The Predator, Shane Black (2018)

olivia

 

Heu… reboot… reboot… essayons de remettre ses neurones en ligne.

Donc, ça commence au Mexique, un gentil (?) predator se crashe au moment où le tireur d’élite Quinn McKenna (Boyd Holdbrook) essaye de libérer deux otages. C’est pas de bol, franchement : un ET arrive du bon côté du mur de Trump et c’est pile-poil au milieu d’une fusillade impliquant l’armée américaine et des narcotrafficants. L’opération « sauvons les otages » part en sucette, grave : les hommes de McKenna sont tués et le predator perd son casque et un truc dans lequel on peut glisser son avant-bras (je suis sûr que les Spartiates avaient des ustensiles de ce genre pour aller en boîte il y a fort fort longtemps). McKenna qui pense que personne ne le croira récupère le matériel extraterrestre et le fait envoyer aux USA par un barman mexicain (pendant que lui vide une bouteille de tequila haut de gamme). Cependant le colis qui devait arriver dans une boîte postale est remis au fils autiste de McKenna par le facteur, parce que ce crétin (McKenna, pas le facteur) a oublié de payer la facture de sa boîte postale. Le gamin qui cumule les qualités de Rain Man, Forrest Gump et Stephen Hawking (du temps où il était vivant) découvre très vite comment faire marcher le casque et le bracelet spartiate. De retour aux USA, McKenna est interrogé par des men in black soupçonneux qui le mettent ensuite dans un fourgon cellulaire plein de soldats américains désaxés (c’est L’agence tous risques qui passe par la case prison, à peu de choses près). Après quelques péripéties aussi crédibles qu’un discours humaniste de Laurent Wauquiez, tout ce petit monde s’échappe pour retrouver le gentil Predator qui va menacer le fils autiste de McKenna (mais puisqu’on vous dit qu’il est gentil ! et que les méchants dans ce film ce sont ces vils et fourbes membres des forces armées américaines). Et voilà qu’un méchant predator (3 mètres 30 le bestiau, mais seulement quand il se tient bien droit) débarque avec deux chiens de chasse predator (oui, là, c’est dur de garder son sérieux – c’est vraiment pas le moment pour porter sa bière aux lèvres ou essayer de déglutir son morceau de pizza aux artichauts).

Et j’ai oublié de vous parler de la scientifique (Olivia Munn, en photo plus haut, oui oui c’est elle avec le lapin) qui est carrossée comme une Ferrari volée et qui débarque dans cette histoire un peu comme Stormy Daniels en string à une réunion d’évêques super solennelle intitulée « pédophilie et communication de crise ». Bon, après quelques millions d’explosions, de corps décapités et de blagues de cul pathétiques, une nouvelle famille américaine est fondée.

Shane, Shane, je sais pas ce que tu prends, mais faut que tu arrêtes ou que tu changes de fournisseur. T’as essayé la San Pellegrino, le Mirinda pamplemousse, le fiel de fugu, la pisse de hanneton ?

The Predator est un film de science-fiction affligeant, qui prend vraiment le spectateur pour un con (je n’ai pas fait la liste des problèmes de scénario du style le chien qui court aussi vite qu’un hélicoptère, la scientifique qui court en forêt aussi vite qu’un vaisseau spatial en chute libre… et j’en passe). J’ignore ce qu’on pourrait éventuellement sauver dedans (le cul d’Olivia Munn, sans doute, mais ce serait une remarque sexiste que je vais bien évidemment éviter d’un élégant saut de côté). Non, sincèrement là je vois pas. Je me sens sale : j’ai besoin d’une douche brûlante, d’un bain moussant, d’un soin exfoliant, d’un massage aux huiles essentielles. Si Olivia veut bien me frotter le dos, je crois que j’ai un lambeau de sais-pas-trop quoi encore accroché sous la ligne des omoplates. Oui, je sais, c’est dégueulasse. C’est hollywoodien, que voulez-vous, ma chère…

 

La vague, Dennis Gansel (2008)

lavague

Un professeur de lycée (franchement de gauche, assez cool : il arbore fièrement des t-shirts comme celui des Ramones) voit échapper sa semaine thématique sur l’anarchie (que s’octroie un professeur plus expérimenté) pour une semaine thématique sur l’autocratie, la dictature. Entre le lundi et le samedi d’une banale semaine de cours, il va créer avec ses élèves, d’abord, puis de nombreux élèves volontaires un jeu de rôles grandeur nature et reprendre quelques principes du fascisme en les remettant au goût du jour (il remplace par exemple les problèmes que poseraient les minorités, grand classique des dictatures de droite, par les inégalités salariales, ce que nous faisons subir à la planète et la mondialisation). Il s’adapte à l’Allemagne contemporaine, contournant par la gauche le fantôme du nazisme (incarné par le néo-nazisme).

Ce film je l’ai vu deux fois en deux jours. La première fois je l’ai trouvé intéressant, mais j’ai eu l’impression d’être passé à côté de quelque chose. C’est comme un mot que vous avez au bout de la langue, vous le cherchez, vous le cherchez sans le trouver. La seconde fois, j’ai regardé La Vague en essayant de créer des parallèles avec la « crise des gilets jaunes » et ma foi c’est à la fois partiellement probant (il n’y a pas de leader « gilet jaune ») et totalement perturbant (« si tu n’es pas avec moi tu es contre moi », n’est-ce pas l’essence-même du fascisme, qui vient du faisceau, des morceaux de bois additionnés qui peuvent certes plier mais ne se rompent plus). L’uniforme, le sentiment de déclassement ou de marginalisation, le signe distinctif, la nature pacifique (au départ) des gens embarqués dans un mouvement collectif qui en viennent au final à user de violence, l’aveuglement et l’impuissance des autorités, le manque de réaction de ceux qui ne sont pas d’accord, leur difficulté à le verbaliser face à un mouvement qui prend de l’ampleur (la crainte de se faire « casser la gueule », le danger que représentent les mouvements de foule).

Dans La vague, la colère, la frustration et l’incompréhension face aux changements du monde ne portent pas un gilet jaune mais des jeans et une chemise blanche. Ce film rappelle aussi le roman Rage de Stephen King (d’abord publié sous le pseudonyme de Richard Bachman, dont la commercialisation a été arrêtée à la demande de l’auteur après plusieurs fusillades dans des écoles, dont celle tristement célèbre de Columbine).

Très intéressant dans le contexte actuel.

Never let me go, Mark Romanek (2010)

Never-Let-Me-Go

Enfants, ils ont grandi dans le pensionnat de Hailsham où ils ont découvert l’horrible vérité : ils ne sont pas des êtres humains à part entière, mais des réserves d’organes condamnées à mourir après un troisième ou quatrième don, condamnés à la « complétion » – le don ultime des organes qu’il leur reste. Comment vivre dans ces conditions-là ? Et ont-ils droit à l’amour puisqu’ils n’ont pas le droit de vivre ?

Never let me go / Auprès de moi, toujours est l’adaptation du roman éponyme de Kazuo Ishiguro. Je n’ai pas lu le roman, mais le film m’a donné envie de hurler à peu près tous les cinq minutes (enfin quoi, c’est en Angleterre que les Sex Pistols ont vu le jour… et la nuit). On ne croit jamais à cette uchronie médicale où, à partir de 1952, les progrès de la médecine ont été tels que l’espérance de vie dépasse les cent ans (à condition toutefois de changer régulièrement quelques pièces détachées). Ces jeunes clones (à défaut d’un autre terme) acceptent leur condition, ne se rebellent jamais, ne la remettent quasiment jamais en question, ou alors du bout des lèvres. J’ai attendu un sursaut de Keira Knightley, de Carey Mulligan et d’Andrew Garfield jusqu’au bout du film… attendu, attendu. Même cette histoire de triangle amoureux (puisque visiblement c’est ce qui intéressait l’auteur avant tout) aurait pu être plus intéressante, plus intense, plus bouleversante. Kazuo Ishiguro a inventé le concept de « dystopie polie ».

Utiliser une idée de science-fiction terrifiante pour ne rien en faire d’autre qu’un drame (vaguement) romantique mais assurément dépressif, avec de belles vues de la campagne et des plages anglaises, c’est soit criminel soit rageant, voir les deux.

Il existe un contre-Never let me go, une œuvre pleine de foutre et d’hormones, qui déborde de partout, où tous ces gentils clones-réserves-d’organes foutent un boxon pas possible, ça s’appelle Outrage et rébellion de Catherine Dufour et c’est autrement plus intéressant.

American pastoral, Ewan McGregor

americanpastoral

Seymour « Suède » Levov (Ewan McGregor) a été le capitaine de l’équipe de football américain de sa petite ville, il a épousé une reine de beauté (Jennifer Connelly) et ensemble ils sont acheté une ferme à l’écart de la ville où ils se sont installés. Suède a fini par récupérer la direction de la manufacture de gants de son père. Ensemble Suède et son épouse ont une petite fille. Quelque part leur vie pastorale est « idéale ». Bon la gamine a un défaut persistant d’élocution, mais rien de très grave. Le temps passe et Merry (Dakota Fanning) devient une adolescente intéressée par la politique et les revendications sociales. Un jour, une explosion dévaste le bureau de poste du patelin, un homme meurt et Merry disparaît. Le FBI l’accuse de ce crime, mais Suède refuse d’y croire, sa fille ne peut pas être une terroriste ou alors son cerveau a été forcément lavé, ou alors… Le FBI se trompe. Forcément

Pour Suède et son épouse, la descente aux enfers ne fait que commencer.

Avant d’être un film de Ewan McGregor, Pastorale Américaine était un roman de 1997 qui a valu le prix Pulitzer 1998 à Philip Roth (décédé le 22 mai 2018). D’une certaine façon, Ewan McGregor s’est attaqué à un monument. Un roman peut-être un peu trop « grand » pour un premier film en tant que réalisateur. Si certaines scènes sont extrêmement réussies (celle de la chambre d’hôtel avec Rita Cohen, par exemple), le réalisateur ne semble pas à l’aise à retranscrire l’époque à laquelle se déroulent les événements, il passe un peu au-dessus, un peu à droite de la lutte pour les droits civiques et la guerre du Viêt-Nam. American Pastoral n’est pas un mauvais film, c’est même un film plutôt agréable et prenant ; sa sincérité joue pour lui, mais son indéfectible académisme le plombe. McGregor, en tant que réalisateur, n’a pas le sens de l’époque comme a pu l’avoir Curtis Hanson sur L.A. Confidential ou Oliver Stone sur JFK. McGregor donne l’impression d’effleurer ce qu’un Scorsese aurait trituré jusqu’au vertige ou à la nausée.

Man on high heels – Jang Jin (2014)

Man_On_High_Heels

Seoul.
De nos jours.
Ji-wook (Cha Seung-won) est un flic aux méthodes particulièrement violentes et douteuses. Couvert de cicatrices, les os rafistolés avec des plaques métalliques, il est surnommé « l’homme qui valait trois milliards » par ses collègues. Ji-wook, grand pour un Coréen, fin, tout en muscles, privilégie les couteaux aux armes à feu et quand il intervient quelque part… le sang gicle à flots. Mais Ji-wook a aussi un secret : il prend des hormones (son collègue croit à tort qu’il se drogue à l’héroïne) et s’apprête à changer de sexe.
Ayant pourtant démissionné pour vivre sa transformation dans le calme, Ji-wook va être rattrapé par sa dernière affaire.

Après une heure de film en faux rythme, un peu lancinante mais toujours intéressante, toutes les pièces de l’échiquier sont en place et la deuxième partie (qui s’ouvre avec un des pires meurtres de l’histoire du cinéma – autant être prévenu) atteint des sommets dans la tension, l’émotion, le tragique, le comique, l’horreur frontale.
C’est alors les montagnes russes, quasiment un enchaînement de « morceaux de bravoure » sans répit.

Si Man on high heels n’est pas exempt de petits défauts (des problèmes de raccord dans les scènes d’action notamment) on prend ce film dans la gueule jusqu’aux ultimes scènes, apparemment très douces, mais d’une ambiguïté indéniable.

Je l’avais déjà vu une fois, je l’ai revu cette semaine avec plaisir.