Nocturnal animals, Tom Ford (2015)

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Une directrice de galerie d’art, Susan (Amy Adams), a des problèmes de couple avec son mari (qui la trompe, bien évidemment). Un jour elle reçoit en avant-première le premier roman de son premier mari, ce qui fait beaucoup de premières choses pour une seule phrase.

Susan commence à lire le manuscrit et découvre l’histoire terrible d’une agression dans l’ouest du Texas, d’un homme lâche (mais l’est-il vraiment ?), interprété par Jake Gyllenhaal, qui va tout perdre en une seule nuit.

Bon je n’en attendais rien de particulier, je l’avais acheté d’occaze en blu-ray chez mon revendeur habituel, car j’aime bien Gyllenhaal et je pense avoir vu tous les films dans lesquels il a joué ou presque… Je ne savais pas du tout de quoi ça parlait et je n’ai même pas pris le temps de lire le résumé sur la jaquette.

Et là c’est le drame : ce que j’ai vu était d’une profondeur et d’une puissance, incroyables, qui me semblait-il avaient presque totalement déserté le cinéma américain. Nocturnal animals est presque aussi rude à regarder que le Délivrance de John Boorman (il y a d’ailleurs quelques points communs), mais si on a le cœur bien accroché il ne faut pas hésiter… C’est du grand cinéma.

Brightburn, David Yarovesky (2019)

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(A l’origine, j’ai choisi ce film dans ma PàM – Pile à Mater – parce que je voulais un navet pour me détendre).

Les Brewer habitent une ferme en périphérie de Brightburn. Ils aimeraient avoir un enfant, mais ça ne marche pas. Une nuit une météorite s’écrase dans leurs champs et dedans ils ne trouvent pas Kal-El, mais un bébé de sexe masculin qui va devenir leur fils Brandon.

Les années passent, Brandon n’est jamais malade, ne saigne jamais. Au moment de la pré-puberté, il se met à agir étrangement : il cache des précis anatomiques sous son lit, il a des crises de somnambulisme, ses parents le suspectent d’avoir tué les poules, puis il blesse une camarade de classe (après l’avoir désirée et effrayée). Comme le spoile l’affiche : Brandon Brewer n’est pas là pour sauver le monde.

Brightburn n’est pas un bon film, on ne peut pas dire ça. Sa vision suppose de suspendre son incrédulité à un niveau sans doute excessif. Difficile de croire que personne ne s’est intéressé à la chute d’une météorite dans la campagne américaine (il y a des chasseurs de météorites en France, il doit forcément y en avoir aux USA), difficile de croire à ce vaisseau spatial caché sous la grange des Brewer, mais il y a un mais : j’ai pris un grand plaisir à regarder ce petit film d’horreur, un plaisir coupable, comme quand vous regardez une série B mal foutue (et/ou fauchée) mais qui regorge d’idées et d’audace.

Des idées il y en a plein dans Brighburn, tout le jeu sur le personnage de Superman, les oppositions famille Kent / famille Brewer, Clark Kent / Brandon Brewer, les pouvoirs de Brandon et leur utilisation. L’introduction de la sexualité / pré-puberté dans un film de super-héros et/ou super-vilain.

Des audaces il y en a aussi, le personnage de la mère jouée par Elizabeth Banks que j’ai trouvée excellente, les scènes d’horreur qui envoient, mais pas pour rire, car Brighburn est un vrai film d’horreur (avec deux scènes à la limite du supportable). Le film est jusqu’au-boutiste, il avance vers sa conclusion comme un bulldozer (au mépris de toute surprise scénaristique). Il dit des choses intéressantes sur le fait d’être parents aimant d’un enfant qui tourne mal sans qu’on puisse y faire quoi que ce soit (cette facette du film ne vaut évidemment pas le glaçant We need to talk about Kevin). Il dit des choses intéressantes sur la dualité acquis/inné, le pouvoir, le désir, la morale, avoir les moyens (ici surnaturels) d’assouvir ses soifs.

Brightburn m’a fait penser au cinéma de Larry Cohen, qui n’a jamais été un grand cinéaste, mais a réalisé quelques films « boules puantes » assez croquignolets, à la fois ridicules et mémorables, dans le sens où on ne les oublie pas. Le meilleur exemple reste sans doute Le Monstre est vivant (1974) qui entretient plusieurs liens avec Brightburn. Pour rigoler vous pouvez aussi regarder son Epouvante sur New York (Q en VO) où un monstre ailé mord à pleines dents dans la grande pomme.

Je ne sais pas si les scénaristes ont fait exprès (en fait, j’ai un gros doute sur la question), mais il y a un ou deux passages du film qui m’ont renvoyé directement à La République de Platon (et ce n’est pas tous les jours que je pense à La République en matant un film d’horreur).

« L’âme possède deux fonctions: l’une est raisonnante, l’autre désirante (irraisonnée). La fonction raisonnante doit commander à la partie impétueuse. La fonction médiatrice, ou tempérance, doit soutenir le parti de la raison. »

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Dust Devil, Richard Stanley (Limited collector’s edition)

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« Back in the first times, in the time of the red light; the desert wind – Soo-oop-wa – was a man like us. Until, by mischance, he grew wings and flew… like a bird. He became a hunter, and like a hawk, he flew to seek his prey; taking refuge in those far corners of the world where magic still lingers in the earth. But having once been a man, so does he still suffer the passions of a man. flying into rages sometimes, and throwing himself down like a child, to vent his wrath upon the earth. The people of the great Namib – me and my ancestors before me – we have another name for those violent winds that blow from nowhere. We call them, ‘Dust Devils’. »

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Il y a quelques jours c’était mon anniversaire et comme on est jamais mieux servi que par soi-même, je me suis offert le coffret Dust Devil qui vient de sortir chez Koch films. Le prix pique un peu, mais bon on ne vit qu’une fois.

L’objet est (en allemand, mais) très chouette. Il contient le film évidemment (langue anglaise, sous-titres anglais sont présents et ça me va tout à fait), mais aussi trois documentaires, un cd, des tonnes de bonus. Je ne vais pas mentir : j’ai galéré dans les menus en allemand, mais j’ai quand même réussi à m’en sortir, donc 99,99% de la planète devrait aussi y parvenir.

Dust Devil est un de mes films préférés ever. On y voit un démon africain à l’œuvre, les scènes de crime qu’il transforme en œuvres d’art. On y suit une jeune sud-africaine déboussolée qui met le cap sur la mer à travers les paysages désertiques de la Namibie et on y suit un policier (le trop rare Zakes Mokae, malheureusement décédé en 2009) qui essaye d’élucider des meurtres rituels qui bouleversent sont cartésianisme.

Le film n’est pas exempt de défauts, il y a une ou deux scènes où les acteurs sont « à côté », une scène onirique un peu kitsch qui semble très Hammer, dans un film qui ne l’est pas du tout. Mais Richard Stanley est souvent éblouissant dans sa mise en scène. Il réussit à faire passer tout le côté métaphysique / ésotérique de son projet, notamment lors de la découverte de la première scéne de crime et pendant les scènes de fin. C’est un tour de force, tant les films sur la magie / l’occultisme sont souvent ridicules. On pense parfois aux meilleurs films de Nicolas Roeg, ce qui n’est pas le moindre des compliments.

Incontournable.

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The final girls, Todd Strauss-Schulson (2015)

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Amanda Cartwright (Malin Akerman, lumineuse) a toujours voulu être une star, mais son premier rôle dans le slasher Camp Bloodbath (que les Québécois traduiraient sans doute La colonie de vacances bain de sang) la poursuit. Elle y jouait une monitrice vierge bien décidée à perdre son pucelage avec le gros con du camp (Adam Devine, à la fois hilarant et repoussant).
Un jour où elles reviennent d’un casting encore foiré, Amanda et sa fille Max (Taissa Farmiga, formidable de bout en bout) ont un accident de voiture. Seule Max survit.
Quelques années plus tard, Max accepte d’assister à une projection commémorative et festive de Camp Bloodbath devenu un film-culte. Alors qu’un début d’incendie perturbe la séance, Max et ses amis se retrouvent prisonniers du film. Oui oui, vous avez bien lu : prisonniers du film. Max réussira-t-elle à sauver Amanda (donc le personnage qu’incarne sa mère) d’une mort certaine ? Elle et ses amis réussiront-ils à se débarrasser du terrifiant tueur à la machette : Billy Murphy ?

The Final Girls est un hommage sincère et joyeux à la saga Vendredi 13. Ça aurait pu être une machine à cash hollywoodienne bête et méchante, mais au final c’est tout le contraire : une lettre d’amour envoyée à un mauvais genre, une comédie horrifique pleine de tendresse et de trouvailles scénaristiques. Le début est certes un peu maladroit, ou j’menfoutiste, il est surtout « fonctionnel », il permet de projeter une bande de jeunes amis dans les entrailles nauséabondes d’un mauvais film d’horreur. Disons qu’on l’accepte sans mal, comme on accepte bien obligé les restrictions rédigées en corps 7 d’un contrat d’assurance.

The Final Girls est une jolie surprise. Une vraie bonne surprise, contrairement au pull à rayures que vous offre tante Agathe à chaque Noël. On est beaucoup plus près du registre de Pleasantville de Gary Ross que du pathétique Scary Movie de Keenen Ivory Wayans.

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(Film vu en blu-ray, l’édition toutes zones de Sony Pictures Home Entertainment, avec langue française et sous-titres français pour ceux que ça intéresse.)