La Vallée perdue, James Clavell (1971)


Un professeur allemand (Omar Sharif), qui a tout perdu, fuit les combats de la guerre de trente ans dans une vallée isolée, où tout le monde mange à sa faim, où la guerre semble très lointaine. Juste après son arrivée, une troupe de mercenaires débarque. Menée par le Capitaine (Michael Caine). Ils s’installent au village et demandent six femmes pour le repos des guerriers. Des femmes sont choisies. Le Capitaine se rapproche de la sorcière du village, près, trop près. Une femme, Inge, promise à un jeune homme, se lie avec le professeur qui, pour survivre, va devoir se rendre indispensable et va jouer avec les superstitions des villageois.

L’esprit humain est étrange. Très déçu par la nouvelle adaptation de Shogun, j’ai décidé de revoir La Vallée perdue de James Clavell. J’ai été surpris de voir à quel point ce film fait office de terreau d’inspiration au classique de Paul Verhoeven La Chair et le sang. La Vallée perdue n’est pas exempt de défauts et a mal vieilli sur certains point, mais ça reste un très bon film. Parmi les défauts, il est totalement impossible de considérer Omar Sharif comme un potentiel professeur allemand de la guerre de trente ans, malgré tout les efforts de son coiffeur ou de sa coiffeuse. Ce choix de casting est étrange. Les scènes de batailles sont pataudes et manquent de force, on est très loin de ce que Mel Gibson va imposer avec Braveheart, beaucoup plus tard, il est vrai.

Une fois de plus, l’acteur Michael Gothard crève l’écran dans le rôle de Hansen, la pire fripouille du Capitaine.

Le film regorge de thèmes : la foi, la religion, le viol, la guerre, la sorcellerie. Ma foi, tout est assez bien traité. Par certains côtés, c’est d’une radicalité assez surprenante pour un film de 71 (très bonne année, puisque c’est celle qui m’a vu naître).

Il existe une version blu-ray espagnole avec des sous-titre français. Ce n’est pas la version que je possède. J’ai un vieux DVD anglais sans sous-titres français.

A découvrir, ne serait-ce que pour la prestation étonnante de Michael Caine.

God is a bullet, Nick Cassavetes (2023)


Bob Hightower est un flic de bureau, une chauffeur de fauteuil, pas un flic de terrain. Quand sa fille de quatorze ans est kidnappée par un groupe de trafiquants de drogue satanistes qui traîne des deux côtés de la frontière mexicaine, Bob est complètement désemparé. Son ex-femme a été violée, assassinée. Le crime commis est d’une brutalité extrême, complètement hors-norme pour ce policier. Et puis quelques semaines après la disparition, Bob est contactée par une jeune femme, Case (Maika Monroe, qui a elle-seule transcende le film). Case est une ancienne sataniste, une ancienne junkie, une ancienne prostituée. Elle est aussi déterminée. En fait, malgré qu’elle progresse sur la lame du rasoir, elle bien plus déterminée que Bob à retrouver ses anciens complices. Lui veut sauver sa fille, mais Case, que veut-elle ?

En quelques mois, j’ai vu trois fois God is a bullet.

D’abord j’ai vu la version tronquée d’1h59. Et j’ai trouvé le film bancal, raté, mais aussi traversé par des fulgurances qui m’ont rappelé un David Lynch à son meilleur (Sailor&Lula, Lost Highway). Sachant qu’il y avait une version longue, je me la suis procurée. Et là, j’ai trouvé le film bien meilleur, beaucoup de détails qui m’avaient posé problème la première fois ont pris sens. Et enfin j’ai fini par l’acheter en Blu-Ray (allemand – l’offre allemande est bien meilleure que l’offre française, notamment en matière de films d’horreur) et je l’ai trouvé encore meilleur que les deux fois précédentes. Alors ce n’est pas un film parfait, mais c’est sans doute le meilleur film de Nick Cassavetes (fils de Gena Rowlands et John Cassavetes).

La première chose qui frappe dans ce film, c’est l’interprétation de Maika Monroe. Elle est tellement dans son personnage que c’est incroyable, elle donne corps et âme à Case, et rend par comparaison Nicolaj Coster-Waldau bien falot, alors qu’il ne démérite pas en flic croyant dépassé par les événements. Le film est d’une violence à la fois réaliste et grotesque qui m’a rappelé celle de Sailor&Lula. Les méchants sont impressionnants. Les 2h36 passent sans problème, il n’y a quasiment aucun temps mort, aucun ventre mou. C’est puissant. Vraiment puissant, je désespère qu’il y ait si peu de film de ce genre.

God is a bullet est l’adaptation du roman éponyme de Boston Teran (visiblement un pseudonyme), en bon français Satan dans le désert. Roman que je n’ai pas lu et que je ne lirai probablement jamais, mais je garde le nom de l’auteur dans un coin de ma tête, car nombre de ses œuvres sont inédites en français.

Badlands hunters, Heo Myeong Haeng – 2024


Après un tremblement de terre dévastateur, la ville de Séoul n’existe plus. Dans les ruines de l’ancienne capitale coréenne, un savant fou a créé une communauté dans un immeuble qui a accès à de grandes quantités d’eau potable. Il veut ressusciter sa fille en utilisant certaines propriétés de certains lézards. Pour poursuivre ses expériences, il a besoin d’enfants et d’adolescents. Ce que lui amènent les gangs des badlands, bien contents de récupérer de grandes quantités d’eau potable. Mais un jour, les gangs kidnappent la jeune Su-Na, lançant à leurs trousses un ancien boxeur indestructible : Nam-San et son garçon boucher (amoureux de la jeune fille).

Navet.

On peut le prendre par tous les bouts, ce Mad Max coréen est un magnifique, énorme navet. Tout y est absolument, irrémédiablement, con. A commencer par le tremblement de terre qui rase littéralement la Corée du sud et la propulse dans une ère post-apocalyptique digne de George Miller. Ce serait oublier que ce pays a des alliés, notamment en « occident » (d’ailleurs la sulfureuse Turquie d’Erdogan a survécu à un énorme tremblement de terre récemment). Une fois qu’on a compris qu’on allait naviguer sur les flots d’une flamboyante série Z kimchi / kung fu / post-apocalyptique avec des ophidiens en kinder surprise, on peut regarder l’ensemble d’un œil paresseux tout en suivant ses mails sur son téléphone portable, du genre « oh, une décapitation ».

Dans ce film, le réjouissant Ma Dong-Seok s’impose comme un Sylvester Stallone coréen crédible.

[Coffret DVD] Baba Yaga / Baba Yaga – La Forêt des damnés


Alors que je viens de publier l’excellent roman de GennaRose Nethercott sur Baba Yaga : La Maison aux pattes de poulet, je me suis laissé tenter par ce coffret DVD (vraiment pas cher, chez un célèbre dealer en ligne) en me disant que ça pourrait être intéressant (au pire, même devant un film d’horreur mauvais je n’ai pas l’impression de perdre mon temps). Je croyais que les deux films se suivaient et j’ai donc commencé par Baba Yaga, dont le titre anglais Don’t Knock Twice est, à la réflexion, plus approprié.

La sculptrice Jess a abandonné sa fille Chloé pendant qu’elle était en proie à divers problèmes, dont une toxicomanie avérée. Des années plus tard, clean, elle invite sa fille devenue adulte à venir vivre chez elle. Jess possède, avec son nouveau mari, une magnifique propriété, du genre un chiffre et six zéros derrière. Le problème c’est que sa fille Chloé a été le témoin d’une disparition particulièrement traumatisante : son ami Danny a frappé deux fois à la porte de la sorcière. Une fois de trop. Et maintenant Baba Yaga est à ses trousses.

Ce film de Caradog W. James se laisse voir. Il n’a malheureusement pas grand intérêt. La légende de Baba Yaga est vraiment secondaire et l’ensemble a la subtilité d’un semi-remorque texan qui roulerait sur une famille de hérissons. Le réalisateur tente le coup du double twist/mindfuck, sans convaincre totalement. Mouais. Passons.

J’ai été nettement plus surpris/conquis par La Forêt des damnés (qui aurait dû plutôt être titré La Forêt des oubliés). Premier choc, le film est en russe. Après cinq minutes à jouer avec ma télécommande (à la recherche de la langue d’origine), j’en suis arrivé à la conclusion totalement improbable qu je regardais un film russe (et donc absolument pas la suite du précédent). Je veux dire : en se fiant aux cinq premières minutes, ça ne ressemble pas à un film russe. Une banlieue parfaite, des immeubles neufs et colorés, un soleil unanime, des adolescents relous. Dans ce film, on suit Egor qui a perdu sa mère. Son père s’est remarié avec une autre femme et ils ont eu ensemble une petite fille. Cette autre femme, qui ne travaille pas mais arrive quand même à être débordée, engage une nounou. Arrive donc dans la famille une jeune femme sexy, totalement imbuvable, qui prend Egor de haut. Celui-ci ne se laisse pas faire et soupçonne vite l’intruse d’être dangereuse (une nounou bombasse, sérieux, existe-t-il sur terre quelque chose de plus dangereux pour un couple). Quand sa petite sœur disparait, Egor passe de l’autre côté du miroir : son père et sa belle-mère ont totalement oublié qu’ils avaient eu un enfant et la nounou est étrangement sortie du tableau. L’adolescent va donc demander de l’aide à sa voisine Dasha.

Très honnêtement, c’est un traitement à la Stephen King de la légende de Baba Yaga : un groupe d’ados russes décident de récupérer la petite sœur de l’un d’entre eux et de faire la peau à la sorcière qui a kidnappé le bébé. Il y a quelque chose de vraiment épique dans cette histoire, cette lutte du bien contre le mal. Le rendu esthétique, totalement contre-intuitif, de cette banlieue russe cossue, colorée, parfaite m’a fait penser à plusieurs romans de J.G Ballard (dont Le Massacre de Pangbourne). L’ensemble est plein de trouvailles, notamment esthétiques. Et déploie sa propre mythologie « contemporaine » développée à partir de celle de Baba Yaga. On se laisse prendre par l’intrigue qui est rondement menée, à défaut d’être d’une immense originalité. Pour un film d’une heure et trente-sept minutes, c’est sacrément riche, l’air de rien.

Au final : un film anglais sans intérêt et un film russe classique dans son approche kingienne du mal et, en même temps, vraiment convaincant.

Killers of the flower moon, Martin Scorsese (2023)


Dans les années 20, un soldat, Ernest Burkhart (Leonard Di Caprio, sans doute un peu trop âgé pour le rôle qu’il joue au début du film) rejoint son oncle William Hale à Fairfax, Oklahoma. L’argent y coule à flots, car le pétrole y coule à flots. Ce pétrole appartient aux Indiens Osages qui, comble de l’ironie, ont été déplacés là par le gouvernement au cours du XIXe siècle. Les Indiens sont riches et les Blancs qui travaillent pour eux les jalousent, voire les détestent. C’est à époque-là que des meurtres d’Indiens commencent à avoir lieu, et qu’un immense système de spoliation organisé commence à émerger des boues noires de l’Oklahoma. Ernest y contribue à tous les niveaux, ce qui en fait sans doute l’idiot le plus détestable de la planète.

Ce film m’a tué.

[Critique avec spoilers]

Mais revenons en arrière…. Killers of the flower moon est l’adaptation du récit de non-fiction La Note américaine de David Grann (disponible chez Pocket). C’est un long film-fleuve de 3h26. Je l’ai vu sans jamais m’ennuyer, trouver le temps long ou même regarder ma montre. C’est une fresque historique qui m’a mis dans un sentiment de mal être quasi-permanent, tellement elle est éprouvante sur le plan psychologique (pour une fois, Scorsese s’assagit sur la violence physique, on est loin des scènes de meurtre de Casino, par exemple). Pour résumer ce spectacle, disons que Scorsese y montre l’assassinat d’une femme sur une période de temps très longue. Cette femme a à la fois la conscience qu’elle va être assassinée (comme ses sœurs) et semble quasi accepter son sort, après il est vrai un réel moment de rébellion où elle prend son destin en mains et provoque une enquête du gouvernement. Cette femme, Mollie, épouse d’Ernest et mère de ses enfants est incarnée à l’écran par Lily Gladstone, qui est juste incroyable du début à la fin (je ne sais pas si elle aura l’oscar, mais elle le mérite dix fois). Comme le précédent film du réalisateur, The Irishman, Killers of the Flower Moon est donc l’histoire d’un meurtre (même s’il y en a d’autres), un meurtre qu’on nous montre sous toutes ses coutures. Un meurtre dont le réalisateur explore les racines, la tige, les pétales, le pistil et les étamines.

En regardant ce film, j’ai eu l’impression que Scorsese voulait laisser dans sa filmographie quelque chose d’aussi important/incontournable que La Porte du Paradis dans celle de Michael Cimino. Mais le film est moins réussi. En se concentrant (trop ?) sur le destin individuel de Lily, il perd un peu de hauteur. La mise en scène est assez inventive au début, puis le film retombe dans un classicisme qui lui va bien, sans plus. La veulerie d’Ernest est éprouvante ; j’ai longtemps pensé qu’il allait changer. Mais non, c’est l’autre sujet du film. Comment un homme intelligent (William Hale / Robert De Niro) arrive à faire commettre les pires horreurs aux idiots à sa botte.

Killers of the flower moon n’est pas le chef d’œuvre de Scorsese, mais c’est un film puissant et mémorable qui met en scène deux des plus belles ordures de l’histoire du cinéma américain. C’est aussi un film d’une cruauté et d’une tristesse inouïes.

Gunpowder Milkshake, Navot Papushado (2021)


Sam est tueuse à gages, elle travaille pour la Firme comme sa mère avant elle. Un jour, une mission part en sucette et la mission suivante, conçue pour réparer le dérapage de la précédente, foire encore plus fort, plus mal. Alors, Sam n’a pas d’autre choix : pour sauver sa peau et celle d’une gamine de huit ans qu’elle a transformée en orpheline, il lui faut retourner à la Bibliothèque.

(Parmi les nombreuses perversions sexuelles dont je souffre (ou jouis, c’est selon) je ne peux pas résister à un film avec Angela Bassett.)

Gunpowder Milshake c’est un film d’action sanglant pour de rire, un truc pop qui défrise et décoiffe. On retrouve parfois l’ambiance du premier John Wick avec cette Bibliothèque qui joue un peu le même rôle scénaristique que l’hôtel Continental dans la bien décevante (au final) tétralogie John Wick. Plus réussi que le récent Bullet train, moins laborieux à mon avis, (mais totalement dans la même veine), Gunpowder Milkshake présente son lot d’héroïnes hypercools et sa horde de méchants ridicules et/ou pathétiques. Les scènes d’action envoient du bois (beaucoup de sapin, au final) et le scénario un brin délirant évoque une boisson pétillante très sucrée mélangée avec un red bull réduit au barbecue. Quant aux Bibliothécaires (Angela Bassett, Michelle Yeoh et Carla Gugino), c’est un peu la revanche triomphante des cinquantenaires/soixantenaires sur Hollywood. On peut aussi apprécier le sous-texte.

Moi j’adore.

Misanthrope, Damián Szifron (2023)


Le soir du nouvel an, à Baltimore, un tireur abat 29 personnes avec un vieux fusil de sniper, sans rater un seul tir, puis fait exploser l’appartement où il se trouvait. Eleanore (Shailene Woodley), simple agent de police, se rue sur les lieux de l’explosion, commence à filmer les gens qui sortent de l’immeuble et ordonne à un autre policier de faire de même. Puis, alors que les pompiers interviennent, elle monte sans masque les 17 étages jusqu’à l’appartement d’où sont provenus les tirs. Arrivée sur place, elle perd connaissance, avant d’être prise en charge par les pompiers. Quand elle revient à elle, peu de temps après, toujours dans l’appartement dévasté, un agent du FBI est là. D’un coup de tête, elle lui montre les toilettes et il comprend aussitôt que le tueur les a peut-être utilisées. Quelque chose se passe alors entre le vieux agent du FBI au bord de la retraite (Ben Mendelsohn) et cette jeune femme, un peu chien fou, qui a beaucoup de choses à cacher ou du moins à oublier. Elle suppose tout naturellement qu’il veut la sauter, mais pour une fois elle est à côté de la plaque : il a vu en elle quelque chose qui va lui permettre d’attraper l’as du fusil à lunettes.

Pas exempt de défauts (il y a des failles scénaristiques sur la fin, je ne spoile pas), Misanthrope (titre français idiot de To catch a killer) propose par ailleurs quelque chose de vraiment convaincant : le portrait d’un tueur qui (contrairement à ce qu’on pourrait penser de prime abord) n’agit pas sans raisons. C’est la grande force du film, on remonte à contre-courant le parcours d’un homme jusqu’aux événements qui, les uns après les autres, l’ont brisé et forgé. Une fois brisé, rejeté par tous ou presque, il n’a pas eu d’autre choix que de se mettre en marge de la société. Le personnage d’Eleanore est quelque part son double policier : elle vit seule avec son chat, ne prend plus la peine de fermer la porte des toilettes quand elle y va, etc. Les mécanismes du film rappellent Dragon rouge/Le Sixième sens. D’ailleurs, davantage le film de Michael Mann que son remake de 2002. Tout comme Will Graham, Eleanore sait à quel point il est dangereux de rentrer dans la tête du tueur qu’on pourchasse. Il y a aussi un côté Les Dents de la mer, assumé car cité, le politique met des bâtons dans les roues de l’enquête pour des raisons « politiques ».

Au final, un très bon film à thèse qui surprend à plusieurs reprises et ne va pas du tout dans la direction que laisse entrevoir sa spectaculaire et très hollywoodienne scène d’ouverture. Comme beaucoup de films à thèse, le scénario se plie un peu aux entournures pour que le fond reste bien en vue, bien lisible. La fin aurait pu être plus forte. Plus dramatique et moins américaine. Il est probable que si ce film avait été tourné dans un pays scandinave, mis en scène par un réalisateur du cru, il aurait gagné en puissance psychologique ce qu’il aurait sans doute perdu en muscle américain. Shaleine Woodley livre une performance honnête, qui ne m’a pas mis à genoux (on est loin de Jodie Foster dans le sous-estimé, et largement incompris en ce qui me concerne, A vif de Neil Jordan). Ben Mendelsohn qui a le rôle ingrat du vieil agent de l’état fédéral écrasé par la charge qu’on lui a mises sur les épaules est lui extrêmement fort, à la fois odieux, touchant, fragile, capable de se fier à son instinct, pour le meilleur comme pour le pire. Dommage que les producteurs n’aient pas compris que la partie « humaniste » de ce film était plus intéressante que sa composante spectaculaire.

Je note le nom du réalisateur.

Fresh, Mimi Cave (2022)


Noa (Daisy Edgar-Jones) est une jeune femme célibataire. Elle utilise des applications de rencontre, sans grand succès. Puis raconte ses désastres amoureux à sa meilleure amie Mollie (Jojo T. Gibbs). Un jour, au supermarché, elle tombe sur un homme plutôt drôle qui la drague ouvertement (Sebastian Stan). Il lui demande son numéro de téléphone et elle accepte. Plus tard, ils se retrouvent dans un bar, puis dans un lit. Ils décident ensuite de faire une virée à la campagne… qui ne va pas du tout mais alors pas du tout se passer comme prévu, pour Noa.

L’affiche du film spoliant frontalement son sujet, je vous le livre ici sans grand souci. Steve fait commerce de viande humaine (environ 30 000 dollars le repas). Il ne prélève sa matière première que sur des jeunes femmes (et il s’en expliquera ensuite). Loin d’être un psychopathe bas du front, Steve est une sorte de chirurgien esthète qui, par bien des aspects, évoque Mads Mikkelsen dans le rôle d’Hannibal Lecter.

Fresh est un film perturbant, à tel point que je me suis dit que ça faisait bien longtemps que je n’avais pas vu un film me mettre vraiment mal à l’aise. Le jeu de chat et de souris auxquels se livrent les deux protagonistes (très bien interprétés, l’un comme l’autre) autour de l’anthropophagie m’a rappelé Portier de nuit de Liliana Cavani (film éprouvant s’il en est) et Le Dernier Tango à Paris de Bernado Bertolucci, dont les conditions de tournage (on le sait maintenant) ne font honneur ni à son réalisateur ni à son acteur principal, Marlon Brando.

Bon, il y a fort à parier que Fresh ne restera pas dans l’histoire du cinéma comme un film majeur, mais il n’est pas inintéressant, loin de là. Mimi Cave, dont c’est le premier long-métrage sauf erreur de ma part, décrit en creux un monde viscéralement hideux où l’argent est plus fort que tout. Elle nous montre suffisamment de choses de ce monde occulte pour qu’il nous semble aussi possible que terrifiant… sans en faire trop, ce qui aurait fragilisé l’ensemble. Il y a beaucoup de non-dits, de choses qui reste dans l’ombre dans Fresh et ça fait du bien de voir une réalisatrice tenter ça de nos jours.

Une réalisatrice à suivre.


Photo de la réalisatrice trouvée sur son site mimicave.com

The Sacrament, Ti West (2013)



Un frère se rend avec une équipe de tournage dans un pays étranger (Amérique du sud, Caraïbes ?) pour retrouver sa sœur qui fait partie d’une communauté évangélique qui vit en autarcie. Dès le départ, les choses tournent mal : il y a des gardes armés et la présence du journaliste et du caméraman semble beaucoup déranger Father, le leader de la Paroisse de l’Éden. Paradoxalement, les gens ont l’air heureux et plutôt bien installés, il y a même une petite clinique.

Avant de voir ce film (que j’ai acheté à cause de son réalisateur) j’ignorais totalement qu’il « rejouait » de nos jours un fait divers de 1978 très célèbre, en intégrant internet, les téléphones portables, etc. Si vous ne voulez pas être spoliés, n’allez pas plus loin que ce paragraphe. Le film n’est pas terrible et ne vaut que par le long face à face entre Father (Gene Jones) et le journaliste new-yorkais (A.J. Bowen) venu l’interviewer sans y être invité. Il n’est pas tenu, c’est un found footage partiel/pataud qui trahit les règles du genre chaque fois que ça arrange le réalisateur. On n’est pas pris dans le truc parce que justement le truc ne fonctionne pas sur le plan technique et donc ne crée pas la sidération qu’il voudrait créer.

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La Maison du mal, Samuel Bodin (2023)


Peter est un petit garçon attachant. Sensible, timide, intelligent, il est la risée de ses camarades. Rien de plus normal.

Peter fait des cauchemars. Il entend une petite fille demander de l’aide. Une petite fille qui lui dit que ses parents (Anthony Starr et Lizzy Caplan) ne sont pas ce qu’ils semblent être. Hé ben, si y’a un trucs qui est sûr, c’est que ses parents sont weirdos, du genre carrément flippant.


J’ai presque envie de faire une critique éclair de ce chef d’œuvre de l’horreur contemporaine, une critique en piqué du style : « c’est vraiment un des pires trucs que j’ai jamais vus ». Après, je me suis rendu compte que plein de fans de films d’horreur l’ont adoré. Ah, ouais, ils avaient pris de la drogue avant ? Beaucoup ? Ce qui m’oblige à me remettre en question : les fans ont-ils tort, sont-ils camés à mort ou suis-je en train de me lasser de ces zillions de films d’horreur où les enfants sont la cible d’une méchante créature surnaturelle

Creusons la bête à la petite cuillère. Pour moi, rien ne va. Le scénario est écrit pour produire des effets sur le spectateur : dégoût, peur, sursaut, voire flatulence incontrôlée. Il n’est pas écrit pour être cohérent et/ou logique. Et en fait, à bien y réfléchir, l’histoire qu’on nous raconte n’a foutrement aucun sens (redéroulez-là en sens inverse, vous verrez). Anthony Starr joue mal, c’est bien la première fois que je le vois à côté de son rôle, Lizzy Caplan est trop bizarre (bon c’est pas forcément un reproche), mais elle en fait des tonnes dans la bizarrerie, genre mère flippée qui se ronge les ongles jusqu’aux aisselles. Et quand Miss Devine (l’institutrice de Peter) visite ses parents, ben normalement toute personne sensée se retrouve cinq minutes plus tard à téléphoner au shériff, aux services sociaux et pourquoi pas à la presse locale, tant qu’à faire.

J’y ai jamais cru, je ne suis jamais entré dans cette histoire, et une fois le secret éventé je me suis laissé glisser jusqu’à la fin sans vraiment m’intéresser à ce qui se passait à l’écran. Il y a plein de trucs qui m’ont fait glousser, notamment la scène où Anthony Star imite Jack Nicholson dans Shining. Bon le film a quand même une qualité que personne ne pourra lui retirer : il fait moins d’une heure et demie.