Freaks, Adam Stein & Zach Lipovsky (2018)

🍦

Chloé a 7 ans. Elle vit dans avec son père dans une maison complètement calfeutrée, elle n’a pas le droit de sortir, de parler avec les voisins et elle répète son rôle, elle s’appelle Eleanore Reed, elle a sept ans et son sport préféré est le baseball. Quand son père (Emile Hirsch) un brin tyrannique s’endort, des événements ont lieu autour de la maison, notamment le passage d’un vieux marchand de glaces (Bruce Dern). Un jour, Chloé commet l’irréparable, elle accepte une glace au chocolat de la part de sa voisine et, pour ce, elle ouvre la porte. Le voile est en train de se lever, la vérité apparaît peu à peu : Chloé appartient à une branche divergente de l’Humanité, les Freaks (traduits anormaux en politically correct à destination des médias) que les normaux traquent et exécutent sans hésiter.

Freaks est une série B à petit budget (les réalisateurs estiment que les effets spéciaux, 250 plans, ont coûté au final moins de 2000 dollars) qui trouve sa source dans le roman Charlie de Stephen King (je ne noterai pas les points communs, ce serait fastidieux) et les X-men originels, ceux nés des traumatismes de la Seconde guerre mondiale qui provoquent la peur et le refus de l’autre, car il sont différents, mais surtout plus puissants.

C’est un petit film, avec somme toute de petites ambitions et qui essaye de traiter la thématique des mutants sous un angle différent, peut-être plus familial, plus intimiste. Paradoxalement, c’est à mon sens, pas ce qu’il y a de plus réussi dans le film. A contrario, les réalisateurs esquissent le portrait ambiguë d’une implacable tueuse de monstres (Grace Park) que j’ai trouvé très réussi.

Je le conseille, parce que c’est bien de retrouver le goût pour ces films à petits budgets, inventifs, sincères, filmés avec amour et une vraie envie de casser la plupart des codes hollywoodiens actuels. Je le rangerai un peu dans la même boîte que Chronicle et Brightburn, mais si c’est à mon sens beaucoup moins abouti (ce qui n’explique pas entièrement le budget très serré).

Brightburn, David Yarovesky (2019)

brightburn

//

(A l’origine, j’ai choisi ce film dans ma PàM – Pile à Mater – parce que je voulais un navet pour me détendre).

Les Brewer habitent une ferme en périphérie de Brightburn. Ils aimeraient avoir un enfant, mais ça ne marche pas. Une nuit une météorite s’écrase dans leurs champs et dedans ils ne trouvent pas Kal-El, mais un bébé de sexe masculin qui va devenir leur fils Brandon.

Les années passent, Brandon n’est jamais malade, ne saigne jamais. Au moment de la pré-puberté, il se met à agir étrangement : il cache des précis anatomiques sous son lit, il a des crises de somnambulisme, ses parents le suspectent d’avoir tué les poules, puis il blesse une camarade de classe (après l’avoir désirée et effrayée). Comme le spoile l’affiche : Brandon Brewer n’est pas là pour sauver le monde.

Brightburn n’est pas un bon film, on ne peut pas dire ça. Sa vision suppose de suspendre son incrédulité à un niveau sans doute excessif. Difficile de croire que personne ne s’est intéressé à la chute d’une météorite dans la campagne américaine (il y a des chasseurs de météorites en France, il doit forcément y en avoir aux USA), difficile de croire à ce vaisseau spatial caché sous la grange des Brewer, mais il y a un mais : j’ai pris un grand plaisir à regarder ce petit film d’horreur, un plaisir coupable, comme quand vous regardez une série B mal foutue (et/ou fauchée) mais qui regorge d’idées et d’audace.

Des idées il y en a plein dans Brighburn, tout le jeu sur le personnage de Superman, les oppositions famille Kent / famille Brewer, Clark Kent / Brandon Brewer, les pouvoirs de Brandon et leur utilisation. L’introduction de la sexualité / pré-puberté dans un film de super-héros et/ou super-vilain.

Des audaces il y en a aussi, le personnage de la mère jouée par Elizabeth Banks que j’ai trouvée excellente, les scènes d’horreur qui envoient, mais pas pour rire, car Brighburn est un vrai film d’horreur (avec deux scènes à la limite du supportable). Le film est jusqu’au-boutiste, il avance vers sa conclusion comme un bulldozer (au mépris de toute surprise scénaristique). Il dit des choses intéressantes sur le fait d’être parents aimant d’un enfant qui tourne mal sans qu’on puisse y faire quoi que ce soit (cette facette du film ne vaut évidemment pas le glaçant We need to talk about Kevin). Il dit des choses intéressantes sur la dualité acquis/inné, le pouvoir, le désir, la morale, avoir les moyens (ici surnaturels) d’assouvir ses soifs.

Brightburn m’a fait penser au cinéma de Larry Cohen, qui n’a jamais été un grand cinéaste, mais a réalisé quelques films « boules puantes » assez croquignolets, à la fois ridicules et mémorables, dans le sens où on ne les oublie pas. Le meilleur exemple reste sans doute Le Monstre est vivant (1974) qui entretient plusieurs liens avec Brightburn. Pour rigoler vous pouvez aussi regarder son Epouvante sur New York (Q en VO) où un monstre ailé mord à pleines dents dans la grande pomme.

Je ne sais pas si les scénaristes ont fait exprès (en fait, j’ai un gros doute sur la question), mais il y a un ou deux passages du film qui m’ont renvoyé directement à La République de Platon (et ce n’est pas tous les jours que je pense à La République en matant un film d’horreur).

« L’âme possède deux fonctions: l’une est raisonnante, l’autre désirante (irraisonnée). La fonction raisonnante doit commander à la partie impétueuse. La fonction médiatrice, ou tempérance, doit soutenir le parti de la raison. »

//