Automnal, Chris Shehan (dessin), Daniel Kraus (scénario)


Résumé éditeur :

Bienvenue à Comfort Notch, la ville où les automnes sont flamboyants et les mystères sanglants.

Kat et Sybil sont de retour à Comfort Notch, espérant y trouver une nouvelle vie plus stable. Mais le passé de Kat et de sa mère tout juste décédée, autant que celui de la ville sont troubles et en revenant sur les lieux de son enfance, elle va devoir y faire face. Il semble que la ville ait une gardienne bien exigeante, Kat et Sybil seront-elles prêtes à payer le lourd tribut demandé ? La sorcière des comptines des enfants serait-elle réelle ? Et ce feuillage d’automne présage-t-il de quelque chose de plus terrible ?

S’inscrivant dans la nouvelle vague des récits horrifique américains, Automnal tient autant du folk horror des films The Wicker Man et Midsommar que des écrits de Richard Matheson et Stephen King. Sous la plume du romancier Daniel Kraus, connu pour son travail avec Guillermo Del Toro (La forme de l’eau, Trollhunters), Automnal redonne du sens au terme roman graphique en portant le récit d’horreur dans les hautes sphères de l’angoisse psychologique, en offrant la part belle à des personnages crédibles. Cela accompagné par le trait gras et puissant de Chris Shehan et du génie de la couleur Jason Wordie.

Mon avis (mitigé) :

Automnal est un comics en huit épisodes (rassemblés en un beau volume unique par 404 Comics) qui tient la route sur les six premiers épisodes (et sombre / s’affadit ensuite). Le personnage de Kat est bien développé, au détriment de celui de sa fille Sybil qui disparaît un peu du récit une fois qu’elles sont arrivées à Comfort Notch. L’éditeur met en avant, en quatrième de couverture, l’hommage à Wicker Man, oui évidemment, mais Wicker Man est un film anglais de 1973, et Automnal prend sa source dans un folklore purement américain qu’on retrouve dès les années 40 chez Ray Bradbury dans une série de nouvelles fantastiques automnales qui se passent non loin de Chicago (d’où viennent Kat et Sybil) et dans une nouvelle de Shirley Jackson qui a beaucoup marqué Stephen King, « La Loterie » (1948), archi-connue, à juste titre (on pourrait d’ailleurs remonter encore davantage le fleuve du temps et citer Algernon Blackwood (1869-1951) et Washington Irving (1783-1859)). Si ce comics peut surprendre un public qui n’a pas cette culture folklorique américaine, malheureusement il échouera à surprendre les lecteurs de Ray Bradbury, Shirley Jackson et Stephen King et ne restera donc qu’à un niveau d’hommage sincère et correct, pas transcendant. Personnellement, j’ai regretté le manque de poésie de la fin, il y avait sans doute matière à faire quelque chose de moins full frontal, de plus subtil.

Le dessin de Chris Shehan fait le job, mais verse un peu dans la série B bas de gamme lors des scènes les plus « graphiques ». Avant le déferlement de violence, il y a de très belles planches automnales et mélancoliques, un registre où le dessinateur me semble clairement plus à l’aise.

PS : C’est un détail, mais à deux trois endroits j’ai bugué sur la traduction française, notamment face à un « équinoxe d’hiver » particulièrement malheureux.


Flesh Empire, Yann Legendre (Casterman)


Résumé éditeur :

Ce monde a pour nom Singularity. Il est contrôlé par un Sénat tout puissant, qui ordonne les existences en stockant la mémoire de chaque résident au sein de DataCenter, une gigantesque base de données. À tout moment, la mémoire des résidents peut être déconnectée, et leur existence effacée à jamais… Décidé à lutter contre cette dictature, le chercheur Ray Zimov développe en secret une matière permettant à chaque résident d’éprouver une sensation jusqu’alors inconnue : le plaisir de la chair…Inventeur de formes kaléidoscopiques, Yann Legendre repousse les limites du noir et blanc et renvoie le lecteur à des questionnements contemporains : le contrôle social, le Big Data ou encore l’intelligence artificielle…

Mon avis (mitigé) :

Drôle de bande-dessinée qui tangente le livre de belles images, car il faut le savoir le scénario de cette BD est mince, très mince. On ajoutera à l’écueil de ce scénario anorexique des pages complètes en anglais (un poème de Norman Spinrad, si j’ai bien compris) et un choix de vocabulaire assez peu convaincant, façon novlangue qui part dans le mur. On pourrait rapprocher l’histoire d’une certaine SF de Greg Egan (je pense à La Cité des permutants), mais Yann Legendre même s’il croit sans doute le contraire ne fait pas vraiment de la science-fiction. Flesh Empire est une allégorie un peu boiteuse, où il parle de la société de surveillance, du Big Data et de l’intelligence artificielle, mais tout cela dans le but de célébrer la vie et la chair, davantage que de pousser une réflexion nécessaire pour ne pas dire salutaire. A bien y réfléchir, rien de tout ça ne fonctionne vraiment et la pirouette finale qu’on voit venir de très loin est au mieux embarrassante. Mais, car il y a un mais, le travail graphique est sidérant, certaines images sont purement incroyables. Si Legendre avait réussi à se débarrasser totalement de sa panoplie de références (pour la plupart datées) et avait poussé l’effort jusqu’à nous proposer un monde radicalement différent (rattaché en rien au nôtre), sans doute aurait-il livré une BD sidérante de A à Z (et sa fin aurait eu alors un autre sens). En l’état, c’est loupé.

Si je ne suis pas convaincu par le Yann Legendre scénariste, par contre le dessinateur est stupéfiant, c’est une sorte de fils spirituel de Moebius et Charles Burns. Sans oublier Maurits Cornelis Escher.

2/10 pour le scénario, 9/10 pour le dessin.