Waco, série TV – Drew & John Erick Dowdle (2018)

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On a tous vu ces images : un immense bâtiment qui brûle au milieu des plaines du Texas. Après plus de cinquante jours de siège, la secte des Davidiens, la secte de David Koresh part en fumée, une tragédie qui a fait des dizaines de morts, dont dix-sept enfants. En fait tous ceux qui étaient présents sur les lieux au moment de l’assaut du FBI.

Il était inévitable que les Américains tournent une série sur cet épisode peu glorieux de leur histoire récente.

La première chose qui frappe ici c’est le casting, impeccable. Taylor Kitsch qui incarne un David Koresh à la fois horrible et capable d’une puissante bienveillance. Michael Shannon dans le rôle du négociateur du FBI, humain, trop humain. Rory Culkin qui incarne David Thibodeau, un des survivants de la tragédie. Shea Wigham, toujours aussi impressionnant, qui joue le rôle du chef tacticien du HRT (hostage rescue team), un homme ambitieux, mais aussi sans doute un peu trop avide d’action.

La seconde chose qui frappe c’est le contenu politique de la série. Législation sur les armes, législation sur le mariage au Texas (à partir de 14 ans), défiance envers l’état fédéral, liberté de culte. Pour un européen, le tissu politique de la série est proprement hallucinant. Gary Noesner, incarné par Michael Shannon, est un exemple assez parfait de liberal bienveillant, on l’imagine bien voter démocrate et discuter des vertus de l’Obamacare avec ses amis qui votent républicain. Il est la voix de la raison, la médiane, entre les fanatiques religieux, les libertariens amoureux de leurs fusils d’assaut et les partisans d’un FBI armé de tanks, qui en impose à tous les voyous du pays. Personne n’est épargné par la série, ni les modérés, ni les libertaires, ni les fanatiques religieux. Et en même temps, personne n’est montré sous un jour unique, totalement négatif, même pas David Koresh.

Rapidement, on est en droit de s’interroger sur ce que nous montre la série tant cette histoire de fois a l’air plus compliquée que : d’un côté « une bande de chrétiens frappadingues armés jusqu’au dents mené par un gourou pédophile » et de l’autre « le gentil FBI a fait tout ce qu’il a pu, mais bon y’a eu un pépin ». C’est passionnant de voir l’accumulation d’erreurs, de part et d’autre, qui a mené à la tragédie. Waco est une série à thèse. On y assiste à une remise en question de la version officielle et cette remise en question est si brutale, si hargneuse, qu’elle n’est pas désagréable à regarder, mais proprement dérangeante. Et toute la cogitation engendrée n’en est que plus salutaire. On est très proche de la théorie du complot, mais sans y être. Attention terrain miné. L’ensemble m’a rappelé le grand cinéma politique de Sydney Lumet (Serpico, Une après-midi de chien), celui de John Schlesinger (Le Jeu du faucon), d’Alan J. Pakula (Les Hommes du président).

Certains reprocheront sans doute aux réalisateurs d’être trop bienveillants avec la secte, mais justement c’est peut-être davantage en nous-même qu’en ce qu’on nous montre que repose le nœud de notre embarras : car on nous montre des gens qui aiment leurs enfants, qui ont des croyances différentes des nôtres, qui sont menés par un prédateur sexuel qui est en fait plus un père polygame qu’un pédophile, on nous montre des croyants soudés qui entassent 200 000 dollars de fusils d’assaut, masques à gaz, et jouent du rock pour faire la fête. Tout ça est trop contrasté, pas assez cohérent pour être acceptable, l’ennemi n’a pas un visage détestable, plein et entier.

Si l’état du Texas n’acceptait pas les mariages à partir de 14 ans et si les États-Unis n’étaient pas aussi dingues de flingues, peut-être que tout ça ne serait jamais arrivé, peut-être. D’ailleurs le motif des femmes mariées / enceintes trop tôt est récurrent dans la série : la mère de Koresh, la mère de Thibodeau, les deux premières épouses de Koresh.

Très critiquée aux USA (on ne peut pas parler de série patriotique), Waco met mal à l’aise de façon durable. Cette série est extrêmement bien écrite, notamment au niveau des personnages. Ils sont malmenés, complexes, souvent lâches. Ils sont à notre image.

Skull Island

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Pendant la Seconde guerre mondiale, un pilote américain et un pilote japonais s’écrasent sur une île du Pacifique protégée du monde extérieur par un « vortex cyclonique permanent ». Ils commencent à s’entretuer, quand un adversaire plutôt impressionnant les convie plutôt à allier leur forces.

En 1973, alors que la guerre du Viêt-Nam prend fin, un escadron d’hélicoptères est envoyé sur Skull Island pour cartographier l’île, mais Bill Randa (John Goodman), un civil qui s’est greffé à l’expédition, a d’autres plans. Il sait que les monstres existent. Et son bras droit, Houston Brooks, lui sait que la Terre est (partiellement) creuse.

Quand vous regardez un film avec un gorille de trente mètre de haut (ou vingt ou quarante, on ne sait pas trop selon les plans – en tout cas il est haut comme un immeuble, c’est juste la taille de l’immeuble qui varie), il faut évidemment suspendre son incrédulité dès le départ. Et ne pas trop s’étrangler en voyant un « cargo porte-hélicoptères » (!) s’élancer à l’aventure depuis le port de Bangkok (qui est un port fluvial, sur le Chao Praya), plutôt que de Subic Bay aux Philippines.

Une fois que vous avez compris que ce n’importe quoi va être un joyeux n’importe quoi bourré de morceaux de bravoure et de références jusqu’à la gueule… alors tout va bien.

Dans le désordre :

– un pilote japonais et un pilote américain sur la même île du Pacifique (Duel dans le Pacifique de John Boorman).

– Le personnage interprété par Tom Hiddleston s’appelle James Conrad

– A un moment, on remonte un fleuve en bateau.

(Cela dit, le Colonel américain au crâne rasé ne s’appelle pas Kurtz mais Packard.)

Le film réserve des moments graphiques magnifiques, toutes les scènes dans l’épave, et fonctionne comme une BD, un vieux Tintin relooké soft-gore façon Indiana Jones.

On retrouve presque le charme des vieux films d’aventures en noir et blanc des années 30 : King Kong (évidemment), Les Chasses du comte Zaroff ou, plus tardifs, Le monde perdu d’Irwin Allen (1960), la version de 1950 des Mines du roi Salomon avec l’excellent Stewart Granger.

Skull Island n’est pas un grand film, mais comme divertissement 100% « comics », c’est presque aussi bon que le premier Hellboy de Del Toro. Avec une mention spéciale à Shea Whigham, un acteur vu dans les séries Boardwalk Empire, Fargo (et dans le rôle de Philip K. Dick) qui n’a de cesse de monter en puissance.