Noroi, Koji Shiraishi (2005)

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L’écrivain Masafumi Kobayashi est spécialisé en phénomènes paranormaux, il participe à des émissions de télévision et a sa propre émission, pour laquelle il filme en permanence ses enquêtes. Un jour, alors qu’il interviewe une famille qui entend des pleurs de bébés provenant de la maison voisine, maison où vivent une femme dérangée et son fils de dix ans environ, mais aucun nourrisson, il approche pour la première fois d’une vieille légende de montagne, qui va le mettre sur la piste du démon folklorique Kagutaba. Cette même enquête va aussi le rapprocher d’une petite fille, Kana Yano, qui possède d’impressionnants pouvoirs de clairvoyance et d’une actrice « hypersensible » qui a été terrifiée par quelque chose en forêt, prêt d’un temple. C’est près de Nagano, dans un village de montagne où tout le monde possède un chien que repose le secret de Kagutaba, enfoui sous les tonnes d’eau d’un lac de barrage artificiel.

Noroi est un drôle de film, une sorte de Blair Witch Project nippon. Si la réalisation found footage n’a pas grand chose d’original, et ne surprendra personne, le film a l’étrange qualité (et défaut) de partir dans tous les sens, de suivre mille pistes hétérogènes qui nous ramènent toujours au même endroit, ce village, un rituel pour faire la paix avec un démon. Le jeu des acteurs est de qualité très variable et le film de presque deux heures est trop long, pourtant il a un petit quelque chose de différent qui lui donne une véritable identité.

Malgré ses indéniables défauts, j’ai vraiment bien aimé. Notamment parce que ça montre un Japon très différent de l’habituel décor hyperurbain de Tokyo.

Utopia S01 – Dennis Kelly (2013)

Utopia

S’il y a un truc que je ne fais jamais, mais vraiment jamais, c’est revoir une série. Et donc, en toute logique, je me suis lancé dans une seconde vision d’Utopia. La saison 1, car j’ai très sincèrement détesté la saison 2… qui (puisque la saison 1 se termine sur une « révélation ») aurait pu être utile, mais s’est révélée plutôt creuse, ennuyeuse. Et vite oubliée.

Donc Utopia S01 c’est génial, sautons tout de suite aux conclusions hâtives, mais c’est quoi ? Ça parle de deux tueurs, un gros essoufflé et un autre aux cheveux rigolos, qui tuent des tas de gens pour retrouver Jessica Hyde. Ça parle d’un comics graphic novel The Utopia Experiments qui attire tous les fans de la théorie du complot. Ça parle d’un serviteur de l’état, engagé au ministère de la santé, qui doit trouver un moyen de commander quelques dizaines de millions de vaccins pour une grippe russe qui semble assez improbable. Ça parle d’un complot aux proportions gargantuesques. Ça tient à fond sur l’esbroufe (comme j’aime l’odeur de la manipulation scénaristique de bon matin) et un mélange improbable d’humour anglais et de violence gratuite. Jamais ça ne devrait marcher et pourtant j’ai couru (deux fois).

Sinon : l’habillage musical est étonnant. Décalé comme le reste.

Romanzo Criminale, Michele Placido (2005)

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Légendes : Il Freddo (le Froid), Dandy et le Libanais. Kim Rossi Stuart, Claudio Santamaria et Pierfrancesco Favino.

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Années 1970, trois copains d’enfance décident de mettre la main sur le trafic de drogue à Rome et une partie de la prostitution. Ils ont choisi eux-mêmes leurs surnoms pour ne pas en subir d’autres, imposés par leurs pairs : Le Libanais, le Froid, Dandy. Au départ, ils étaient quatre, mais la Thune est mort prématurément. C’est cette mort qui les a construits. Après avoir financé leurs opérations par la prise d’otage du Baron Rosellini, après une tabula rasa particulièrement sanglante, les trois compères s’installent dans leurs rôles respectifs, s’associent avec Le Sec, un spécialiste du blanchiment, et avec la mafia sicilienne, pour couvrir leurs arrières, du moins c’est ce qu’ils croient. Mais la police les pourchasse et d’énigmatiques hauts-serviteurs de l’état les surveillent de près. Car en Italie, les années 70 ce sont les années de plomb : les Brigades rouges, l’attentat de la gare de Bologne, le meurtre d’Aldo Moro. Tous joueront un rôle dans cette période trouble, où le bien et le mal furent des concepts longtemps mis entre parenthèses, où toutes les pièces sur l’échiquier sont plus ou moins grises.

Le film de Michele Placido, Romanzo Criminale, est une adaptation du foudroyant roman du juge Giancarlo de Cataldo (que j’ai eu la chance de rencontrer à la Comédie du livre, à Montpellier, il y a quelques années). Il existe en deux montages, un montage de 2h32 et un montage de 2h58. Malheureusement, je n’ai jamais trouvé la version longue, et il est clair que la version courte est largement « trouée » (les événements qui précèdent le retour en Italie du Froid/Il Freddo sont un peu décousus, alors que justement on arrive au climax de l’épopée criminelle). Plus tard, le livre a de nouveau été adapté sous forme de série télévisée (deux saisons), seule la première saison est disponible en DVD français. Il semblerait que cette seconde adaptation soit excellente – à suivre.

Souvent comparé à Il était une fois en Amérique de Sergio Leone, Romanzo Criminale n’en a ni la puissance syncrétique (ni la moitié, ni le dixième, d’ailleurs) ni la force esthétique, mais reste toutefois un film très recommandable. Contrairement à Leone ou au Scorsese des Affranchis, Placido n’arrive pas à extraire de son matériel littéraire de départ (et historique, puisque Cataldo s’est basé sur une histoire vraie qu’il connaît bien) quelques scènes cultes qui vont marquer les esprits à jamais. Il ne traduit pas la mythologie de son récit en récit mythologique. D’un autre côté, il montre des truands plus vrais que nature, d’une banalité fascinante : ignares, idiots, gras, misogynes à crever, sans conscience politique aucune, coupés de leur famille, réduits à tourner en rond entre deux meurtres. Des hommes étrangers à tout sentiment élégiaque (autre qu’une passe avec une prostituée). Seul Il Freddo sort du lot. Il Freddo, capable de tout, car capable d’aimer vraiment, sincèrement, sans calcul ni arrière-pensée. Cherchant et trouvant l’innocence et la lumière (elle se prénomme Roberta), malgré une vie criminelle baignée de ténèbres.

 

Une des chansons emblématiques du film :