Nasir Khan (Riz Ahmed) est un jeune homme de confession musulmane a priori sans histoire, un étudiant d’origine pakistanaise qui, un soir, emprunte le taxi de son père pour se rendre à une fête, downtown New York. Il se perd, s’arrête à un carrefour. Il n’a pas allumé son panneau « off duty ». Une jeune femme déboussolée monte dans son taxi. Elle veut aller à la plage. Il l’emmène au pied du pont de Brooklyn. Ils rentrent ensemble dans les beaux quartier, boivent, se droguent, jouent au jeu du couteau, font l’amour. Puis Nasir se réveille en sous-vêtements près du frigo ouvert. Il monte dans la chambre. Andrea (Sofia Black-d’Elia) est morte. Elle a reçu 22 coups de couteau. Naz panique. Ramasse le couteau avec lequel ils ont joué. Sort. Casse la vitre pour rentrer (il a oublié son blouson et les clés du taxi). Un témoin le voit (r)entrer par effraction. Il s’enfuie. Il sait que tout l’accuse. Trois pâtés de maisons plus loin, une voiture de police l’arrête pour une banale infraction au code de la route. Entrent alors un jeu un policier à deux doigts de la retraite, le détective Box (Bill Camp), un taulard qui prend Naz sous sa protection (Michael Kenneth Williams, mondialement connu pour son rôle d’Omar Little dans The Wire) et un avocat loser qui souffre d’un eczéma épouvantable (John Turturro).
Franchement après avoir vu les huit épisodes de The Night of, je ne sais pas trop par où commencer.
Plongeons : les acteurs sont géniaux (du premier rôle au troisième couteau) ; on retrouve la qualité HBO à laquelle on s’est habitué. Chacun incarne son rôle à un point tel que parfois on a l’impression de voir une histoire vraie se dérouler sous nos yeux. La série fait preuve d’une minutie incroyable dans sa volonté de montrer le fonctionnement de la justice américaine, l’horreur d’une prison comme Rikers Island ou la géographie de New York. Il faut savoir que le premier épisode est long, très détaillé, et qu’il se pose donc comme une sorte de seuil à enjamber. Je l’ai trouvé lancinant, j’ai pensé abandonner. Ceux qui connaissent la série The Wire / Sur écoute comprendront sans doute de quoi je parle. Puis la série prend son envol : implacable, éprouvante, sorte de catalogue de toutes les bassesses humaines possibles, mais aussi portrait en creux d’un père, Salim Khan (Payman Maadi) qui n’a de cesse de rester digne, un rocher dans la tempête. Ils sont tous terriblement humains dans leurs failles mais aussi leurs (éventuelles) forces. La descente aux enfers de Nasir est si rapide, si brutale, si réaliste qu’on prie littéralement pour que quelque chose de ce genre n’arrive jamais à un de nos enfants (on sait que ce sont des petits cons, qu’ils vont trop boire, prendre des drogues, déconner, on sait parce qu’on l’a fait vingt/trente ans avant eux et qu’on a « survécu » ou parce que des copains/copines à nous ont traversé ça – et certains sont tombés).
The Night of est d’une telle force émotionnelle qu’on ne peut échapper à son raz-de-marée. Par contre, son horreur psychologique est si poussée qu’il vaut mieux être prévenu. Si vous ne voulez pas voire une mère de famille honnête s’enfoncer des boulettes de cocaïne dans le vagin pour aider son fils en prison, si vous ne voulez pas voir un gardien extraire un téléphone portable du rectum d’un prisonnier fraîchement débarqué, si vous ne supportez pas la vue d’une hémorragie artérielle à la lame de rasoir (façon Un prophète), évitez. The Night Of n’épargne rien à Nazir et par voie de conséquence électrocute un spectateur qui ne s’attendait probablement pas à ce que le spectacle aille si loin. Descende si profond dans l’enfer carcéral.
On peut aussi considérer The Night of comme un hommage contemporain à Douze hommes en colère de Sidney Lumet. Un pont entre 2006 et 1957, qui nous montre combien l’Amérique a changé en cinquante ans.