimum).

Mais revenons à Leyroyd, le roi de Bornéo. Il est campé par un Nick Nolte au summum de son art qui, à aucun moment, ne singe le Brando d’Apocalypse Now (c’était bien là le risque). Son destin personnel est fascinant, mais le film n’en rend compte qu’en partie. John Milius ne se hausse jamais au niveau du Cimino de L’année du dragon quand ce dernier filme la jungle en Thaïlande, il n’égale pas Coppola dans sa capacité à donner vie et âme à un environnement hostile. L’Adieu au roi est un film d’aventures honnête, qui a deux ou trois scènes d’anthologie au catalogue (notamment celle du bébé) ; ce n’est malheureusement pas un grand film et surtout pas le meilleur de John Milius. On retrouve quand même ses obsessions habituelles, quelques pics de pensée réactionnaire et en même temps un humanisme et un anti-racisme qu’on aurait cru totalement absents de sa boîte à outils. Pour Leyroyd, la guerre est laide et les femmes sont belles. Milius lui donne à la fois raison et tort.

(Un petit mot pour conclure sur l’édition DVD en ma possession. C’est un carnage dramatique. Le film est en 4:3 ou lieu d’être en 1:85. Un film en 1:85 tourné dans la jungle de Malaisie, soyons clairs, ça ne donne pas grand chose une fois passé aux ciseaux du 4:3. Il n’y a pas de VO, pas de sous-titres, rien. Et le montage proposé est bien entendu le montage européen, moins intéressant que le montage américain. Les deux montages sont de longueur équivalente, mais il y a pas mal de différences très signifiantes. Le film ne dit pas exactement la même chose et c’est là qu’on voit l’importance du montage.)