Pyewacket,Adam Macdonald (2017)

pywacketreview

Après la mort de son père, Leah Reyes a commencé à s’intéresser à l’occulte et a fréquenter des jeunes gens qui ont les mêmes goûts qu’elle. Pendant ce temps, sa mère noie son chagrin dans le vin rouge et essaye de trouver un moyen de tourner la page. Quand la maman dépressive expliquer à sa fifille un brin paumée qu’elles vont déménager à une heure de route, au milieu des bois, l’ado pète un plomb et commet l’irréparable.

(Après une journée de travail à Paris, qui implique environ trois heures de transport en commun les jours où ça fonctionne correctement, quatre heures la plupart du temps, j’aime bien mater un petit film d’horreur. Par la force des choses, ça en fait un paquet chaque année et il est parfois difficile de s’approvisionner.)

Pyewacket a plusieurs qualités. D’abord c’est un petit film d’horreur qui ne joue pas sur des recettes éculées de portes qui claquent et de chats qui traversent la pièce en crachant. Tout ou presque se passe dans la tête de Leah, adolescente-modèle (pénible, insolente et désobéissante – je connais, j’en ai en pleine floraison à la maison). Le réalisateur se concentre sur les rapports humains entre Leah et sa mère, donc, mais aussi entre Leah et ses amis (ce point est d’ailleurs un peu trop sage ; quand on a bouffé une douzaine de Larry Clark, on s’attend davantage à voir des ados parler comme des ados, se droguer comme des ados, picoler comme des ados et baiser comme des ados, surtout que ceux-là sont plus près de la vingtaine que de la douzaine).

Paradoxalement les qualités psychologiques du film en constituent le principal défaut : l’embryon de fantastique/surnaturel qui se greffe sur le corps de l’intrigue est presque anecdotique par rapport au reste.

Pyewacket n’a pas beaucoup de prétention, la mère et la fille ne ressemblent pas à une mère et sa fille, mais j’ai quand même passé un chouette moment, appréciant la retenue du réalisateur (parfois un peu excessive quand il décrit des ados de 17/18 ans) et son bon goût pour l’ellipse et le hors-champ.

A Cure for Wellness / A Cure for Life

acureforwellness

Un jeune col blanc de Wall Street (Dane DeHaan, parfait dans le rôle) est envoyé dans un sanatorium de Suisse pour récupérer M. Pembroke, le patron de sa firme qui doit signer d’importants papiers avant que l’action ne s’écroule définitivement. Dressé au sommet d’une colline, comme le château de Frankenstein, comme le château du comte Dracula, avec un village à ses pieds, le sanatorium est dirigé par le docteur Volmer (Jason Isaacs, fidèle à lui-même – donc impeccable d’une certaine façon). Alors que Pembroke n’est pas décidé à rentrer à New York, Lockhart (le jeune col blanc) découvre un endroit de plus en plus inquiétant. Un terrible accident de voiture, sur le chemin du village, l’oblige à rester malgré lui au sanatorium. Ce n’est pas très important, lui dit-on : personne n’a jamais voulu en partir. Car ici tout le monde est heureux.

A Cure for Wellness est une étrange salade composée de Frankenstein, du Cauchemar d’Innsmouth et de certains ressorts narratifs chers à l’écrivain Ira Levin. Le tout placé dans une Suisse ensoleillée où Rammstein entre en collision avec une médecine steampunk, très XIXe siècle parallèle. Rajoutez à cela une durée inconcevable de 2H26 et, a priori, vous avez tous les ingrédients pour un pot-pourri… plus pourri qu’autre chose. Eh ben, non, ce n’est pas si simple. D’abord A Cure for Wellness est un film d’horreur, un vrai, et donne parfois l’impression d’être le film d’horreur le plus cher de l’histoire du cinéma. Dire que les décors sont réussis est un euphémisme. Tout y est baroque, grandiloquent, mais aussi steampunkisant. Souvent étonnant, sur le simple plan esthétique (il y a des idées à la Terry Gilliam dedans, le Terry Gilliam de Brazil / L’Armée des douze singes). C’est aussi un film « pour adultes », avec des thèmes extrêmement ambigus voire perturbants : inceste, expérimentations scientifiques (avec d’inévitables réminiscences nazies), exploitation du mal-être. Et des scènes à l’avenant : masturbation, nudité (principalement de personnes âgées), menstrues et j’en passe (je ne veux pas spoilier les deux scènes à la limite du soutenable) . J’avoue que je ne m’y attendais pas, pas dans un film à quarante millions de dollars de budget. Effet de surprise garanti. La mise en scène est volontiers impressionnante – on pense au Shining de Kubrick, excusez du peu. Et le film est traversé par un humour tordu, érudit. Tout ça est plein de clins d’œil, de portes dérobées, de petits coups de coude littéraires dans les côtes, etc.

Le résultat final est certes trop long (2h26 ! Sérieux ?), mais la richesse de l’ensemble compense en grande partie sa longueur. Et si le réalisateur cède à certaines facilités (Jason Isaacs dans le rôle du « méchant » de service), il rend hommage à un cinéma américain « adulte » qu’on croyait perdu corps et âme. Et à un cinéma Hammer&co qui n’a jamais eu autant de moyens financiers.

Une dernière chose m’a frappé, les meilleurs films « lovecraftiens » sont presque toujours ceux qui abordent l’univers de Lovecraft d’une façon oblique ou détachée, comme L’antre de la folie de John Carpenter (un des rares scénarios du producteur Michael de Luca). Même s’il est situé en Suisse et ne contient aucun Grand Ancien (en dehors du Capital), A Cure for Wellness devrait plaire aux fans de Lovecraft.