Stranger Things / saisons 1 & 2

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De nos jours, à peu près tout le monde connaît la petite ville d’Hawkins dans l’Indiana, ainsi qu’une bonne partie de sa pétillante population : le jeune Will Byers, qui y disparaît. Sa mère Joyce (Winona Ryder, épatante, qui regarde la cinquantaine droit dans les yeux sans avoir perdu une once de charme), sa mère Joyce, donc, qui va se faire un sang d’encre et plus ou moins péter un boulon à base de guirlandes lumineuses. Les meilleurs amis de Will : Mike, Dustin et Lucas qui vont refuser de croire à la thèse officielle de sa disparition. Le chef de la police locale, Jim « Hop » Hopper qui, bien souvent, se comporte comme un gamin de quinze ans et va foutre son nez là où il ne faut pas avec la légèreté d’une baleine à bosse larguée du sommet d’un gratte-ciel. Et puis il y a Eleven, la cobaye, la fille au crâne rasée tombée d’un roman de Stephen King trop grand ouvert. Et Brenner, l’infâme Brenner…

La première saison de Stranger Things m’a fait l’effet d’un assez indigeste gloubiboulga « je mets au mixeur tête la première » The Goonies (1985) / ET l’extraterrestre (1982) / The Thing (1982) / Firestarter (1984) avec une tonalité spielbergienne poussée (dans les escaliers) sans doute un poil trop fort : commotion cérébrale et multiples fractures ouvertes à l’atterrissage.

Certaines scènes m’ont d’ailleurs complètement éjecté du récit, comme le cliffhanger de la morgue (ceux qui ont vu la série comprendront) ou la volte-face du département de l’énergie à la fin de la prime saison (y’a qu’aux USA que le gouvernement fédéral, ou une de ses émanations, plie en cinq minutes face à un chef de la police largement dépassé par les événements, c’est pas prêt d’arriver en France un truc comme ça). Dans ces moments-là (enfantés par des scénaristes et producteurs exécutifs qui jubilent autour d’une table de six mètres de long en buvant leur huitième café de la matinée « de toute façon ils peuvent avaler n’importe quoi depuis que Bush Jr a été élu président ! »), je me suis indubitablement dis « c’est une série pour enfants », impression contrebalancée toutefois par certaines scènes assez dures.

Mais bon, force est de constater que la série marche à fond sur mon fils de 12 ans. Donc ce serait plutôt une série pour (pré-)ados.

Comme tout le monde semblait dire que « quand même, c’est formidable », « c’est super-chouette », « tu vas voir, c’est impossible à lâcher » etc, je me suis entêté et j’ai regardé le premier épisode de la seconde saison (histoire de ne pas mourir bête). Et là, miracle ou non, j’ai juste été totalement happé. Moins d’effets de scénario ratés. Le personnage de Jim Hopper, un peu écrit à la hache dans la première saison, évolue bien. Joyce est toujours aussi craquante (ça c’est pour flatter le bientôt cinquantenaire qui a bien connu les années 80) et je ne serais pas surpris que la rouquine MadMax fasse son petit effet sur mon fils de 12 ans… qui le niera de toutes ses forces, bien évidemment. Le méchant Brenner a été remplacé par un personnage nettement plus ambigu. Et j’arrête là mon inventaire pour ne pas spoilier.

La première saison était très kingienne, j’ai trouvé la seconde plus lovecraftienne, avec ses chiens à tête de fleur carnivore, sa menace démesurée et les champs de citrouilles pourries qui ramènent forcément à « La Couleur tombée du ciel ».

Je fais une pause : je n’ai pas attaqué la saison 3. La saison 2 était tellement bien, bouclait tout ce qui avait été lancé dans la saison 1, l’ensemble formant un tout cohérent, que j’ai peur d’être déçu par cette troisième saison. J’ai peur qu’il n’y ait plus rien d’intéressant à ajouter à l’édifice. Et d’ailleurs le dernier épisode de la saison 2 est très beau, on en pris par l’émotion. Le temps de dix-sept épisodes, on a appris à aimer ces personnages imparfaits, maladroits et terriblement humains. On n’habite pas l’Indiana, mais ils sont un peu devenus nos voisins…

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The Irishman, Martin Scorsese (2019)

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The Irishman (l’irlandais) c’est Frank Sheeran (Robert De Niro), camionneur, voleur et tueur pour la mafia qui va prendre une importance considérable dans l’organisation syndicale de Jimmy Hoffa (Al Pacino). Protégé par Russel Bufalino (Joe Pesci), Frank va monter, monter, monter ; mais à quel prix ?

[AVIS AVEC SPOILERS – vous voilà prévenus]

The Irishman est, en matière de film sur le crime, l’exact opposé de Heat de Michael Mann qui en 1995 révolutionnait le polar en mettant face à face un flic totalement azimuté, vorace, interprété par Al Pacino et un voleur extrêmement organisé, interprété par De Niro. Pacino finissait par tuer De Niro. Avant ça le duel entre les deux avait acquis un aspect mythologique via une conversation, un face à face, qui restera dans les mémoires, sans doute beaucoup plus que leur fusillade finale, près de l’aéroport de Los Angeles. Heat construisait une mythologie avec des inconnus, The Irishman redescend des gens connus (Hoffa, le clan Kennedy, la mafia New Yorkaise à l’origine de la création de Las Vegas) à hauteur d’homme, en fait parfois de simples pions, montre des gangsters idiots, incultes, craspecs et pour tout dire foncièrement médiocres qui rappellent ceux de Gomorra. On est loin de la flamboyance de la trilogie du Parrain de Coppola.

Dans The Irishman, la conclusion est connue depuis le début : Frank va tuer Jimmy Hoffa. Pourquoi et comment forment les deux arrêtes centrales du film. Pourquoi, à cause des Casino, de Cuba, de JFK, de la collusion entre les politiques et la mafia italienne. Ça nous ramène à American Tabloid de l’infréquentable James Ellroy (plutôt un bon bouquin, cela dit). Comment, c’est par le biais d’un long voyage en voiture que Frank fait avec Russell et leurs deux épouses qui n’ont de cesse de faire arrêter le véhicule pour pouvoir cloper et papoter. Dans The Irishman, les mots tuent plus que les coups de revolver. Le mot est un art subtil, le revolver juste un outil vulgaire. L’acier bleui, Scorsese ne s’y attarde pas, il s’en débarrasse dans une rivière où les armes s’accumulent. Il se concentre sur le portrait d’un homme qui semble avoir tout réussi et a tout raté, notamment sa vie de famille. Un homme très entouré et pourtant très seul. Le film entretient un dialogue inévitable avec Heat mais aussi avec ce qui est sans doute le plus grand film de l’histoire du cinéma : Il était une fois en Amérique de Sergio Leone, dans lequel jouaient déjà Robert de Niro et Joe Pesci.

The Irishman dans sa volonté réaliste, naturaliste ai-je presque envie d’écrire, est une grande fresque de la médiocrité et de l’échec, une sorte de tragédie morale russe, greffée sur le territoire américain. Joe Pesci y est formidable de bout en bout, un oscar ne serait pas volé. Le procédé de rajeunissement des visages a parfois tendance à figer les expressions, surtout chez Al Pacino, trouvé-je. C’est un procédé bluffant, la plupart du temps, mais qui dans certaines scènes est un peu trop voyant. Robert De Niro semble rejouer un rôle qu’il a déjà interprété plusieurs fois, notamment dans Casino. Il a échoué à m’impressionner ; ça fait longtemps que je me dis que cet acteur n’est plus le monstre qu’il a été. The Irishman est un lent requiem, un film sur la mort, la trahison. C’est aussi le film d’un vieil homme (Martin Scorsese a 78 ans). Ce n’est pas un mauvais film, loin de là, mais il a peiné à me surprendre et son faux-rythme m’a semblé au final assez fatigant.

Je suis déçu, mais je comprends qu’on puisse trouver ça génial.

 

Replicas, Jeffrey Nachmanoff (2018)

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[Attention critique avec spoilers.]

 

William Foster (Keanu Reeves) travaille dans un immense laboratoire d’Arecibo, à Puerto Rico, où il essaye de télécharger la mémoire de soldats morts dans un robot humanoïde. L’expérience ne donne pas les résultats escomptés ; si Johnny Mnemonic William maîtrise bien la première partie du processus (charger la mémoire humaine d’un mort sur un support informatique – bravo quand on sait à quelle vitesse se dégrade de façon irréversible la matière cérébrale immédiatement après le décès), il n’arrive pas à downloader cette mémoire dans le robot. Il y a toujours une forme de rejet. Là (quand le film commence) c’est le robot qui entreprend de s’arracher le visage dans un accès de désespoir. William est très proche de réussir, il le sent au fond de son petit cœur mouillé de larmes de frustration, mais bon pour le moment, ça veut pas.

Un soir alors qu’il part en famille (avec sa femme et leurs trois enfants) faire du bateau, leur voiture sort de route et, grosse catastrophe, il est le seul survivant. Que croyez-vous qu’il fait : au lieu d’appeler la police, les secours ou à la rigueur Superman (pour faire tourner la Terre dans l’autre sens), il appelle son collègue de bureau, Ed (Thomas Middleditch), et ensemble ils commencent à sauvegarder la mémoire de chacun des décédés. Puis, comme il y a urgence à faire quelque chose d’intelligent, ils volent trois cuves pour développer des clones (dont on nous dit que chacune d’elles coûte 1,7 million de dollars), puis ils décident logiquement de développer trois clones : la maman et deux des trois enfants. Il faudra tirer au sort et pas de bol c’est la benjamine, Zoé, qui perd. (Quitte à ne pas ressusciter un des enfants, j’aurais choisi un des deux adolescents, mais c’est sans doute mon expérience qui parle).

Bon, à ce moment-là (quand ils volent plusieurs millions de dollars de matériel médical et l’installent dans le sous-sol du pavillon de location) le spectateur décroche (je pense que si je partais avec un des immense photocopieurs du bureau, quelqu’un finirait par s’en apercevoir) et pourtant ce n’est que le tout début du film. Le meilleur reste à venir.

Une fois les cuves installées, et qu’on nous explique que ce processus-là de clonage humain n’a jamais marché auparavant (mais eux ils sont trop balèzes, ils vont y arriver), Ed demande à William s’il a un groupe électrogène, histoire d’avoir une source de courant en cas de coupure supérieure à 7 secondes et, là, William qui est garagiste à Cincinatti en plus de père de famille, neurochirurgien et informaticien de génie à Puerto Rico entreprend de voler les batteries de voiture de tout le quartier. Le film qui était mongoloïdocyberpunk devient 12voltspunk, un nouveau genre.

Le spectateur ayant déjà décroché, il ne lui reste plus qu’à glisser lentement dans le tunnel stroboscopique et plutôt coloscopique, d’ailleurs, de la quatrième dimension : il comprend avec joie plus qu’effarement que ce film relève non seulement du portnawak total, mais qu’en plus les scénaristes ne vont même pas produire l’effort de faire semblant. C’est un peu comme si un magicien coupait une femme en deux avec une scie et alors qu’elle hurle d’arrêter, que ça pisse le sang de partout, il s’arrête de scier pour se griller une cigarette et dire : « ne vous inquiétez pas, ça fait partie du show ».

Passé le coup des batteries, Replicas continue sur la même lancée (en mieux, ou en pire, ça dépend du point de vue) : les trois clones arrivent à maturation au bout de 17 jours (oui, c’est un peu plus long qu’une pizza au micro-ondes). Et quand je dis à maturation : la maman arrive donc à l’âge de quarante-cinq ans environ, la fille est une ado, le garçon est un ado un peu plus jeune que sa sœur, tout le monde a les cheveux à la bonne longueur, etc. (c’est là qu’on voit que nos deux scientifiques sont complètement à côté de la plaque, dans notre monde on gagnerait beaucoup plus d’argent avec un procédé qui permettrait d’avoir une chevelure parfaite en 17 jours qu’avec ces histoires sordides et hasardeuses de téléchargement de mémoire). Et là, voyant sa femme toute nue sortir de sa cuve, prête à l’emploi, bingo !, éclair de génie, papa William a un doute : comment il va expliquer à Maman la tragique disparition de Zoé. Comme il est le maître de la mémoire, William décide d’effacer la gamine, dans les souvenirs de ses trois cobayes avant réimplantation, puis dans la maison, où il retire le lit superposé, les dessins, les photos… Pendant ce temps-là, le monde extérieur ne s’inquiète guère de la disparition de la mère et de ses trois enfants. Un petit mail à l’école, un autre au boulot, et le problème est réglé. Une prof zélée passe cogner à la porte (le zèle professoral à ce point-là, c’est louche), mais une excuse bidon la renvoie à sa classe.

Bon c’est pas tout ça, comme William a récupéré les trois quarts de sa famille, il faut un élément de tension dramatique. Un méchant, quoi. C’est qui le méchant de l’histoire ? C’est un film de science-fiction, il y a forcément un méchant, non ? Donc l’ordure de service (minimum) c’est le patron de William, l’infâme Jones qui va finir par expliquer à William que si on essaye de télécharger la mémoire de soldats morts dans des robots c’est peut-être parce qu’on est financé par… des militaires. Et là, William tombe des nues, comment serait-ce possible, je ne travaille pas pour Toy’s r Us, Unilever ou le bien de l’humanité ?

Bon, sur la fin, ça manque un peu d’explosion et de fusillades, problèmes de budget, ils avaient tout foutu dans le salaire de Keanu Reeves, mais rassurez-vous toute cette histoire de fous finit plutôt bien.

Au final, Replicas ressemble à une nouvelle de Greg Egan adaptée par un des scénaristes des Simpsons un lendemain de cuite au guacamole fermenté.

Incontournable.

 

Le gangster, le flic et l’assassin – Lee Won-Tae (2019)

The Gangster, the Cop, the Devil, affiche

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Jung est un flic incorruptible (ambitieux, aussi). Il sait que son supérieur a un accord avec la pègre locale, notamment celle des jeux d’argent illégaux. Il a un certain réseau en ligne de mire et compte bien leur en faire baver un max’. Dans sa ville, un tueur assassine des innocents, toujours de la même façon : il percute doucement leur voiture par l’arrière et au moment des constatations les cribles de coups de couteau. Un jour, l’assassin s’en prend à Jang, un gangster. Celui que Jung tient absolument à coffrer. Jang survit. Jang blesse son agresseur. Jang se promet de retrouver le tueur en série avant la police et de lui régler son compte une fois pour toutes. Jung, lui, promet de mettre cet assassin derrière les barreaux.

Plutôt fun, bien rythmé (on ne voit pas le temps passer) Le gangster, le flic et l’assassin ne restera pas dans les annales des grands polars coréens poisseux. On est très loin de l’ampleur scorsesienne de New World, de la tension quasi-insupportable de The chaser ou de la cruauté exacerbée du Flic aux hauts-talons. C’est un divertissement convaincant, avec des péripéties assez invraisemblables sur lesquelles, dans le feu de l’action, on jette un joli voile d’indulgence. Dans le rôle du gangster, Ma Dong-Seok est plus que convaincant ; pour tout dire : il déchire tout. Kim Moo-yul qui incarne le flic est une sorte de Mark Wahlberg sud-coréen (pas sûr que ce soit un compliment). Quant à l’assassin, il assassine, ce qui n’est pas forcément le rôle au spectre le plus large.

Plaisant.

Hostiles, Scott Cooper (2017)

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1892. Le capitaine Joseph J. Blocker (Christian Bale, très bien) a participé au massacre de Wounded Knee. Il déteste ces putains de sauvages. Un jour on lui donne comme dernière mission, avant son départ à la retraite, de ramener son pire ennemi le chef Faucon Jaune (Wes Studi, très bien aussi) sur son territoire sacré. Le vieil homme se meurt d’un cancer et le président des États-Unis a décidé de lui rendre sa liberté ainsi qu’à sa famille, tous emprisonnés depuis sept longues années dans un fort de la cavalerie américaine. Joseph ne veut de cette mission pour rien au monde. Pour éviter le déshonneur de la cour martiale, il essaye de mettre fin à ses jours, mais échoue. Son courage vogue ailleurs. Coincé, il va devoir faire cette route, bouffer la poussière des terres rouges du désert aux terres fertiles du Montana pour se libérer de l’armée (à qui il a passablement donné toute sa vie). En chemin, son escouade tombe sur une femme qui vient de tout perdre (Rosamund Pike, pas toujours très convaincante, dans ce film comme dans d’autres) : son mari, ses enfants, son petit bébé et sa ferme, incendiée par des voleurs de chevaux, des Indiens. Elle a aussi perdu l’esprit (qu’elle va retrouver bien vite).

Plus qu’un film sur le racisme (le racisme y est toutefois très présent), Hostiles est un film sur la mort. Sans grand discours, sans grands effets, sans volonté de filmer des scènes de fusillades too much, Scott Cooper nous emmène dans un territoire qui n’a qu’un seul maître : la mort. Que ce soit le cancer, un coup fusil bien ajusté, une balle perdue, le suicide, on n’échappe pas à la mort. Et peu arriveront à connaître les douleurs lancinantes de la vieillesse.

Hostiles est un film radical – la première scène, magistrale, est à vous faire dresser les cheveux sur la tête. Ça pourrait être un film lourdingue sur la rédemption ; Scott Cooper choisit une autre voie. Il est fort possible que vous n’aimiez pas ce que vous allez voir, que vous n’acceptiez pas le jusqu’auboutisme du réalisateur… Personnellement, ça faisait longtemps que je n’avais pas vu un western aussi âpre, mais peut-être plus profond que subtil. Il y a du Sam Peckinpah dans ce film et c’est sans doute le plus beau compliment que l’on pouvait faire à Scott Cooper. Dans les seconds rôles, on remarquera la sublime Q’Orianka Kilcher et Jesse Plemons, excellents tous les deux.

Je conseille.

Âmes sensibles s’abstenir.

 

 

Midsommar, Ari Aster (2019)

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Quatre américains (trois hommes, une jeune femme qui vient de perdre ses parents et sa sœur dans des conditions atroces) se rendent en Suède dans une communauté isolée très secrète où on vit au rythme des saisons de la vie (l’été correspondant à la période entre 18 et 36 ans). Témoins d’un rite (proprement atroce) qu’ils jugent inacceptable ou fascinant selon les sensibilités des uns et des autres, leur groupe explose. Il y a ceux qui veulent rester étudier cette communauté à fin d’écrire une thèse d’anthropologie dessus et ceux qui veulent fuir le plus tôt possible.

Je n’avais pas du tout aimé Hérédité, le précédent film d’Ari Aster qui m’avait semblé trop long avec un casting assez bancal, dont un Gabriel Byrne complètement à côté de la plaque notamment (peut-être fait exprès, mais ça m’avait sorti du film). Par conséquent, je me suis lancé dans ce Midsommar à reculons.

Midsommar est long (le blu ray compte deux montages, un de 2h27 et un de 2h51 – je ne me suis pas risqué à voir la version longue, mais j’y viendrai), il est d’autant plus long qu’il contient assez vite une scène particulièrement éprouvante (qui à mon sens justifierait une interdiction au moins de seize ans ; mes deux fils ont plus de douze ans, l’un comme l’autre, et je me vois mal accepter l’idée qu’ils regardent un tel film). Midsommar peut être très éprouvant, donc, il est aussi très drôle. Farci ras-la-gueule d’un humour tordu qui joue sur ce qu’on comprend et ce que ne comprennent pas ou refusent de comprendre les personnages américains (particulièrement abrutis, il faut le reconnaître). La photo est à tomber, la mise en scène est souvent bluffante. D’un point de vue esthétique, le film rappelle un Lars Von Trier au meilleur de sa forme (Antichrist reste un sommet de l’horreur esthétique). Pour l’humour, j’ai plutôt pensé à Ben Wheatley quand il laisse s’exprimer sa fibre la plus horrifique. Midsommar est aussi intéressant sur le plan philosophique et/ou religieux – la communauté qui nous est montrée n’est pas totalement maléfique / monstrueuse, elle retire des bénéfices de ses actes choquants, probablement une forme de stabilité, d’harmonie et d’équilibre. De bonheur…

Le film pose donc une question très dérangeante, mais aussi assez profonde, que seriez-vous prêt à sacrifier pour la stabilité, l’harmonie et l’équilibre de ceux que vous aimez (vos enfants avant tout) ? Les enfants de la communauté sont un peu laissés de côté par le film, mais ils sont bien présents. Il y a dans cette facette du film quelque chose de Lovecraftien – on pense évidemment au Cauchemar d’Innsmouth. On peut évidemment s’arrêter au côté New Age des rites et ne pas chercher à comprendre à quoi tout cela rime. Mais à bien y réfléchir, les rites ne sont que l’habillage symbolique d’une mécanique qui permet de garder cohérent un ensemble de personnes relativement différentes.

Mon sentiment final est mitigé, j’ai détesté les scènes d’horreur graphiques que j’ai trouvées inutilement réalistes, complaisantes, et qui m’ont rappelé les pires excès de Gaspard Noé, réalisateur dont je reconnais la démarche artiste, mais dont aucun film ne m’a jamais plu (ou « enrichi »). J’ai adoré la photo, l’ambiance, la mise en scène, l’humour noir, l’humour glauque, l’incroyable scène de sexe, audacieuse dans sa volonté de tout montrer, y compris des corps saccagés par le passage du temps. Résolument, une des plus originales de l’histoire du cinéma.

Seul Ari Aster est crédité au scénario, mais son Midsommar m’a semblé très (trop ouvertement) inspiré de The Wicker Man (1973), le classique de Robin Hardy (à voir absolument, si vous ne connaissez pas – il est regrettable d’ailleurs que The Wicker Man soit souvent commercialisé avec une jaquette qui spoile la fin du film).

Si vous avez l’estomac bien accroché, n’hésitez pas à visionner ce Midsommar. Ce n’est probablement pas totalement réussi, il faut un peu s’accrocher parfois (à cause de la longueur et de la complaisance dans les scènes d’horreur), mais c’est sans doute inoubliable malgré tous ces défauts (remarque qui peut s’appliquer à beaucoup de films de Lars Von Trier, on y revient).

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The Witcher – série télé – Netflix

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Dans cette première saison de la série Netflix The Witcher tu découvriras comment Geralt de Riv (le sorceleur) s’est trouvé lié avec Ciri. Tu découvriras comment il est devenu le boucher le Blaviken. Comment il a rencontré Jaskier, le pitoyable boy band à lui tout seul. Comment il tue des monstres un peu monstrueux, ne rechigne pas au sexe tarifé. Comment il s’est, le temps d’une mission, allié à un dragon. Tu découvriras aussi la naissance en tant que magicienne de Yennefer de Vengerberg. Tu ne comprendras peut-être pas grand chose tant l’ensemble te semblera décousu et mal fichu, mais il n’y avait peut être pas grand chose à comprendre…

Fan de la série de jeux vidéos The Witcher et surtout du troisième – Wild Hunt (La Chasse sauvage) -, je ne pouvais pas passer à côté de la série Netflix qui a disposé d’une promo rarement vue pour une production de ce genre (j’ai vu des affiches dans les rues de Paris).

Bon, n’y allons pas par quatre chemins : je me suis ennuyé (et je m’attendais à beaucoup de choses, mais pas à m’ennuyer). J’ai mis plus d’une semaine à venir à bout de l’ensemble ; j’avais plus de plaisir à annoter mon roman de septembre 2020 (La Marche du levant de Léafar Izen) qu’à replonger dans la série. Je suis allé au bout, parce qu’arrivé au mitan, j’avais tant pataugé dans la bière tiède et le sang frais que je ne me sentais plus de revenir en arrière et qu’il ne me restait plus qu’à aller de l’avant.

Les acteurs sont à côté, pour la plupart, complètement à l’opposé du standard qu’a involontairement établi la série HBO Game of thrones. Quand on voit Tyrion dans Game of Thrones, on voit Tyrion, pas un acteur qui l’incarne. Peter Dinklage est complètement dedans, comme le reste du casting. Dans The Witcher, on a globalement l’impression que ce sont des cosplayers venus du monde entier qui font joujou en marge d’une convention de fantasy. La médiocrité de cette nouvelle série n’a de cesse de nous ramener à Game of thrones qui s’impose comme l’aune à laquelle on n’échappera plus ; c’est comme ça, c’est pas de chance pour les nouveaux venus. Niveau production : costumes, décors, effets spéciaux, on n’est pas du tout au même niveau. On en est même très loin ; souvent The Witcher m’a rappelé ces pathétiques téléfilms de fantasy de trois heures, d’origine improbable, que M6 passait parfois au moment des fêtes. Parfois, au détour d’une scène de taverne, je me suis dit : « tiens des Bulgares font une fête médiévale, c’est rigolo, mais on sent que la bière n’est pas bonne ».

Et puis il y a la cerise sur le gâteau : Henry Cavill. Alors là, j’avoue, je ne comprends pas. Oui… il est musclé, mais Kevin Sorbo aussi, et avec des cheveux blancs il aurait sans doute fait un meilleur sorceleur (c’est dire). Et ne parlons pas de l’hypothèse Mads Mikkelsen, qui ne fait qu’1m83, certes, mais même bourré à la codéine aurait fait un Witcher nettement plus pervers et convaincant.

Une seconde saison est déjà sur les rails ; ce sera sans moi.

Maintenant j’attends le reboot.

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