Killers of the flower moon, Martin Scorsese (2023)


Dans les années 20, un soldat, Ernest Burkhart (Leonard Di Caprio, sans doute un peu trop âgé pour le rôle qu’il joue au début du film) rejoint son oncle William Hale à Fairfax, Oklahoma. L’argent y coule à flots, car le pétrole y coule à flots. Ce pétrole appartient aux Indiens Osages qui, comble de l’ironie, ont été déplacés là par le gouvernement au cours du XIXe siècle. Les Indiens sont riches et les Blancs qui travaillent pour eux les jalousent, voire les détestent. C’est à époque-là que des meurtres d’Indiens commencent à avoir lieu, et qu’un immense système de spoliation organisé commence à émerger des boues noires de l’Oklahoma. Ernest y contribue à tous les niveaux, ce qui en fait sans doute l’idiot le plus détestable de la planète.

Ce film m’a tué.

[Critique avec spoilers]

Mais revenons en arrière…. Killers of the flower moon est l’adaptation du récit de non-fiction La Note américaine de David Grann (disponible chez Pocket). C’est un long film-fleuve de 3h26. Je l’ai vu sans jamais m’ennuyer, trouver le temps long ou même regarder ma montre. C’est une fresque historique qui m’a mis dans un sentiment de mal être quasi-permanent, tellement elle est éprouvante sur le plan psychologique (pour une fois, Scorsese s’assagit sur la violence physique, on est loin des scènes de meurtre de Casino, par exemple). Pour résumer ce spectacle, disons que Scorsese y montre l’assassinat d’une femme sur une période de temps très longue. Cette femme a à la fois la conscience qu’elle va être assassinée (comme ses sœurs) et semble quasi accepter son sort, après il est vrai un réel moment de rébellion où elle prend son destin en mains et provoque une enquête du gouvernement. Cette femme, Mollie, épouse d’Ernest et mère de ses enfants est incarnée à l’écran par Lily Gladstone, qui est juste incroyable du début à la fin (je ne sais pas si elle aura l’oscar, mais elle le mérite dix fois). Comme le précédent film du réalisateur, The Irishman, Killers of the Flower Moon est donc l’histoire d’un meurtre (même s’il y en a d’autres), un meurtre qu’on nous montre sous toutes ses coutures. Un meurtre dont le réalisateur explore les racines, la tige, les pétales, le pistil et les étamines.

En regardant ce film, j’ai eu l’impression que Scorsese voulait laisser dans sa filmographie quelque chose d’aussi important/incontournable que La Porte du Paradis dans celle de Michael Cimino. Mais le film est moins réussi. En se concentrant (trop ?) sur le destin individuel de Lily, il perd un peu de hauteur. La mise en scène est assez inventive au début, puis le film retombe dans un classicisme qui lui va bien, sans plus. La veulerie d’Ernest est éprouvante ; j’ai longtemps pensé qu’il allait changer. Mais non, c’est l’autre sujet du film. Comment un homme intelligent (William Hale / Robert De Niro) arrive à faire commettre les pires horreurs aux idiots à sa botte.

Killers of the flower moon n’est pas le chef d’œuvre de Scorsese, mais c’est un film puissant et mémorable qui met en scène deux des plus belles ordures de l’histoire du cinéma américain. C’est aussi un film d’une cruauté et d’une tristesse inouïes.

Don’t Look Up – Déni cosmique, Adam McKay (2021)

Joli casting…

Alors qu’elle travaille sur le télescope de Michigan State, la doctorante Kate Dibiasky (Jennifer Lawrence, très bien) découvre une comète qui portera bientôt son nom. Elle demande au professeur Mindy (Leonardo Di Caprio, hilarant) de valider sa découverte. Il fait et refait les calculs, la comète heurtera la terre dans environ six mois. Invités à la Maison Blanche, les deux savants de troisième ordre en informent la présidente (Meryl Streep qui fait très bien Donald Trump en jupons). Celle-ci juge qu’avec les élections de mi-mandat, il est urgent d’attendre. Furieux, Dibiasky et Mindy alertent la presse. Ils passent dans l’émission de Jack et Brie. Dibiasky y pète les plombs « on va tous crever » et Mindy pécho la présentatrice gastronome chaudasse (Cate Blanchett, insupportable comme d’hab’ mais là c’est le rôle qui veut ça). Bon, c’est pas tout ça, mais maintenant il faut sauver la Terre.

C’était bien.

En fait, c’était mieux que ça. J’ai éclaté de rire à plusieurs reprises. Leonardo Di Caprio peut incarner un prof de banlieue anxieux, j’aurais jamais cru. Jennifer Lawrence est très bien en doctorante rebelle à piercings. En fait, ils sont tous très bien. Meryl Streep en fait des tonnes, mais ça passe. Son interprétation n’est pas plus incongrue que Donald Trompe à la Maison Blanche. Mark Rylance est glaçant dans son interprétation personnelle de Steve Jobs (enfin, l’équivalent contemporain).

C’était bien, les deux heures et vingt minutes passent comme une lettre à la poste. L’amateur de science-fiction est servi avec de nombreux clins d’œil. Vous pouvez aller dire bonjour à la comète Dibiasky, vous ne le regretterez probablement pas.

Once upon a time in… Hollywood

onceupon

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Rick Dalton (Leonardo Di Caprio) est un acteur sur la pente descendante, il a été le héros d’une série télé western du type Au nom de la loi et contrairement à Steve McQueen (dont il ne cesse de croiser la route, d’une façon ou d’une autre) il n’est jamais devenu une star hollywoodienne. Il n’arrête pas d’incarner les méchants d’un soir et se noie dans l’alcool. Rick est ami avec sa doublure Jeff (Brad Pitt) qu’il emploie aussi comme homme à tout faire et chauffeur (Rick ne peut plus conduire après un énième accident en état d’ivresse). Un jour Sharon Tate et son mari Roman Polanski viennent s’installer dans la maison d’à côté. On est en 1969. A une époque charnière. Le monde va changer. Hollywood va changer et il n’y aura pas de retour en arrière.

Once upon a time in… Hollywood est un film étrange qui progresse de bal(l)ade en voiture dans Los Angeles nocturne en dialogues ciselés, qui s’arrête le temps de deux morceaux de bravoure (la scène avec Bruce Lee, la scène avec la famille Manson et le pneu crevé). Et puis survient le final, explosif, audacieux, paroxystique et tellement jouissif. 2H30 de bla bla et de crissements de pneus pour en arriver là. Trop long ? Oui et non, car chaque scène a son rôle, non pas dans ce qu’elle dit de la carrière de Rick Dalton, mais ce qu’elle dit d’Hollywood en 1969.

Leonardo Di Caprio est bluffant. On n’en attendait pas moins et on n’est jamais déçu. Brad Pitt est méconnaissable, non pas qu’il soit grimé, mais il navigue dans un registre qui lui est inhabituel. C’est plein de clins d’œil, de références, c’est pétillant comme ces trucs chimiques atroces qu’on se mettait sous la langue, enfants, jusqu’à en avoir les larmes aux yeux.

J’ai bien aimé, ça m’a réconcilié avec Tarantino dont je n’avais pas tellement aimé les derniers films, boursoufflés par une certaine prétention, alourdis par une auto-complaisance certaine.