Wind River, Taylor Sheridan (2017)

WindRiver

(Contrairement aux apparences, ceci n’est pas une illustration d’Aurélien Police)

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Une jeune amérindienne court dans la neige, de nuit, pieds nus, quelque part dans le Wyoming. Il fait -20, -30° peut-être. Elle va mourir. Ses poumons, déchiquetés de l’intérieur par l’air glacé, se remplissent peu à peu de sang.

Agent des eaux et forêts, Cory Lambert (Jeremy Renner, qui dresse un portrait impeccable d’un personnage indéfendable) trouve son cadavre après avoir tué un loup qui menaçait un troupeau.

Une agente du FBI arrive sur les lieux du crime. Comme la jeune amérindienne a été violée, elle conclue au meurtre, mais le médecin légiste local la contredit ; il ne nie pas le viol, mais la vérité c’est qu’elle est morte de froid. Elle fuyait quelqu’un sans aucun doute, tout le monde est d’accord, mais c’est le froid qui l’a tué. Et le légiste n’écrira pas autre chose sur le rapport.

Wind River est un film étrange. Sur le plan esthétique et acoustique, il est parfaitement réussi. La photo est magnifique. La musique de Warren Ellis & Nick Cave est « mortelle », même si très discrète (ce qui est plutôt un bon point en ces temps où la musque devient vite envahissante). 10/10 pour l’esthétique et la musique, donc. Sur le plan du scénario, de la narration, par contre, je suis nettement moins convaincu. Le réalisateur essaye de faire passer un drame pour un thriller, et quand le suspense est éventé (par un flash-back explicatif, un fragment chimiquement pur de violences faites aux femmes, plutôt réussi en lui-même, mais qui s’intègre mal à l’ensemble), la dimension thriller n’a plus trop raison d’être et le film peine à devenir pleinement ce qu’il aurait toujours dû être : un drame poignant.

Je ne vais pas spoilier, mais il y a une scène juste avant ce flashback « pot-aux-roses », pivot, qui ne fonctionne pas, mais pas du tout. Elle a été clairement conçue pour introduire le climax du film et résultat, ledit climax tombe un peu à plat. C’est une construction scénaristique limpide, où on vous présente une situation A, « explosive », pour arriver à une situation B, qu’on veut pyrotechnique. Mais la scène A n’étant pas convaincante elle fait office de pieds d’argile et par conséquent la colossale scène B s’effondre assez lamentablement.

Et enfin, il y a le fond de l’histoire, ou disons sa dimension politique, cette idée louvoyante qui voudrait que certains espaces – trop durs pour le commun des mortels – échappent aux « lois de la République » ou, disons, aux lois des USA. C’est justement une des première vertus de la loi, en démocratie, d’être la même pour tous sur tout le territoire, c’est sans doute un acquis à mettre en avant et non à battre en brèche.

Ce film qui semble parfois sponsorisé par la NRA (combien de plans fascinés sur les armes à feu des uns et des autres, la fabrication des balles ?) peut laisser un sale goût dans la bouche. Donald Trump nous a fait le coup des alternative facts, Taylor Sheridan nous fait le coup des territoires alternatifs : ces endroits où la loi pourrait fermer les yeux pour le bien de tous. Vous comprenez : nous sommes ce qu’ils reste de l’esprit pionnier et une balle coûtera toujours moins cher qu’un procès.

 

Spotlight, Tom McCarhty (2015)

spotlight

2001, à Boston, un nouveau scandale éclate autour d’un prêtre pédophile. C’est loin d’être le premier.

Au même moment, un nouveau éditeur en chef arrive au Boston Globe : Marty Baron.

Marty demande au service des enquêtes au long cours, Spotlight, de se pencher sur cette affaire, non pas pour montrer ce qu’on sait déjà : qu’il y a des prêtres pédophiles à Boston, mais pour prouver que le diocèse a couvert les exactions des prêtres, a dédommagé les victimes et possède tout un système de « contre-mesures ».

Walter « Robby » Robinson (Michael Keaton), la tête de Spotlight, va mettre son équipe sur le coup : Mike Rezendes (Mark Ruffalo), Sacha Pfeiffer (Rachel McAdams), Matt Caroll (Brian d’Arcy James). Ce qu’ils vont découvrir dépassent l’entendement.

Spotlight récompensé par un indiscutable oscar est une leçon de cinéma. D’abord les acteurs sont tous à tomber par terre : Mark Ruffalo évidemment, Michael Keaton aussi, mais Stanley Tucci, Billy Crudup, etc. Ils sont tous impeccables, plus vrais que nature dans leurs rôles respectifs. Il n’y en a pas un qui dénote, qui joue moins bien. Ce jeu choral est absolument renversant.

Ensuite la mécanique du film est impressionnante, c’est un modèle de rigueur, d’exigence, d’intelligence. Ici pas de fusillades, de menaces, de morts violentes. Mais des victimes par centaines, oui, ça ça ne manque pas. A aucun moment on est dans la soupe, le pré-mâché. Toute l’horlogerie Spotlight fonctionne à merveille. Le montage est un modèle du genre. Quant au sujet du film, évidemment très dur, polémique, politique, il renvoie au grand cinéma engagé des années 70 celui de Les Hommes du président, comme il se doit. Du Syndrome chinois. Un cinéma que je croyais au mieux à l’agonie, à tort mort.

Epérons que Spotlight soit un marqueur de résurrection.

Magistral.