Infinity pool, Brandon Cronenberg (2023)


Un écrivain en panne, James Foster (Alexander Skarsgård), et sa femme Em (Cleopatra Coleman), fille d’un riche éditeur à succès, passent des vacances sur une île, La Tolqa, qu’on supposera européenne (quelque part dans l’adriatique) et qui, on le suppose facilement, se remet mal d’une longue période de communisme à la Nicolae Ceaușescu. Cette île est très pauvre et donc les Foster ont interdiction de sortir de leur complexe hôtelier de luxe, évidemment pour leur propre sécurité. A l’hôtel, James est abordé par Gabi (Mia Goth) qui semble être sa seule fan sur la planète et une des rares personnes à avoir apprécié son premier roman. Gabi et son mari proposent à James et Em de faire une virée sur la côte le lendemain. Pendant cette virée, l’alcool aidant, un accident mortel a lieu. Ce qui va permettre à James de découvrir l’étonnant système judiciaire de La Tolqa (et je m’arrête là… pour ne pas divulgâcher le premier choc d’un film qui en réserve bien d’autres).

Ceux qui ont détesté Possessor auront peu de chance d’apprécier Infinity Pool. Le film est loin d’être parfait (s’il avait été parfait sur le plan des effets spéciaux, par exemple, il y a fort à parier qu’il serait devenu graphiquement insupportable ou du moins extrêmement éprouvant). Mais il est traversé par des parti-pris très forts et nourri d’influences toutes aussi fortes (David Cronenberg, David Lynch, Orange mécanique, The Wicker Man…). C’est un film, cérébral en diable, qui fait réfléchir beaucoup sur la morale, le désir, la justice, la réparation pénale, le couple, le sexe, le double, la fidélité… et la violence. Les scènes de violence sont grotesques dans le sens grand-guignol, le sang ne ressemble pas à du sang, les plaies ne ressemblent pas à des plaies, un crâne fracassé évoque plus une illusion latex de crâne fracassé qu’un véritable bloc de chair, de cervelle, d’os et de sang (tout ça nous ramène aux premiers films de Cronengerg père, et notamment à son excellent Videodrome). Brandon Cronenberg a un rapport à la violence que je considérai comme inverse à celui de Scorsese : chez Scorsese la violence à tendance à tangenter l’ultraréalisme. Cronenberg Jr semble nous dire tout le temps : « vous assistez à un spectacle, la question n’est pas de savoir si il est réel ou réaliste, car il est volontairement grotesque, la question est plutôt de savoir dans quel coin de votre cerveau ce spectacle particulier vous a pris par la main et vous a attiré. »

Mia Goth fait une performance assez surprenante, elle utilise toute sa palette d’actrice, jouant la femme fatale, le clown hystérique, la cruche, l’intriguante, la baiseuse de compétition, la déesse de la mort, la manipulatrice immature, la possessive. D’ailleurs le traitement réservé au sexe (avec gros plan de sexe en érection, d’éjaculation) n’est pas fondamentalement différent de celui appliqué à la violence. Alexander Skarsgård est plus en retrait, dominé par Gabi, sexuellement, intellectuellement et surtout sur le plan de la détermination. Pendant deux heures on voit une femme, qui sait précisément ce qu’elle veut, jouer avec un homme qui l’ignore et n’est peut être pas prêt émotionnellement à le découvrir.

Le film est long, presque deux heures, mais je ne m’y suis pas ennuyé, il y a tellement à voir (mise en scène), à ressentir (excitation sexuelle, dégoût, humour), réfléchir (dimension morale). C’est sans doute la dimension la plus surprenante du film : il y a un humour très noir, très fort (et parfois très intellectuel/référentiel) distillé tout au long du film, même dans ses scènes les plus extrêmes.

Infinity Pool est un film que je reverrai avec plaisir.

(Film vu en DVD zone 1, version uncut de 117 minutes)

Project Wolf Hunting, Hongsun Kim (2022)


Résumé (à ma manière) :

Les Philippines et la Corée du sud ont trouvé un accord d’extradition pour renvoyer au pays du matin calme un certain nombre de criminels, la plupart ultraviolents (tant qu’à faire). Le transport est prévu par avion, mais une des victimes d’un de ces criminels se fait exploser à l’aéroport provoquant un carnage (moi aussi, si je dois faire escorter quarante criminels de la France vers la Bulgarie, je pense à Orly en premier). Changement de plan, on va mettre les méchants dans un cargo, le Titan Frontier. Comme le monde est bien fait, dans ce même cargo se trouve la version japonaise de la créature de Frankenstein. Il est tout moche et ses yeux sont fermés par de très grosses agrafes en acier. Tout est sous contrôle, le médecin de bord doit anesthésier la chose toutes les six heures. Mais évidemment rien ne va se passer comme prévu (poil au cul – rime pauvre).

Mon avis (à moi que j’ai) :

Regarder un navet n’est pas forcément une perte de temps. Ça peut être rigolo, édifiant.

Là en l’occurrence j’ai trouvé le film ni rigolo ni particulièrement divertissant et pas vraiment édifiant. Le scénario semble être écrit par un enfant de huit ans, et pas celui qui siège au premier rang et énerve tous les autres parce qu’il a des bonnes notes dans toutes les matières y compris le sport. Tout est totalement débile et incohérent. Ensuite, le réalisateur (qui voulait sans doute être chirurgien ou Dexter quand il était petit) a un sens hémorragique particulier. Par exemple, si tu t’entailles le doigt avec ton épluche-légume monoprix en dépeçant une carotte innocente… c’est sept litres de sang qui vont gicler de la plaie, peut-être même huit. Si tu reçois un coup de marteau dans la tête (et putain il y en a des coups de marteau dans la tête dans ce film ! merci Old Boy) toutes les artères cérébrales sont touchées et la victime va perdre en quelques secondes entre trente-deux et trente-trois litres de sang. En cas d’éviscération, on peut monter à quarante-sept, quarante-huit litres. Bon, la première fois, c’est rigolo, ça surprend ; à la longue ça devient gonflant. Ajoutez à cela des personnages écrits à la tronçonneuse et une mise en scène, subtile, à la boule de démolition (moins Miley Cyrus à poil dessus).

J’imagine le réalisateur-scénariste, complètement surexcité (faut arrêter le kimchi, bonhomme, ça te fait pas que du bien), qui hurle chez ses producteurs : « on va faire le mash-up des Ailes de l’enfer et de Predator, ça va être dément ».

Bon, si vous voulez voir un film hémorragique, ultraviolent et complètement con, voilà un bon candidat.

Sisu : de l’or et du sang, Jalmari Helander (2022)


Ça commence un peu comme les 17 première minutes muettes de There Will Be Blood (2008) de Paul Thomas Anderson : un type qui ne décroche pas un mot, cherche de l’or en Laponie alors que la Seconde Guerre Mondiale prend fin. Il finit par trouver un bon filon, remplir deux sacs d’or et lever le camp, avec son cheval et son chien, frisé, qui ne ferait pas peur à une mouette malade (nous sommes minute 10). En chemin vers Helsinki, il croise un side-car nazi, deux camions (un plein de soldats, l’autre plein de « femmes de réconfort ») et un tank (c’est un modèle russe, la production n’avait pas de quoi s’offrir un tank allemand). Les soldats jaugent le chercheur d’or et le laissent passer en riant. Plus loin, notre vieux finlandais taciturne tombe sur un groupe de nazis retardataires qui, malheureusement pour eux, décident de lui chercher des poux dans la tête. Nous sommes à douze minutes (environ) de film et voilà déjà quatre morts au compteur. Rassurez-vous : ça ne fait que commencer, car le chercheur d’or n’est pas un vieux type comme un autre, on raconte qu’il a fait la Guerre d’hiver contre les Russes et qu’après avoir tout perdu il a renoncé à mourir.

Sisu est une coporoduction Finlande/Grande-Bretagne qui mélange film de guerre, film d’horreur, comédie et film de super-héros. Le générique de fin confirme ce qu’on comprend assez vite, c’est en film l’équivalent d’un comics indé outrancier, trash et complètement décomplexé (genre The Boys). Même si ce n’est pas du grand cinéma, on ne peut que saluer l’inventivité de la mise en scène (qui rappellera celle de Dead Snow de Tommy Wirkola) et le sens des paysages du réalisateur qui filme la Laponie comme Kevin Costner avait filmé l’Alberta pour Open Range (et c’est un vrai compliment). Autre surprise, Aksel Henni qui interprète l’inévitable méchant nazi, a choisi la carte de la sobriété plutôt que d’interpréter un x-ième officier SS pervers et hystérique, ce qui rend son personnage presque sympathique, surtout à mesure que ses hommes meurent dans d’atroces circonstances. Avec ce film, Jalmari Helander s’impose comme une sorte de Robert Rodriguez finlandais.

Sisu est improbable, gore, fun et de très mauvais goût. Donc : hautement recommandable.

L’Épée sauvage, Albert Pyun (1982)


Résumé éditeur (j’ai la flemme) :

Le tyrannique Lord Cromwell est prêt à tout pour conquérir le royaume d’Ehdan, même à  recourir à la magie noire. Avec l’appui du sorcier démoniaque Xusia de Delos, il parvient à anéantir ses ennemis et à neutraliser le roi Richard et sa famille. Seul son fils Talon réussit à échapper au massacre. Onze ans plus tard, le jeune homme, devenu un guerrier redoutable, est de retour au royaume où un complot contre Cromwell se prépare…

Mon avis :

Alors là dans le genre navet de fantasy héroïque, je pense qu’il est difficile de faire pire (n’hésitez pas à proposer des titres en commentaires). Acteurs tous mauvais (au minimum), effets spéciaux calamiteux mal cachés sous une brume artificielle, décors pourris, combats risible dignes du plus mauvais péplum philippin, problèmes de cohérence (je te transperce les deux mains avec des clous (c) Rocco Siffredi, et la scène d’après t’es tout réparé et tu te bats avec une épée de dix-sept kilos à trois lames fabriquée dans son garage par papy Wu qui aime bien traîner dans les décharges à ciel ouvert). Ce film est indubitablement extraordinaire, c’est une sorte de sous-sous-Conan le Barbare tourné en décors playmobil par un des pires réalisateurs de la planète : Albert Pyun.

A noter qu’il existe une suite, si si, qui reprend soit une partie du casting, soit une partie des personnages : Tales of an ancient empire. Eu égard à mes antécédents cardiaques, mon médecin traitant m’en a interdit le visionnage.

Pour une raison que je ne comprends pas bien, Carlotta films a sorti une édition steelbook de cette chose, à 25,00 euros quand même… alors que certains chefs d’œuvre du cinéma restent absolument introuvables en blu-ray. Pour être tout à fait sincère, j’ai voulu revoir le film avant d’investir. Verdict sans appel : je vais garder mon DVD de provenance douteuse, ça ira très bien.

Par ailleurs, je ne suis pas tout à fait sûr qu’on puisse faire une lecture féministe du film, même en ayant les idées larges.

65 – La Terre d’avant, Scott Beck & Brian Woods (2023)


Mills, pilote spatial de son état, part deux ans en mission pour payer le traitement de sa fille malade.

Petit détail : Mills n’est pas humain, ni Terrien, il vit 65 millions d’années avant notre ère. Mais bon il a l’air terrien et même très humain, car il est incarné par Adam Driver.

Alors qu’il est en mission, son vaisseau traverse un nuage de météorites et il se crashe sur la planète Terre. La suite du film nous apprend que sa région d’adoption par collision involontaire est la péninsule du Yucatán. Mills n’est pas le seul survivant du crash, il ne tarde pas à retrouver une gamine de neuf ans environ prénommée Koa, qui évidemment va lui rappeler sa fille Nevine.


65 La Terre d’avant c’est le retour perdant de la science-fiction des années 50, le ridicule est là comme il se doit, la poésie nettement moins. Déjà la météorite qui rebondit sur la carlingue du vaisseau au début du film, on s’étrangle, le scénariste n’a probablement jamais entendu parler du concept d’énergie cinétique. On s’étrangle d’autant plus fort que le vaisseau fait aussi du bruit dans l’espace. Dommage qu’il n’y ait aucune bataille spatiale contre un ptérodactyle de combat… on aurait eu droit à des piou-piou lasers. Bon après, évidemment ils s’écrasent sur une planète peuplée de dinosaures moches. Années 50, je vous dis (La planète oubliée de Murray Leinster, 1954). A un moment le héros se déboîte l’épaule, se remboîte l’épaule, et ça repart comme si de rien n’était : je tire au fusil, je grimpe à la corde, je fais du MMA avec un T-rex. Aparté sans intérêt : je me suis déboîté l’épaule au Cambodge il y a une vingtaine d’années (en tombant d’un bateau avec mon sac à dos de 20 kilos) et ce n’est pas du tout le souvenir que j’ai gardé de l’expérience, je suis bien resté dix jours avec le bras en écharpe. Mais bon, je suis un produit des années 70, ce sont les vingt années qui changent tout.

Bon revenons au film : écrit à la hache comme il se doit, avec des scènes d’émotion pas honteuses mais pas non plus inoubliables. Les scènes de tension sont assez artificielles et leurs résolutions la plupart du temps ridicules. Bon, quand l’ordinateur parle en kilomètres et en heures on se marre aussi.

Voilà un bon gros navet américain (45 millions de dollars de budget quand même) qui hésite entre le film familial et le film d’horreur et ne fonctionne dans aucun des deux registres.

Jukai, la forêt des suicidés, Takashi Shimizu (2021)


Bon, ça faisait un moment que je n’avais pas fait une petite critique sur ce blog et j’y reviens avec un film d’horreur qui ne m’a pas du tout convaincu.

Ce film se base sur une triste réalité japonaise : l’existence au pied du mont Fuji d’une forêt (par ailleurs magnifique) de 35 km2 où certains japonais viennent se suicider : Aokigahara. L’endroit est devenu tristement célèbre quand le vidéaste américain Logan Paul y a filmé un jeune Japonais qui venait de s’y suicider, et a manqué de respect envers la victime, affaire qui a eu de nombreux retentissements et a été très mal vécue du côté japonais.

Aokigahara a déjà été mise en scène dans un film, Sea of trees de Gus Van Sant (que je n’ai pas vu, notamment parce que les critiques étaient assassines).

Mais revenons à Jukai. Le film commence par le sauvetage de deux gamines perdues en forêt par un vieil homme qui semble en savoir long sur l’endroit (la star japonaise Jun Kunimura). Puis nous suivons une youtubeuse qui explore la forêt en direct live (ce qui nous ramène à Logan Paul, sus-cité). Et enfin nous suivons un groupe de jeunes qui emménagent dans une maison en bordure de forêt et trouvent une boîte en bois sous le pallier (on se demande comment ils peuvent se payer une telle maison, surtout au Japon où le prix de l’immobilier est démentiel ; rassurez-vous ça n’est jamais expliqué). Bon, tout ça pourrait fonctionner, mais la volonté du réalisateur de faire son The Strangers de Na Hong Jin est tellement limpide qu’elle pulvérise tout. Takashi Shimizu reprend un des acteurs du film coréen, Jun Kunimura, reprend le thème du lieu marqué par le passé Goksung/Aokigahara et même la scène d’exorcisme, qu’il foire totalement, là où Na Hong Jin filmait une des scènes les plus fortes du cinéma contemporain.

Régulièrement ridicule, Jukai est un bon gros navet japonais.

Knock at the cabin, M. Night Shyamalan (2023)


Une enfant joue dans les bois, elle attrape des papillons, des sauterelles, qu’elle met dans une grande jarre en verre. Cette gamine d’origine asiatique qui a été opérée d’un bec de lièvre s’appelle Wen. Dans la maison, ses deux papas adoptifs (hé oui), Eric et Andrew, boivent un verre en discutant. Un homme arrive pour discuter avec Wen, Leonard, une sorte de bon gros géant tatoué. Il lui dit qu’il va se passer des choses très dures, mais qu’il n’y a aucun moyen de l’empêcher, que c’est nécessaire. Le géant est alors rejoint par un autre homme et deux femmes, portant d’étranges armes dans le plus pur style new medieval castorama (je me permets de (c) l’expression). Bon, on se demande bien pourquoi la gamine flippe, les papas se barricadent. Et les quatre étrangers nous la font Home Invasion for the Dumbs. Après un peu de suspense hollywoodien, trois fois rien, je vous rassure, les méchants ligotent les gentils et leur disent : « voilà si l’un de vous ne se sacrifie pas, c’est la fin du monde. Et il doit être assassiné (celui qui se sacrifie, pas le monde) ».

M. Night Shyamalan a encore frappé, produisant un de ces navets incroyables dont il a le secret depuis à peu près… ben tout le temps, à bien y réfléchir. Comme d’habitude, il mélange de bonnes idées, de bons acteurs et des ingrédients profondément navrant, avant d’ajouter dans ce cas précis un soupçon de trahison (plutôt gros, le soupçon) du matériel littéraire d’origine.

J’ai gloussé pendant une heure et quarante minutes. On va dire que c’est thérapeutique. Rupert Grint fait très très mal le bouseux américain (faudrait qu’il y ait un permis pour ce genre de rôle : « non, Gilles Lellouche (acteur choisi au hasard), tu peux pas faire le bouseux américain, t’as pas la gueule, t’as pas l’accent. »). Tout le truc apocalyptique est à pisser de rire, comptez trois changements de caleçon minimum (et encore si vous ne buvez pas de bière pendant la projection ; évitez le jus de pomme). Étonnamment, Dave Bautista (à la voix reconnaissable entre toutes) est vraiment dans le ton. Mais cette soupe chrétienne, pleine de grumeaux malodorants, reste pour le moins en travers de la gorge. Nausées assurées.

(J’espère que Paul Tremblay a eu un très très gros chèque, avec au moins six zéro au cul du premier chiffre, parce que franchement, sinon, c’est un peu la loose).

Attention navet !

PS : Je savais bien que j’avais oublié un truc. Ce film m’en a rappelé un autre : La Septième prophétie de Carl Schultz (1988) avec Demi Moore et Michael Biehn. C’est un peu la même histoire, quand même…

Le Vent de la violence, Ralph Nelson (1975)


C’est une adaptation du roman de Peter Driscoll, La Conspiration Wilby, autrefois publié chez Fayard. D’ailleurs le titre VO c’estThe Wilby Conspiration (quelle surprise !) qui est beaucoup plus proche du film que le titre français, particulièrement idiot.
On est en plein Apartheid. Une avocate réussit à faire relâcher un activiste noir (Sidney Poitier). Accompagnée de son amant (Michael Caine), elle propose à son client d’aller fêter ça avec une coupe de champagne. Sur le chemin, ils sont arrêtés par des policiers bornés. Michael Caine résiste, scandalisé par l’attitude des policiers, et « signe leur arrêt de mort à tous les trois ». En fuite, les deux hommes décident de faire ensemble la route jusqu’à Johannesburg (1500 km depuis Le Cap).
Ils sont poursuivis par un afrikaner retors, le Major Horn interprété par Nicol Williamson, le Merlin d’Excalibur.
C’est peut-être pas un grand film, mais j’ai trouvé que c’était vraiment très chouette, qu’il y avait de nos jours quasiment plus de films d’aventure de ce genre. Il y a quelques morceaux de bravoure « africains » et j’avoue que la fin m’a laissé comme deux ronds de flan.
C’est du Ralph Nelson (Soldat Bleu), le ton est particulier, on oscille entre la comédie et l’horreur sociale pure et dure.
(Easter egg : Rutger Haueur est le cocu de l’histoire, et il est… mortel dans le rôle.)

Je conseille.

Men, Alex Garland (2022)


Harper (Jessie Buckley) vient de perdre son mari. Après une énième dispute, il est tombé de l’appartement du dessus. Elle l’a vu passer, l’air surpris. Suicide ou accident, elle ne sait pas. Il venait juste de la menacer de se suicider si elle demandait le divorce. Harper quitte Londres pour louer un (petit) manoir dans le village de Cotson, à quatre heures de route. A peine arrivée, les faits étranges commencent à s’accumuler. Elle est poursuivie par un vagabond (nu) qui tente d’entrer par effraction dans sa maison de location. Et toute discussion qu’elle entame avec un homme du coin finit par prendre une tournure désagréable.

Dire que Men est un film étrange est pour le moins insuffisant. C’est un film d’horreur qui fait penser à Antichrist de Lars Von Trier, certains aspects du cinéma de Nicolas Winding Refn et les premiers films, très organique, de David Cronenberg. On y rencontre L’homme Vert, sculpté dans les édifices sacrés, mais aussi en chair et en feuilles.

« L’Homme vert signifie l’irrésistible vie […] Il est une image issue des profondeurs de la préhistoire ; il apparaît et semble mourir puis, après un long temps d’oubli, il revint a plusieurs reprises au cours de ces derniers deux mille ans. De par ses origines, il est bien plus ancien que notre ère chrétienne. Sous toutes ses formes, il est une image de renouveau et de renaissance. » William Anderson

Men est un film qui jouit de nombreuses qualités : la photo est superbe, notamment durant les scènes de forêt et celle du tunnel ; l’interprétation de Jessie Buckley est assez épatante. Mais ce qui retient surtout l’attention, c’est le jusqu’au-boutisme du réalisateur, sa volonté de mettre mal à l’aise, de secouer, notamment lors de la dernière séquence, cauchemardesque, hallucinante et qui risque de laisser plus d’un spectateur sur le carreau. Ce jusqu’au-boutisme est contrebalancé par certains aspects « ludiques », un peu incongrus (je ne spoile pas). A priori, les ingrédients sont bons, puissants, sauf qu’à vouloir mettre mal à l’aise ses spectateurs tout en jouant avec eux, Alex Garland finit par brouiller le message (les messages ?) de son film (qui par bien des aspects reste obscur). Dommage qu’on ne comprenne pas trop où veut en venir le réalisateur, qui se permet une ou deux scènes qui devraient – cerise sur le gâteau – faire péter les plombs de n’importe quelle féministe, même modérée.

Techniquement impressionnant, écartelé entre deux registres antagonistes, Men semble au final terriblement vain. La scène du tunnel et la scène finale marquent durablement. Ça ne suffit malheureusement pas à faire un film réussi.

Freaks out, Gabriele Mainetti (2021)


Italie. Seconde Guerre mondiale.

Israël tient un cirque de monstres. S’y produisent un loup-garou à la force herculéenne, un (faux) albinos qui maîtrise les insectes (sauf les abeilles, car elles le gonflent), un nain magnétique (qui a une certain propension à la masturbation à toute heure du jour et de la nuit) et une jeune fille électrique qui allume des ampoules en se les mettant dans la bouche, au creux de la main, etc.

Pendant une attaque, une bombe tombe sur le cirque et le gagne-pain de tout ce petit monde part en morceaux (avec une partie des spectateurs). Ils décident alors de se rendre aux USA pour recommencer leur vie. Israël part avec l’argent et disparaît. Il ne revient pas. Le loup-garou décide lui de rejoindre le cirque Berlin à Rome, tenu par un pianiste nazi à six doigts qui voit le futur en s’intoxiquant à l’éther. La fille électrique elle part à la recherche d’Israël.

Si vous aimez les films de guerre sérieux, évitez à tout prix celui-ci. On est clairement dans le registre des comics… quelque part entre Hellboy pour la fascination pour l’ésotérisme nazi et The Boys pour le côté mauvais goût exacerbé, levrette avec une femme à barbe, giclées de sang et autres. Sans parler des anachronismes divers et variés. Le film empile les références : Affreux, sales et méchants, Fellini (si si), Hellboy déjà cité, Quentin Tarantino (en fait, il est impossible de toutes les repérer / citer). Son méchant est à la fois ridicule, fou, pathétique, flamboyant. La fascination du réalisateur pour les croix gammées, la branlette compulsive et le velours rouge est un peu épuisante sur 2h20. Néanmoins, on prend un immense plaisir à voir ce truc improbable qui ose tout, y compris des moments de pure poésie.

Je conseille, et les deux morceaux musicaux (Franz au piano) sont tout simplement époustouflants.