Le Cabinet de curiosités de Guillermo Del Toro


Le Cabinet de curiosités de Guillermo Del Toro est une série Netflix de huit épisodes.

Voyons ça en détail.

Lot 36 (réalisation : Guillermo Navarro) : Le plus décevant

Nick Appleton (Tim Blake Nelson, formidable) est un vétéran qui ne manque jamais une occasion de le rappeler. Ce raciste, qui plus est, gagne sa vie en revendant au détail ce qu’il achète en gros aux enchères, notamment dans des garde-meubles dont les propriétaires ne payent plus leur loyer. Évidemment il perd aux jeux bien plus qu’il ne gagne. Un jour, il acquiert le lot 36, un bric-à-brac qui contient des livres occultes, ce qui va l’amener à croiser la route de Roland, un occultiste inquiétant (mais pas forcément des plus compétents).

Cet épisode est le plus décevant des huit, car la prestation de Tim Blake Nelson est de très haute volée : il incarne une ordure et en même temps on ne peut s’empêcher de lui trouver des circonstances atténuantes. Le scénario ne suit pas et finit par verser dans le satanisme éco+.

Graveyard rats (réalisation : Vincenzo Natali) : Le plus nul

Masson est un pilleur de tombes. Il est en compétition avec les rats qui sont parfois plus rapides que lui pour détrousser un cadavre.

Adapté d’Henry Kuttner, cet épisode ne vaut que pour le nom de Lewis Padgett apparent sur une des tombes du cimetière ; pour le reste, c’est affligeant du début à la fin. Une fois de plus, Vincenzo Natali fait appel à son acteur favori David Hewlett qui joue comme une chaussette trouée.

The autopsy (Réalisation : David Prior) : Le meilleur de tous

Un vieux médecin légiste (F. Murray Abraham, dont on se souviendra éternellement pour son rôle d’Antonio Salieri dans le Amadeus de Milos Forman) est appelé dans un village minier pour autopsier les corps de travailleurs victimes d’une étrange explosion souterraine. Ce qu’il va découvrir dépasse l’entendement.

Très bon épisode inspiré d’une nouvelle de Michael Shea (La Revanche de Cugel l’astucieux, La Quête de Nift-le-mince).

The Outside (Réalisation : Ana Lily Armipour) : le plus chiant

Sans doute influencée par ses collègues de travail qui ne parlent que de grosses bites et, en creux, des moyens de les attirer dans un plumard (la table de la cuisine fera aussi bien l’affaire), Stacey essaye une lotion miracle qui doit la rendre magnifique et lui inflige, pour commencer, des rougeurs impressionnantes et des démangeaisons au diapason. Pour quelques centaines de dollars, à peine, la vilaine chenille arrivera-t-elle à devenir un joli papillon ?

Longuet, convenu, dénué de toute subtilité, cet épisode veut nous faire croire que la vraie beauté est à l’intérieur. Le souci, c’est : « à l’intérieur de quoi ? ».

Pickman’s model (Réalisation Keith Thomas) : la plus mauvaise des deux adaptations de Lovecraft (exæquo)

Si donner le rôle du peintre Richard Pickman à Crispin Glover est la vraie bonne idée de cet épisode, malheureusement le reste est une catastrophe industrielle à oublier d’urgence. Il semblerait que les héritiers de Tolkien considèrent comme une « éviscération » l’adaptation du Seigneur des Anneaux par Peter Jackson. Là on pourrait dire pareil. Et ça a sans doute plus de sens.

Dreams in the witch house (Réalisation : Catherine Hardwicke) : la plus mauvaise des deux adaptations de Lovecraft (exæquo)

Rupert Grint (Ron Weasley dans la franchise Harry Potter) est un acteur ? Pas vraiment, si on en croit cet épisode calamiteux. Eviscération 2, le retour de la sorcière.

The viewing (Réalisation : Panos Cosmatos) : le plus stylé

Le riche Lionel Lassiter (Peter Weller) invite chez lui quatre pointures dans leurs domaines respectifs (la musique, le roman, les pouvoirs psys, l’astrophysique) à venir voir un objet qui résiste à toutes les analyses. D’abord tout ce petit monde cause, puis picole, puis s’envoie de la cocaïne spatiale avant – enfin – d’aller contempler le mystérieux caillou céleste au centre de cette intrigue psychédélique.

Panos Cosmatos (Mandy) fait du Panos Cosmatos : c’est complétement what the fuck ?! et en même temps le spectacle est presque hypnotique. Comme sur Mandy, je trouve que le réalisateur ne sait pas gérer le rythme de son récit. Ici il y a une énorme (interminable ?) mise en bouche qui donne sur un festin nu assez vite expédié. Peter Weller fait son âge (75 ans) voire davantage. Sofia Boutella fait du Sofia « perverse soft » Boutella à 101%, personne n’en sera surpris. Si la forme est complètement wahou, le fond reste quand même très léger. Mais bon, Mandy nous y avait préparé.

The Murmuring (réalisation Jennifer Kent) : le plus subtile.

Un couple d’ornithologues s’installe dans une maison à l’abandon pour étudier les phénomènes de nuées des bécasseaux. Il sont en deuil. Il aimerait aller de l’avant ; elle n’y arrive pas.

C’est l’épisode le plus subtile, le plus maîtrisé en termes de narration, le plus « Henry James », mais pas forcément le plus enthousiasmant. Paradoxalement on s’intéresse plus aux phénomènes de nuées (chez les étourneaux, les bécasseaux) qu’au deuil qui frappe le couple. La seule chose qui n’est pas subtile dans l’épisode c’est l’insistance du mari à vouloir retrouver un semblant de vie sexuelle.

Dans son ensemble, la série déçoit. Restent les présentations de Del Toro (inspirées de celles d’Hitchcock) très réussies, même pour les épisodes les plus embarrassants.

Hellboy, le reboot de la mort qui te tue…

HellboyReboot

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Il était une fois Arthur, Excalibur, Merlin et la sorcière Vivienne Nimué (une putain de française ? avec un nom pareil, je vois que ça…). Donc Arthur galope fièrement vers l’arbre de la sorcière immigrée clandestine, Merlin lui donne un coup de main, un prêtre aussi, pendant qu’on y est. Clic-clac Kodak, avec l’aide notoire d’Excalibur, on coupe la sorcière en morceaux, on met tout ça en boîtes bento et (comme on le fera plus tard avec Voldemort) on éparpille les happy meals aux cinq coins de l’Angleterre. On est au VIe siècle, un truc comme ça, et un prêtre ne voit aucun problème à s’associer avec un magicien du nom de Merlin. Bon, il faut dire que c’est pour tuer une sorcière aux petits seins qui pointent. Nécessité fait loi.

Quelques siècles plus tard, un démon-goret manipulé par plus maligne que lui décide de ramasser les morceaux de la sorcière, de rassembler tout ça et de foutre l’apocalypse chez les Anglais (alors qu’ils ont déjà Boris Johnson, vraiment… était-ce nécessaire ?) Heureusement le BPRD veille et Hellboy va pouvoir brandir son énorme pistolet (non, ce n’est pas un symbole phallique, pas plus que les cornes cassés et limées sont symboles de castration ou une épée enfoncée bien profond dans un rocher récalcitrant est symbole de panne sexuelle royale).

Alors, comment dire… Pendant tout le film je me suis dit qu’après le suicide au cheddar de Marc Veyrat, quelqu’un avait eu la bonne idée de refiler son restaurant deux étoiles (au guide Micheline, trois qui la tiennent deux qui la…) à l’ancien gérant du McDonald’s de Palavas les flots. Guillermo Del Toro sort, Neil Marshall entre et dépense 50 millions de dollars pour pondre cette bouse hallucinante. Tout est mauvais, les acteurs qui cachetonnent, les blagues à deux balles, les effets spéciaux, le scénario (quel scénario ?). La seule chose qu’on ne peut pas reprocher à Neil, c’est une certaine constance dans la médiocrité.

Moi je veux bien qu’on me file 50 millions de dollars (même 49…) pour rebooter Star Wars, j’ai le cast ! Moderne, me too et tout et tout. Leila Bekthi dans le rôle de la princesse Leia, Léa Seydoux dans le rôle de Léa Skywalker, Sergi Lopez dans le rôle de Han Solo, Vincent Cassel dans le rôle de Dark Vador, Benoît Poelvoorde dans le rôle de Chewbacca et Isabelle Huppert dans le rôle de l’Impératrice. Putain, si ça ça envoie pas du rêve, je veux bien être castré !

(Non, peut-être pas, quand même…)

 

 

La forme de l’eau, Guillermo del Toro (2017)

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Pour ceux qui auraient passé les trois dernières années au fin fond du Salawin National Park, sans téléphone portable, tablette ou ordinateur, je me permets de vous faire un résumé succinct de l’histoire…

Richard Strickland (incarné à la pelle hydraulique par Michael Shannon en pleine auto-parodie), un type très méchant, a ramené d’Amérique du sud un homme-poisson considéré là-bas comme un dieu. Il se fait un plaisir d’électrocuter la bestiole impie chaque fois qu’il le peut. Elisa Esposito, une jeune femme muette au physique quelconque, travaille comme femme de ménage dans le complexe militaro-scientifique dans lequel l’homme-poisson est retenu en captivité. Evidemment elle va en tomber amoureuse. Et va donc lui amener des œufs durs, de la musique, etc. Dans le même temps, une équipe d’espions russes espère bien mettre aussi la main sur la créature extraordinaire.

La forme de l’eau est un film de genre bardé de prix prestigieux, servi par un casting globalement très convaincant, surtout au niveau des seconds rôles (Octavia Spencer et Richard Jenkins sont bluffants). Malgré toutes ces promesses, j’ai réussi à m’ennuyer tout du long, un ennui un peu lancinant qui m’a empêché de ronfler devant l’écran, mais un ennui quand même. C’est un peu comme si L’étrange créature du lac noir (que j’ai beaucoup aimé enfant et que j’ai un peu peur de revoir) avait, sur un malentendu, eu un rapport sexuel peu convaincant avec une Amélie Poulain déboussolée de se retrouver dans la zone industrielle de Baltimore un jour de pluie.

Donc c’est une espèce de conte de fée avec scènes de masturbation, scènes de sexe, doigts arrachés mal rafistolés, meilleur ami homosexuel et j’en passe. C’est traversé par une espèce de discours sur le racisme et la tolérance, un truc fin, genre bouse de vase qui vous tombe direct dans le mug de cappuccino. Et puis il y a Michael Shannon qui se prend pour un méchant outrancier comme arrive si bien à les produire Stephen King et si mal à les incarner Hollywood.

Ça aurait pu être formidable, mais c’est trop long, trop balourd ; tout est « trop ».

 

The Strain – saison 2

Quinlan

(Y’a comme qui dirait un os).

L’épidémie vampirique progresse dans New York et l’affrontement prend des allures de triangle haineux entre d’un côté 1/ le maître / Eldritch Palmer / Eichorst, d’un autre 2/ Setrakian / Eph / Fet / Nora / Dutch et comme troisième force en présence 3/ Quinlan (Rupert Penry-Jones – photo), un vampire dissident, enfanté, armé d’une épée dont le manche semble être un magnifique fémur humain. Toutes ces alliances étant plus ou moins à géométrie variable.

C’est toujours aussi improbable (je ne vais pas spoilier, mais la façon dont Eph se sort de son duel à distance avec Eldritch Palmer est si grossière qu’on se pince pour y croire).

La série réserve quelques trouvailles qui font mouche : la détermination de Justine Faraldo (Samantha Mathis) – où commence le fascisme ? -, les « bébés-araignées » de Kelly, l’histoire d’amour d’Eldritch Palmer…

On retrouve avec plaisir le côté série B assumée de la saison 1, tout ce parfum Supernatural / comics que je trouve réjouissant. La disparition de certains personnages importants nous rappelle régulièrement que « tout ou presque peut arriver » dans ce show.

Hautement recommandable.

The Strain – saison 1

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Un avion se pose sur JFK et s’arrête en bout de piste, lumières éteintes. Tous ses passagers (sauf quatre, en fort mauvais état de santé) sont morts dans d’étranges conditions, aucun n’a eu le temps d’utiliser son portable pour signaler un quelconque problème. La soute de l’avion contient une immense boîte sculptée qui n’apparaît pas sur le manifeste de vol.  Le Dr Goodweather (Corey Stoll), du CDC, se rend sur les lieux et va être témoin d’un début d’épidémie vampirique qui va plonger New York dans le chaos.

Je n’avais pas un bon souvenir du roman de Guillermo Del Toro (co?)-écrit avec Chuck Hogan (la scène d’ouverture était tellement ridicule et WTF, sans parle du « style » utilitaire porté à sa plus simple expression – beurk), par conséquent je ne m’étais pas penché sur la série qui en avait été tirée jusqu’à que Francis Geffard – immense éditeur chez Albin Michel – ne me la conseille chaudement (ce qui est un poil surprenant quant on connaît son travail d’éditeur).

The Strain se situe dans la droite lignée de Blade 2 du même Guillermo Del Toro : c’est de la série B totalement assumée avec un soin particulier, toutefois, pour les personnages qui sont extrêmement bien écrits. Abraham Setrakian (David Bradley) est un rescapé des camps de la mort qui a sculpté le cercueil du Maître. Ephraim Goodweather est un ponte du CDC, ancien alcoolique, père absent, mari séparé mais toujours amoureux de sa femme… ce qui ne l’empêche pas de sauter sa plus proche collaboratrice, Nora Martinez. Nora, elle, doit s’occuper de sa mère, souffrant de la maladie d’Alzheimer. Eldritch Palmer (gros clin d’œil à Philip K. Dick) est un homme d’affaires mourant en quête d’immortalité. Vasiliy Fet (Kevin Durand, excellent) est un exterminateur de rats qui va passer du rongeur urbain au prédateur immortel.

La série n’est pas dénuée de défauts : le Maître est (sur le plan esthétique) ridicule, voire clownesque. Il est tellement puissant qu’on a du mal à comprendre comment il n’a pas remporté la partie en 24 heures. Parfois, il hésite à arracher la tête de certains de ses antagonistes, préférant parler avec eux (c’est sans doute une variante de ce qu’on appelle communément « jouer avec la nourriture »). Tout ça n’est pas très sérieux, assez comics, et c’est précisément ce que j’aime bien, ça renvoie à une des mes séries chouchou : Supernatural. Donc c’est de la BD filmée (avec des erreurs scénaristiques de la taille de la statue de la liberté) et, en même temps, il y a des scènes de violence psychologique plutôt étouffantes, des scènes vraiment ambiguës, des scènes de pure tension.  Le treizième et dernier épisode de la saison 1 est, sur ce plan, très réussi.

Certains épisodes sont réalisés par Peter Weller ou John Dahl. Le premier est réalisé par Guillermo Del Toro himself.

Tout est foutu : je crois que je vais attaquer la saison 2 dans la foulée de la première.