Westworld | saison 1

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A l’ouest rien n’a changé.

Pourtant, tout y est nouveau.

Quelque part sur le territoire des États-Unis existe un immense parc d’attraction ambiance western, au prix d’entrée fort couteux, où on peut baiser et tuer des robots à l’apparence humaine parfaite qui… eux ne peuvent ni vous dire non ni vous blesser en retour. Dans ce parc, un certain nombre d’histoires se nouent et se dénouent. Une maquerelle (Thandie Newton) accède à la conscience et entame un jeu dangereux avec ses « créateurs ». Un vieux démiurge (Anthony Hopkins) prépare un nouveau spectacle et garde jalousement le plus grand des secrets de Westworld. Le conseil d’administration du parc veut se débarrasser de ce vieil homme et/ou mettre la main sur son savoir unique. Le fantôme d’un certain Arnold plane sur toutes les créations. Un homme en noir (Ed Harris), qui aime tuer et violer, cherche le centre d’un mystérieux labyrinthe, car il veut accéder à un niveau de jeu plus élevé que celui que propose de prime abord le parc d’attraction.

Westworld est une série de luxe, si deux ou trois scènes d’effets spéciaux laissent à désirer (la vue de Paria, l’excavatrice de Ford), tout le reste sent la production haut-de-gamme. A tel point que chaque dollar investi semble briller à l’écran. Les acteurs sont tous impeccables, avec peut-être une mention particulière pour Jeffrey Wright que j’ai toujours trouvé très bon et semble là trouver le rôle de sa vie. Les décors sont réussis et/ou crédibles. Les amoncellement de robots morts, nus, font froid dans le dos et évoquent immanquablement certaines images de la Shoah. Oui, Westworld est indéniablement une série HBO (donc un peu scandaleuse, à la provocation parfois facile).

Westworld est aussi une série ludique qui joue avec certains codes maison (la nudité, dont la nudité masculine ; la violence ; le viol). Série qui n’oublie pas de rendre hommage au produit-phare de la chaîne, Game of Thrones, avec divers clins d’œil (la broche de Logan, les visages blancs dans le bureau de Ford), sans oublier la musique de Ramin Djawadi. On peut aussi s’amuser à essayer de reconnaître les chansons que joue le piano mécanique du Mariposa : The Rolling stones, Nirvana, Radiohead, The House of the Rising Sun… Série riche, haut-de-gamme, ludique, volontiers provocatrice, audacieuse, donc. Waouh, rien que ça. Mais aussi un brin complaisante (ce qui ne surprendra personne de la part de HBO).

Malheureusement, Westworld est surtout une série ambitieuse qui veut absolument jouer la carte du mindfuck et qui le fait assez mal dans l’ensemble, car il y a beaucoup d’esbroufe dans ce spectacle, et certaines idées renversantes ne tiennent pas la route deux minutes quand on y réfléchit sérieusement. Un parc d’attraction où les gens tirent à balles réelles, dans lequel des enfants viennent passer leurs vacances, un parc d’attraction qui glorifie la prostitution et le viol (putes robots ou pas, on a quand même un peu de mal à y croire). Des personnages « humains »  qui se révèlent être des robots. Des leviers de contrainte sur les créateurs qui semblent bien maigres. Les scénaristes s’en sont donnés à cœur joie, c’est une des grandes traditions de la série télé américaine, cette volonté de repousser sans cesse les limites de ce que le spectateur peut avaler. Jusqu’au point de rupture, parfois.

Malgré ces défauts (qui nous font décrocher, ici ou là), Westworld reste une série plaisante, pleine de détails gratifiant pour le spectateur malin/érudit qui clignotent comme des récompenses de jeux vidéos, un spectacle qui fait souvent mouche là où ne l’attend pas : la critique d’un capitalisme déconnecté du réel, du travail et des travailleurs humains, la critique d’une société où les rapports humains se révèlent si complexes qu’un sextoy y devient ce qui est le plus proche d’un partenaire agréable, fiable, sans reproche (et qu’on peut donc brancher et on débrancher à l’envi, voilà l’idéal, homme ou femme logés à la même enseigne). Pour l’investisseur comme pour le jouisseur, le robot semble avoir beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients. Ce qui le rend supérieur à l’humain. Dans Westworld, tout le monde ou presque préfère baiser avec des robots plutôt qu’avec des êtres humains, ce qui en dit long sur la société future telle que la série l’imagine. Le quotidien (c-à-d la famille) qu’on fuit de toutes ses forces, à coups de milliers de dollars, voire davantage, y semble être le plus grand ennemi du l’humanité.

On appartient tous à quelqu’un, a écrit un jour un grand philosophe américain, par conséquent le plus important c’est de bien choisir son maître. L’argent, le sexe et l’amour sont des maîtres impitoyables.