The Goddamned tome 1, Jason Aaron (scénario) & R.M Guéra (dessins)


Depuis 1600 ans, Caïn, fils d’Adam et Eve, inventeur du meurtre, parcourt la terre.

Il cherche à mourir, lui qui a été maudit par Dieu pour avoir répandu la violence sur le monde en tuant son frère. Aucun homme, aucune bête ne vient à bout de son existence. Il s’est jeté dans un volcan et a été recraché brûlé et couvert de croutes. Puis comme d’habitude, il a fini par guérir.

Alors que le monde n’est plus que désolation, boue et merde, sa route va lui faire croiser celle d’une femme désespérée qui recherche son fils Lodo.

Putain, la claque !

Cette réécriture punk et complètement décomplexée de l’Ancien Testament envoie du bois et pas pour rire. Aaron (Scalped) ne respecte rien, il mélange les humains et les dinosaures, l’âge du fer et l’âge de pierre. Les dialogues sont anachroniques, on les verrait plus dans un Mad Max philippin filmé pour 800 pétrodollars que dans une BD qui parle de Dieu, Caïn, les Néphilims et j’en passe.

Le dessin lui aussi envoie du bois et s’il fait immanquablement penser à Druillet dans sa période « le diable est dans tous les détails », on pense aussi à Richard Corben. Un cocktail Druillet, Corben, je meurs.

Putain, la claque !

Heureusement que mon don de clairvoyance m’a poussé à acheter les deux tomes ensemble.

Earthdivers : « A mort, Christophe Colomb », Stephen Graham Jones (scénario) | David Gianfelice (dessin) | Joana Lafuente (couleurs)


[Résumé éditeur :]

Et si la seule solution pour stopper l’apocalypse était de retourner dans le passé pour tuer Christophe Colomb ? 

Nous sommes en 2112, et c’est l’apocalypse exactement comme prévu : les rivières reculent, les océans montent, la civilisation s’effondre.
L’humanité a perdu tout espoir, à l’exception d’un groupe de survivants indigènes exclus qui ont découvert un portail de voyage dans le temps dans une grotte au milieu du désert et réalisé où le monde a pris un tournant brutal vers le pire : l’Amérique.
Convaincus que la seule façon de sauver le monde est de réécrire son passé, ils renvoient l’un des leurs en aller simple sans retour possible en 1492 pour tuer Christophe Colomb avant qu’il n’atteigne le soi-disant Nouveau Monde. Mais se débarrasser d’une icône n’est pas chose facile, et les actes du voyageur pourraient s’avérer dévastateurs pour ses amis à l’avenir.

[/Résumé éditeur]

J’étais plutôt enthousiaste à l’idée de lire ce comics Black River : les Indiens d’Amérique, la catastrophe climatique, 2112 (année symbolique). Franchement les ingrédients m’attiraient, sans parler de Stephen Graham Jones au scénario, que je ne connais pas personnellement, mais dont j’ai lu plusieurs ouvrages en VO, dans le cadre de mon travail d’éditeur chez Albin Michel.

Sans être une catastrophe industrielle, Earthdivers m’a déçu. Pour faire simple, je trouve que rien ne fonctionne. La partie en 1492 est d’un manque de crédibilité insurmontable. La partie en 2112 est pataude dans son écriture et peine à passionner le lecteur (elle fait remplissage, alors qu’elle contient peut être l’idée la plus révoltante, la plus forte, de l’ensemble). Et quand le scénario part en sucette, on est vraiment dans la sortie de route incontrôlée, toutes les ratiches plantées dans un mur en béton armé.

Croire que tuer Christophe Colomb pourrait empêcher le génocide des Indiens d’Amérique est un peu naïf, pour ne pas dire ridicule. Déjà le point de départ est « faible ».

Trop proche de son sujet, l’injustice du génocide des Amérindiens, Stephen Graham Jones offre une œuvre sincère mais maladroite, bancale, qui avance à cloche-pied jusqu’à sa conclusion insatisfaisante, pour le moins.

Je m’épargnerai le tome 2. Non sans regret.

Toutes les morts de Laïla Starr, Ram V – Filipe Andrade


Parce qu’un bébé est sur le point de naître et que ce bébé, plus tard, va trouver le secret de l’immortalité, la Mort est mise au chômage par les autres dieux. Après avoir possédé le corps d’une jeune femme qui vient de mourir (accident, suicide ?), la Mort devient Laïla Starr et décide de mettre fin à la vie du bébé, Darius Shah, qui sans le vouloir l’a privée de son travail. Mais la tâche va se révéler plus ardue que prévu. D’autant plus ardue que Laïla Starr a la fâcheuse habitude de mourir dans des circonstances souvent incongrues.

Voilà une BD qui commence comme une nouvelle de Neil Gaiman (a.k.a l’Antéchrist). Puis continue comme une espèce de balade poétique autour de la mort. Le cadre indien ajoute une touche d’originalité, mais la banalité du propos fait que l’ensemble ne décolle jamais. C’est une lecture d’automne, un peu maussade, un peu onirique, un peu mélancolique. Les Portugais parleraient sans doute de saudade.

J’ai bloqué dès le début sur un détail pourtant très secondaire. Pourquoi mettre la Mort au chômage tant que l’immortalité n’a pas été découverte ? Pour une raison – idiote ? – j’ai imaginé que ça pouvait être l’intrigue principale ou une sous-intrigue de la BD. Au final, ce point de détail (visiblement insignifiant aux yeux du scénariste) a pris (à mes yeux) les proportions d’une immense faille scénaristique.

Ce n’est pas une mauvaise BD, loin de là, juste je m’attendais à plus d’imaginaire et moins de « quotidien » indien.

Après These Savage Shores, c’est mon second RDV raté avec Ram V.

Chimichanga, Eric Powell (T1), Stephanie Buscema (T2)


Je continue mon exploration de l’œuvre d’Eric Powell avec le diptyque Chimichanga. L’histoire d’une fillette à barbe, en léger surpoids, au régime alimentaire douteux, qui hérite d’un gros monstre poilu et le ramène dans le cirque de son grand-père (où il va évidemment foutre le bazar, sinon y’a pas d’histoire). Parallèlement, on suit une sorcière flatulente (Pétowomane ?) qui essaye de vendre sa dernière potion à une industrie pharmaceutique foncièrement humaniste. L’ensemble pétillant évoque Freaks de Tod Browning remaké par un Tim Burton sous gaz hilarant. Avec une jolie brochette de morales à la clé (à molette ?) : la méchanceté contre les gens différents c’est pas bien, la grossophobie ça craint, la beauté c’est très surfait et tout ça. Raconté comme ça, le machin à poil peut faire peur, mais en fait c’est léger, rigolo et plein de trouvailles visuelles, c’est de la barbe-à-papa verte, la meilleure, en BD. Le tout, résolument charmant, fout plutôt la patate. Eric Powell en profite pour rendre un sincère hommage à tout ce qui avait terrifié le jeune Ray Bradbury et lui avait inspiré un de ses chefs d’œuvres : La Foire des ténèbres.

Le tome 2 – La Tristesse du pire visage du monde – toujours scénarisé par Powell, mais dessiné par Stephanie Buscema est dans la droite lignée du précédent. Les couleurs de Dave Stewart participent à cette continuité. On ne peut pas s’empêcher de regretter le trait de Powell, plus précis, mais Buscema compense avec un très grand respect du fond et s’approprie la forme sans singer bêtement le maître.

Ed Gein, autopsie d’un tueur en série, Eric Powell (scénario et dessin) & Harold Schechter (scénario)


Entre l’âge de quinze et vingt ans (grosso modo) j’ai lu au moins une douzaine de biographies de tueurs en série (beaucoup étaient de médiocre qualité, écrites par des auteurs français qui ne faisaient que mouliner les infos disponibles dans les sources américaine), mais j’ai aussi lu certains livres écrits par les fondateurs du VICAP et autres agents du FBI qui ont traqués les « psychopathes » comme Robert K. Ressler. Étrangement, de toute cette brochette de monstres livrée au public avide, c’est plutôt Ed Kemper qui m’est resté le plus en mémoire (sans doute à cause de son physique hors-normes) et si je connaissais le nom d’Ed Gein, je n’avais qu’une idée floue des crimes qu’il avait réellement commis et des conditions dans lesquelles il les avait commis. Après cette période de fascination assez intense, je me suis désintéressé des livres sur les tueurs en série, me contentant de piocher dans les bons films comme Le Sixième sens de Michael Mann, Le Silence des agneaux de Jonathan Demme, Seven de David Fincher, puis beaucoup plus tard Zodiac du même réalisateur.

Il y a bien longtemps que les tueurs en série ont fini de me fasciner, en tout cas leurs crimes ne m’intéressent plus et lire un énième roman où des femmes, plus ou moins jeunes, se font couper en morceaux ne m’attire pas du tout, au contraire : ça aurait plutôt tendance à me faire fuir à toutes jambes. Mais le film Monster de Patty Jenkins et la BD Mon ami Dahmer m’ont assez récemment permis de changer de perspective, en m’invitant à me pencher sur ce moment où l’esprit humain commence à se briser. Cette plage d’événements qui s’éternise, qui descend de l’esprit vers l’enfer, comme un miroir cassé au ralenti : morceau par morceau. Fragment par fragment.

J’étais sceptique quand la bande-dessinée d’Eric Powell (dessin et scénario) et Harold Schechter (scénario) a paru. En tout cas, je suis passé à côté en librairie, à plusieurs reprises, pendant des semaines, sans la feuilleter ou même la prendre pour en consulter la 4e de couverture. Et puis, le temps passant, lisant des critiques ça et là, j’ai eu de plus en plus envie de voir comment ils avaient traité le cas Ed Gein, ce tueur qui avait inspiré les personnages de Leatherface (Massacre à la tronçonneuse) et de Norman Bates (Psychose), entre autres, et dont au final je ne savais pas grand chose.

Ed Gein, autopsie d’un tueur en série m’a impressionné, c’est à la fois extrêmement frontal (et/ou perturbant) et en même temps terriblement subtil et adroit. Les auteurs ont trouvé un équilibre impossible – suspendu entre horreur et raison – qui force l’admiration. On sent aussi, dans le récit, une vrai respect pour les victimes, pour une communauté meurtrie en profondeur. Il est évident que cette bédé n’est pas à mettre en toutes les mains, mais au-delà de sa narration implacable, de son incroyable puissance elle a quelque chose d’édifiant, elle apporte au lecteur, peut-être juste une étincelle de compréhension, mais une étincelle aussi fragile que précieuse.

Décidément, c’était un projet bien risqué et le résultat se révèle plus que convaincant.

Conan le Cimérien : Xuthal la crépusculaire | Christophe Bec | Stevan Subic


Conan et une jeune femme du nom de Natala (sorte de princesse russe à gros cul, gros nichons, ou de blonde dessinée par Ferrari, dont la vue ferait sans doute péter les carotides de ce bon Vladimir Poutine) sont les seuls survivants d’une terrible bataille. Ils s’enfoncent dans le désert et pénètrent dans une cité-oasis désertée, Xuthal la crépusculaire. Enfin pas si désertée que ça, puisqu’ils tombent très vite sur un festin.

Avec Chimères de fer dans la clarté lunaire, Virginie Augustin avait su adapter Conan sans trahir ses opinions personnelles, bien au contraire. Xuthal la crépusculaire en semble l’antithèse parfaite avec ses femmes très peu vêtues, aux courbes généreuses, dignes des héroïnes de Frazetta, sa scène de partouze, sa scène de domination sadique au fouet. C’est un peu « Le politicaly correct, tu sais où tu peux te le mettre ? Jusqu’au virage sigmoïde ! » En fait, pourquoi pas… pourquoi pas assumer qu’on fait « une BD pour garçons » qui fera vomir la plupart des filles (c’est un peu comme la pornographie, elle est dans son immense majorité tournée pour une audience masculine). Le problème est ailleurs, en ce qui me concerne. J’ai trouvé l’ensemble bavard comme pas possible, avec des cartouches qui paraphrasent ce qu’on voit à l’image, des textes trop petits, pénibles à lire (textes qu’on a très vite envie de lire en diagonal). Certaines expressions m’ont totalement éjecté de ma lecture comme « réalité virtuelle » ou « sommeil artificiel ». Même si l’historie a une indéniable coloration SF. Reste que le monstre (lovecfratien en diable) est aussi beau qu’impressionnant. Que certaines planches sont très convaincantes (quand d’autres, fouillis, laissent de marbre). La narration n’est pas sans défaut, ça et là. L’illustrateur s’amuse comme un fou à planquer des pénis en érection et des vulves un peu partout, ici un champignon, là une porte, ailleurs un bâtiment phallique.

Quand on tourne la dernière page, c’est avec l’impression d’avoir lu un récit trop étiré, farci de texte inutiles et de dialogues médiocres. Mouais, mauvaise pioche. Espérons que Stevan Subic dessinera des choses plus intéressantes dans l’avenir. Il a quand même beaucoup de talent.

Perceval, Pandolfo & Risbjerg (Le Lombard)


Résumé éditeur :

Isolé avec sa mère dans la forêt depuis toujours, Perceval ne connaît rien à la société des hommes. Il aime vivre en communion avec la nature jusqu’au jour où il croise un groupe de chevaliers de la Table Ronde. Fasciné par leurs armures resplendissantes, il ne rêve plus que d’une chose : rejoindre leur ordre et servir lui aussi le roi Arthur. Malgré sa naïveté et grâce à une détermination exemplaire, il y parviendra sans trop de difficultés, mais il devra relever un autre défi plus complexe à mener à bien : découvrir qui il est vraiment.

Mon avis :

Depuis quelques années maintenant j’ai l’habitude de noter dans mon téléphone le titre des bande-dessinées qui m’intéressent, que je repère chez mon libraire spécialisé, sur les blogs, ou dont on me parle ici ou là, IRL ou sur le forum du Bélial’ qui est le seul que je fréquente… par manque de temps, il est vrai. Je ne sais plus comment j’en suis arrivé à noter cette BD, puis à la commander. Mais une chose est sûre, je l’ai achetée à peu près en même temps que Morgane de Stéphane Fert & Simon Kansara, donc ça vient de là, d’une envie de lire des BDs sur la Matière de Bretagne, après avoir travaillé sur le Morgane Pendragon de Jean-Laurent Del Socorro.

A priori, rien dans le projet n’était pour moi. Un jeune homme naïf, des animaux qui parlent. Aargh, ça commence comme un Walt Disney grande époque. Tout ce que je déteste. Sauf que la scénariste – Anne-Caroline Pandolfo – s’amuse beaucoup avec la soi-disant naïveté de son récit, décalque a priori logique de la naïveté (de surface ?) de son héros. Perceval est une bande-dessinée très agréable à lire, érudite, qui comporte plusieurs niveaux de lecture, et qui m’a beaucoup rappelé les scénarios d’Hubert, Beauté, Peau d’homme. Il y a plein de réflexions teintées d’humour sur la chevalerie, l’honneur, la transmission, la famille, la noblesse et avant tout l’identité. Il y a aussi tout un sous-texte sur la virginité, l’impureté du sang, la pureté des âmes.

Quant au dessin, il est original mais approprié, renforcé par un découpage souvent audacieux, qui m’a à plusieurs reprises impressionné. Terkel Risberg a un talent fou. Il me semble que son style très « jeunesse » peut être clivant, mais dans le cadre de ce récit, c’est parfait et ça n’empêche ni une certaine brutalité, ni une certaine cruauté, ni une certaine profondeur.

Plus philosophique qu’il n’y paraît au premier regard, Perceval est un album à découvrir.

PS : On notera aussi la très belle qualité de fabrication de l’objet-livre. Chouette reliure, plus signet rouge.


Monde mutant | Richard Corben & Jan Strnad


En tournant la dernière page de Monde mutant de Richard Corben (au dessin) et Jan Strnad (au scénario) j’ai fini la lecture de tous les albums Corben publié chez Delirium, à l’exception notable de Esprits des morts qui vient d’être réédité avec une nouvelle couverture et que je n’ai pas encore acheté, passablement traumatisé par l’augmentation du prix de la côte de bœuf (un été sans côte de bœuf au barbecue, ce n’est pas vraiment un été digne de ce nom).

L’intégrale de Monde mutant contient deux histoires en plusieurs épisodes. L’histoire éponyme et sa suite, Fils du monde mutant.

Dans la première partie, on suit le mutant Dimento, un peu con-con, qui essaye de survivre dans un monde post-apocalyptique aussi réjouissant qu’une soirée accordéon organisée par le Rassemblement National. Richard Corben a commencé à écrire l’histoire tout seul et, obligé de reconnaître ses limites en matière de scénarisation, il a demandé de l’aide à Jan Strnad (à partir du troisième épisode, si mes souvenirs sont bons)… qui ne devait pas être dans une bonne période… ou qui s’en foutait… ou qui trouvait le projet rigolo mais sans grand intérêt. Si le dessin reste sidérant, comme souvent avec Corben, niveau histoire on est dans de la série B bas de gamme, un peu rigolote, un peu coquinette, qui flirte allégrement avec la série Z italienne post-apocalyptique (je vous laisse chercher, de toute façon y’a rien à sauver). J’ai pensé à The ultimate warrior, (sans doute la ressemblance de Dimento avec Yul Brynner), mais je crains que le film de Robert Clouse soit au final plus intéressant que la vision post-apo du duo Corben/Strnad. La suite Fils du monde mutant (titre d’autant plus rigolo que le personnage principal est une jeune fille généreusement dotée par la nature, en tout cas au niveau mammaire) est plus structurée, moins en roue libre que la première partie, mais bon, ça reste quand même très mince sur le plan du scénario.

L’ensemble vaut surtout pour le dessin surpuissant de Corben et ne restera pas dans les annales comme un incontournable de la BD post-apocalyptique (mais en existe-t-il ?).


Ragemoor, Jan Strnad et Richard Corben (Délirium)


Résumé éditeur :

Ragemoor ! Vestige de civilisations disparues, le Château de Ragemoor est un lieu maudit pour les hommes ! Nourries de sang païen versé au cours de sacrifices rituels impies depuis des temps immémoriaux, ses pierres cachent de sombres et terrifiants secrets, fatals aux rares inconscients qui seraient prêts à s’y aventurer…

Herbert Ragemoor est le maître du château. Il vit dans l’isolement, fidèlement servi par Bodrick, le majordome, tandis que son père, complètement fou, erre dans les couloirs qu’il parcourt en hurlant, nu. Jusqu’au jour où vient leur rendre visite l’ambitieux oncle JP, accompagné de sa superbe fille Anoria, qui rêve de s’approprier les lieux…

Au croisement des univers de H.P. Lovecraft ou des histoires les plus sombres d’ E.A. Poe, Ragemoor est une œuvre magistrale issue de l’imagination débridée de Richard Corben et Jan Strnad. Ces maitres du Neuvième Art réunis à nouveau en 2012 pour cette œuvre, signent ici un classique fantastique qui ne pouvait être traduit que par François Truchaud, directeur éditorial des mythiques Editions NéO qui ont permis la découverte en France des plus grands auteurs de littérature fantastique et de fantasy.

Mon avis :

Famille maudite, cité vivante et mégalithique arrosée de sang païen, gardée par une horde de babouins belliqueux et qui cache dans ses entrailles un peuple cultiste encore plus dégoûtant, tels sont les principaux ingrédients de cette BD fort réussie.

Si l’éditeur cite H.P. Lovecraft, référence aussi évidente que pertinente, par contre je suis moins convaincu par la mention à Edgar Allan Poe, sauf à voir dans Ragemoor un hommage extrême à La Chute de la maison Usher. A dire vrai, Ragemoor avec ses babouins guerriers et ses grouillements d’invertébrés ignobles m’a surtout fait penser à Robert E. Howard.

Le dessin de Richard Corben est sidérant, le découpage impressionne la plupart du temps. Le scénario de Jan Strnad est à la fois délirant, voire WTF, tout en restant linéaire, ce qui rend l’ensemble très abordable pour un album de Corben. Je pense même que c’est la porte d’entrée parfaite pour découvrir l’œuvre si particulière de ce génie.

Ragemoor est un classique, c’est aussi un incontournable dans le large champ des hommages BDs à H.P. Lovecraft.

Comme toujours avec Délirium, l’objet-livre est plus que convaincant.

Beauté, Kerascoët | Hubert – Dupuis


Résumé (éditeur) :

Lorsque Morue, jeune villageoise à la laideur repoussante, est transformée en beauté parfaite grâce au sortilège d’une fée, elle projette très vite d’user de ses charmes pour grimper l’échelle sociale, voire accéder au titre de reine. Objet de toutes les convoitises masculines, elle déchaîne les passions et les guerres partout où on l’aperçoit, mais découvre peu à peu que son apparence enchanteresse se veut aussi une terrible malédiction…

Mon avis :

J’aime beaucoup les projets de Kerascoët et les scénarios d’Hubert, il y avait donc dans cette intégrale un certain potentiel a priori. Beauté est un chouette dynamitage des contes de fées, le dessin de Kerascoët est parfait pour le projet. C’est drôle, c’est intelligent, il y a un côté ludique indéniable (on s’amuse à chercher les références, dans les contes évidemment, mais aussi au cinéma : Excalibur, par exemple. Madame de Coventry d’Arthur Lubin peut-être). Après, sur le plan du scénario, ce n’est pas aussi réussi que Peau d’homme ou aussi inventif/jouissif que Satanie. C’est à mon sens un peu trop sage, Hubert retient un peu ses coups. Dommages. Mais bon, ça reste quand même très chouette et fortement recommandable.