Abysses, série TV d’après le best-seller de Frank Schätzing.


Un peu partout sur notre planète les choses se compliquent pour l’humanité qui veut barboter sur la plage, observer des baleines, récupérer des hydrocarbures sous-marins ou, salauds de riches, manger du homard (je pense que la scène du homard éjaculateur restera longtemps dans les annales des scènes les plus hilarantes de la télévision hexagonale – évidemment la bestiole éjacule sur un homme, sinon ça aurait été de très mauvais goût, alors que là c’est parfait). Donc au Canada c’est une baleine qui détruit un bateau de touristes de gauche (ben oui, les gens qui s’intéressent aux baleines sont plutôt de gauche, c’est très documenté, surtout à Vancouver) ; en France c’est les fruits de mer qui empoisonnent les gens (en même temps, ça arrive chaque année ; dans des proportions moindres, certes) ; en Scandinavie (refuge bien connu de la plupart des terroristes écologiques de la planète), c’est un pipeline qui est menacé par des vers de glace (je ne suis pas sûr d’avoir bien compris cette partie de l’intrigue pour être tout à fait sincère, un effet secondaire de la codéine ?).

Pour être tout à fait transparent (en tout cas, plus qu’une multinationale des énergies fossiles) : j’ai dévoré la série en trois jours. Mais j’ai une excuse : je suis en arrêt maladie et je ne peux pas marcher sans avoir l’impression qu’on m’épluche le pied droit avec un instrument rouillé dessiné par David Cronenberg, alors le canapé c’est très bien pour regarder des idioties, donner des ordres aux enfants (qui n’y répondent pas favorablement) ou faire diminuer la double pile à lire de BDs qui, dans ma chambre, commençait à ressembler aux Twin Towers (et on sait comment ça finit ce genre de délires architecturaux). Mais je m’égare…

Revenons à nos baleines. Il faut reconnaître que ce gloubigoulba télévisuel et international est plutôt prenant. C’est bien fait, plutôt bien joué, les effets spéciaux sont impressionnants pour une série télé où jouent des acteurs de nationalité française. Après, c’est une sorte de remake messianique du Abyss de James Cameron et j’avoue que ce côté biblique lourdingue, façon plaies d’Égypte, m’a gonflé. Il y a une partie politique dans la série qui est, je crois, à ne pas négliger, dans le sens où l’OMS et les grandes organisations de ce genre refusent de financer la grande enquête scientifique sur la révolution des océans que veulent mener nos héros, mission ô combien périlleuse (genre Sphere de Michael Chrichton, si vous n’avez pas vu le film… vous pouvez continuer comme ça longtemps), mission qui sera donc au final financée par un richissime transporteur maritime japonais. C’est bien simple, on se croirait chez Neal Stephenson… la rigueur scientifique en moins. Notez bien que j’y connais rien en baleines, en virus marins et en vers de glace (dont j’ignorais encore l’existence il y a quatre jours) et j’ai dû manger deux fois du homard dans ma vie, mais quand même je me suis étranglé une fois ou deux devant mon écran, en me disant « heu, là c’est grand même très gros, même Michael Chrichton n’aurait pas osé ».

Dans une espèce de rêve éveillé à propos duquel la codéine n’est probablement pas totalement innocente, j’attends maintenant de pince ferme le débunkage de Roland Lehoucq et son équipe de farouches justiciers de la science ; ça risque d’être hilarant.

Quant aux poissons… faites comme moi, ne mangez que les fish&chips du Poppies à Londres (leur sauce, c’est un scandale tellement elle est bonne). Vous n’êtes pas forcé de me croire, mais cette ligne de conduite ne peut avoir qu’un impact bénéfique sur la santé mentale des océans.

Perceval, Pandolfo & Risbjerg (Le Lombard)


Résumé éditeur :

Isolé avec sa mère dans la forêt depuis toujours, Perceval ne connaît rien à la société des hommes. Il aime vivre en communion avec la nature jusqu’au jour où il croise un groupe de chevaliers de la Table Ronde. Fasciné par leurs armures resplendissantes, il ne rêve plus que d’une chose : rejoindre leur ordre et servir lui aussi le roi Arthur. Malgré sa naïveté et grâce à une détermination exemplaire, il y parviendra sans trop de difficultés, mais il devra relever un autre défi plus complexe à mener à bien : découvrir qui il est vraiment.

Mon avis :

Depuis quelques années maintenant j’ai l’habitude de noter dans mon téléphone le titre des bande-dessinées qui m’intéressent, que je repère chez mon libraire spécialisé, sur les blogs, ou dont on me parle ici ou là, IRL ou sur le forum du Bélial’ qui est le seul que je fréquente… par manque de temps, il est vrai. Je ne sais plus comment j’en suis arrivé à noter cette BD, puis à la commander. Mais une chose est sûre, je l’ai achetée à peu près en même temps que Morgane de Stéphane Fert & Simon Kansara, donc ça vient de là, d’une envie de lire des BDs sur la Matière de Bretagne, après avoir travaillé sur le Morgane Pendragon de Jean-Laurent Del Socorro.

A priori, rien dans le projet n’était pour moi. Un jeune homme naïf, des animaux qui parlent. Aargh, ça commence comme un Walt Disney grande époque. Tout ce que je déteste. Sauf que la scénariste – Anne-Caroline Pandolfo – s’amuse beaucoup avec la soi-disant naïveté de son récit, décalque a priori logique de la naïveté (de surface ?) de son héros. Perceval est une bande-dessinée très agréable à lire, érudite, qui comporte plusieurs niveaux de lecture, et qui m’a beaucoup rappelé les scénarios d’Hubert, Beauté, Peau d’homme. Il y a plein de réflexions teintées d’humour sur la chevalerie, l’honneur, la transmission, la famille, la noblesse et avant tout l’identité. Il y a aussi tout un sous-texte sur la virginité, l’impureté du sang, la pureté des âmes.

Quant au dessin, il est original mais approprié, renforcé par un découpage souvent audacieux, qui m’a à plusieurs reprises impressionné. Terkel Risberg a un talent fou. Il me semble que son style très « jeunesse » peut être clivant, mais dans le cadre de ce récit, c’est parfait et ça n’empêche ni une certaine brutalité, ni une certaine cruauté, ni une certaine profondeur.

Plus philosophique qu’il n’y paraît au premier regard, Perceval est un album à découvrir.

PS : On notera aussi la très belle qualité de fabrication de l’objet-livre. Chouette reliure, plus signet rouge.


Infinity pool, Brandon Cronenberg (2023)


Un écrivain en panne, James Foster (Alexander Skarsgård), et sa femme Em (Cleopatra Coleman), fille d’un riche éditeur à succès, passent des vacances sur une île, La Tolqa, qu’on supposera européenne (quelque part dans l’adriatique) et qui, on le suppose facilement, se remet mal d’une longue période de communisme à la Nicolae Ceaușescu. Cette île est très pauvre et donc les Foster ont interdiction de sortir de leur complexe hôtelier de luxe, évidemment pour leur propre sécurité. A l’hôtel, James est abordé par Gabi (Mia Goth) qui semble être sa seule fan sur la planète et une des rares personnes à avoir apprécié son premier roman. Gabi et son mari proposent à James et Em de faire une virée sur la côte le lendemain. Pendant cette virée, l’alcool aidant, un accident mortel a lieu. Ce qui va permettre à James de découvrir l’étonnant système judiciaire de La Tolqa (et je m’arrête là… pour ne pas divulgâcher le premier choc d’un film qui en réserve bien d’autres).

Ceux qui ont détesté Possessor auront peu de chance d’apprécier Infinity Pool. Le film est loin d’être parfait (s’il avait été parfait sur le plan des effets spéciaux, par exemple, il y a fort à parier qu’il serait devenu graphiquement insupportable ou du moins extrêmement éprouvant). Mais il est traversé par des parti-pris très forts et nourri d’influences toutes aussi fortes (David Cronenberg, David Lynch, Orange mécanique, The Wicker Man…). C’est un film, cérébral en diable, qui fait réfléchir beaucoup sur la morale, le désir, la justice, la réparation pénale, le couple, le sexe, le double, la fidélité… et la violence. Les scènes de violence sont grotesques dans le sens grand-guignol, le sang ne ressemble pas à du sang, les plaies ne ressemblent pas à des plaies, un crâne fracassé évoque plus une illusion latex de crâne fracassé qu’un véritable bloc de chair, de cervelle, d’os et de sang (tout ça nous ramène aux premiers films de Cronengerg père, et notamment à son excellent Videodrome). Brandon Cronenberg a un rapport à la violence que je considérai comme inverse à celui de Scorsese : chez Scorsese la violence à tendance à tangenter l’ultraréalisme. Cronenberg Jr semble nous dire tout le temps : « vous assistez à un spectacle, la question n’est pas de savoir si il est réel ou réaliste, car il est volontairement grotesque, la question est plutôt de savoir dans quel coin de votre cerveau ce spectacle particulier vous a pris par la main et vous a attiré. »

Mia Goth fait une performance assez surprenante, elle utilise toute sa palette d’actrice, jouant la femme fatale, le clown hystérique, la cruche, l’intriguante, la baiseuse de compétition, la déesse de la mort, la manipulatrice immature, la possessive. D’ailleurs le traitement réservé au sexe (avec gros plan de sexe en érection, d’éjaculation) n’est pas fondamentalement différent de celui appliqué à la violence. Alexander Skarsgård est plus en retrait, dominé par Gabi, sexuellement, intellectuellement et surtout sur le plan de la détermination. Pendant deux heures on voit une femme, qui sait précisément ce qu’elle veut, jouer avec un homme qui l’ignore et n’est peut être pas prêt émotionnellement à le découvrir.

Le film est long, presque deux heures, mais je ne m’y suis pas ennuyé, il y a tellement à voir (mise en scène), à ressentir (excitation sexuelle, dégoût, humour), réfléchir (dimension morale). C’est sans doute la dimension la plus surprenante du film : il y a un humour très noir, très fort (et parfois très intellectuel/référentiel) distillé tout au long du film, même dans ses scènes les plus extrêmes.

Infinity Pool est un film que je reverrai avec plaisir.

(Film vu en DVD zone 1, version uncut de 117 minutes)

Monde mutant | Richard Corben & Jan Strnad


En tournant la dernière page de Monde mutant de Richard Corben (au dessin) et Jan Strnad (au scénario) j’ai fini la lecture de tous les albums Corben publié chez Delirium, à l’exception notable de Esprits des morts qui vient d’être réédité avec une nouvelle couverture et que je n’ai pas encore acheté, passablement traumatisé par l’augmentation du prix de la côte de bœuf (un été sans côte de bœuf au barbecue, ce n’est pas vraiment un été digne de ce nom).

L’intégrale de Monde mutant contient deux histoires en plusieurs épisodes. L’histoire éponyme et sa suite, Fils du monde mutant.

Dans la première partie, on suit le mutant Dimento, un peu con-con, qui essaye de survivre dans un monde post-apocalyptique aussi réjouissant qu’une soirée accordéon organisée par le Rassemblement National. Richard Corben a commencé à écrire l’histoire tout seul et, obligé de reconnaître ses limites en matière de scénarisation, il a demandé de l’aide à Jan Strnad (à partir du troisième épisode, si mes souvenirs sont bons)… qui ne devait pas être dans une bonne période… ou qui s’en foutait… ou qui trouvait le projet rigolo mais sans grand intérêt. Si le dessin reste sidérant, comme souvent avec Corben, niveau histoire on est dans de la série B bas de gamme, un peu rigolote, un peu coquinette, qui flirte allégrement avec la série Z italienne post-apocalyptique (je vous laisse chercher, de toute façon y’a rien à sauver). J’ai pensé à The ultimate warrior, (sans doute la ressemblance de Dimento avec Yul Brynner), mais je crains que le film de Robert Clouse soit au final plus intéressant que la vision post-apo du duo Corben/Strnad. La suite Fils du monde mutant (titre d’autant plus rigolo que le personnage principal est une jeune fille généreusement dotée par la nature, en tout cas au niveau mammaire) est plus structurée, moins en roue libre que la première partie, mais bon, ça reste quand même très mince sur le plan du scénario.

L’ensemble vaut surtout pour le dessin surpuissant de Corben et ne restera pas dans les annales comme un incontournable de la BD post-apocalyptique (mais en existe-t-il ?).


Ragemoor, Jan Strnad et Richard Corben (Délirium)


Résumé éditeur :

Ragemoor ! Vestige de civilisations disparues, le Château de Ragemoor est un lieu maudit pour les hommes ! Nourries de sang païen versé au cours de sacrifices rituels impies depuis des temps immémoriaux, ses pierres cachent de sombres et terrifiants secrets, fatals aux rares inconscients qui seraient prêts à s’y aventurer…

Herbert Ragemoor est le maître du château. Il vit dans l’isolement, fidèlement servi par Bodrick, le majordome, tandis que son père, complètement fou, erre dans les couloirs qu’il parcourt en hurlant, nu. Jusqu’au jour où vient leur rendre visite l’ambitieux oncle JP, accompagné de sa superbe fille Anoria, qui rêve de s’approprier les lieux…

Au croisement des univers de H.P. Lovecraft ou des histoires les plus sombres d’ E.A. Poe, Ragemoor est une œuvre magistrale issue de l’imagination débridée de Richard Corben et Jan Strnad. Ces maitres du Neuvième Art réunis à nouveau en 2012 pour cette œuvre, signent ici un classique fantastique qui ne pouvait être traduit que par François Truchaud, directeur éditorial des mythiques Editions NéO qui ont permis la découverte en France des plus grands auteurs de littérature fantastique et de fantasy.

Mon avis :

Famille maudite, cité vivante et mégalithique arrosée de sang païen, gardée par une horde de babouins belliqueux et qui cache dans ses entrailles un peuple cultiste encore plus dégoûtant, tels sont les principaux ingrédients de cette BD fort réussie.

Si l’éditeur cite H.P. Lovecraft, référence aussi évidente que pertinente, par contre je suis moins convaincu par la mention à Edgar Allan Poe, sauf à voir dans Ragemoor un hommage extrême à La Chute de la maison Usher. A dire vrai, Ragemoor avec ses babouins guerriers et ses grouillements d’invertébrés ignobles m’a surtout fait penser à Robert E. Howard.

Le dessin de Richard Corben est sidérant, le découpage impressionne la plupart du temps. Le scénario de Jan Strnad est à la fois délirant, voire WTF, tout en restant linéaire, ce qui rend l’ensemble très abordable pour un album de Corben. Je pense même que c’est la porte d’entrée parfaite pour découvrir l’œuvre si particulière de ce génie.

Ragemoor est un classique, c’est aussi un incontournable dans le large champ des hommages BDs à H.P. Lovecraft.

Comme toujours avec Délirium, l’objet-livre est plus que convaincant.

Project Wolf Hunting, Hongsun Kim (2022)


Résumé (à ma manière) :

Les Philippines et la Corée du sud ont trouvé un accord d’extradition pour renvoyer au pays du matin calme un certain nombre de criminels, la plupart ultraviolents (tant qu’à faire). Le transport est prévu par avion, mais une des victimes d’un de ces criminels se fait exploser à l’aéroport provoquant un carnage (moi aussi, si je dois faire escorter quarante criminels de la France vers la Bulgarie, je pense à Orly en premier). Changement de plan, on va mettre les méchants dans un cargo, le Titan Frontier. Comme le monde est bien fait, dans ce même cargo se trouve la version japonaise de la créature de Frankenstein. Il est tout moche et ses yeux sont fermés par de très grosses agrafes en acier. Tout est sous contrôle, le médecin de bord doit anesthésier la chose toutes les six heures. Mais évidemment rien ne va se passer comme prévu (poil au cul – rime pauvre).

Mon avis (à moi que j’ai) :

Regarder un navet n’est pas forcément une perte de temps. Ça peut être rigolo, édifiant.

Là en l’occurrence j’ai trouvé le film ni rigolo ni particulièrement divertissant et pas vraiment édifiant. Le scénario semble être écrit par un enfant de huit ans, et pas celui qui siège au premier rang et énerve tous les autres parce qu’il a des bonnes notes dans toutes les matières y compris le sport. Tout est totalement débile et incohérent. Ensuite, le réalisateur (qui voulait sans doute être chirurgien ou Dexter quand il était petit) a un sens hémorragique particulier. Par exemple, si tu t’entailles le doigt avec ton épluche-légume monoprix en dépeçant une carotte innocente… c’est sept litres de sang qui vont gicler de la plaie, peut-être même huit. Si tu reçois un coup de marteau dans la tête (et putain il y en a des coups de marteau dans la tête dans ce film ! merci Old Boy) toutes les artères cérébrales sont touchées et la victime va perdre en quelques secondes entre trente-deux et trente-trois litres de sang. En cas d’éviscération, on peut monter à quarante-sept, quarante-huit litres. Bon, la première fois, c’est rigolo, ça surprend ; à la longue ça devient gonflant. Ajoutez à cela des personnages écrits à la tronçonneuse et une mise en scène, subtile, à la boule de démolition (moins Miley Cyrus à poil dessus).

J’imagine le réalisateur-scénariste, complètement surexcité (faut arrêter le kimchi, bonhomme, ça te fait pas que du bien), qui hurle chez ses producteurs : « on va faire le mash-up des Ailes de l’enfer et de Predator, ça va être dément ».

Bon, si vous voulez voir un film hémorragique, ultraviolent et complètement con, voilà un bon candidat.

Beauté, Kerascoët | Hubert – Dupuis


Résumé (éditeur) :

Lorsque Morue, jeune villageoise à la laideur repoussante, est transformée en beauté parfaite grâce au sortilège d’une fée, elle projette très vite d’user de ses charmes pour grimper l’échelle sociale, voire accéder au titre de reine. Objet de toutes les convoitises masculines, elle déchaîne les passions et les guerres partout où on l’aperçoit, mais découvre peu à peu que son apparence enchanteresse se veut aussi une terrible malédiction…

Mon avis :

J’aime beaucoup les projets de Kerascoët et les scénarios d’Hubert, il y avait donc dans cette intégrale un certain potentiel a priori. Beauté est un chouette dynamitage des contes de fées, le dessin de Kerascoët est parfait pour le projet. C’est drôle, c’est intelligent, il y a un côté ludique indéniable (on s’amuse à chercher les références, dans les contes évidemment, mais aussi au cinéma : Excalibur, par exemple. Madame de Coventry d’Arthur Lubin peut-être). Après, sur le plan du scénario, ce n’est pas aussi réussi que Peau d’homme ou aussi inventif/jouissif que Satanie. C’est à mon sens un peu trop sage, Hubert retient un peu ses coups. Dommages. Mais bon, ça reste quand même très chouette et fortement recommandable.

Sisu : de l’or et du sang, Jalmari Helander (2022)


Ça commence un peu comme les 17 première minutes muettes de There Will Be Blood (2008) de Paul Thomas Anderson : un type qui ne décroche pas un mot, cherche de l’or en Laponie alors que la Seconde Guerre Mondiale prend fin. Il finit par trouver un bon filon, remplir deux sacs d’or et lever le camp, avec son cheval et son chien, frisé, qui ne ferait pas peur à une mouette malade (nous sommes minute 10). En chemin vers Helsinki, il croise un side-car nazi, deux camions (un plein de soldats, l’autre plein de « femmes de réconfort ») et un tank (c’est un modèle russe, la production n’avait pas de quoi s’offrir un tank allemand). Les soldats jaugent le chercheur d’or et le laissent passer en riant. Plus loin, notre vieux finlandais taciturne tombe sur un groupe de nazis retardataires qui, malheureusement pour eux, décident de lui chercher des poux dans la tête. Nous sommes à douze minutes (environ) de film et voilà déjà quatre morts au compteur. Rassurez-vous : ça ne fait que commencer, car le chercheur d’or n’est pas un vieux type comme un autre, on raconte qu’il a fait la Guerre d’hiver contre les Russes et qu’après avoir tout perdu il a renoncé à mourir.

Sisu est une coporoduction Finlande/Grande-Bretagne qui mélange film de guerre, film d’horreur, comédie et film de super-héros. Le générique de fin confirme ce qu’on comprend assez vite, c’est en film l’équivalent d’un comics indé outrancier, trash et complètement décomplexé (genre The Boys). Même si ce n’est pas du grand cinéma, on ne peut que saluer l’inventivité de la mise en scène (qui rappellera celle de Dead Snow de Tommy Wirkola) et le sens des paysages du réalisateur qui filme la Laponie comme Kevin Costner avait filmé l’Alberta pour Open Range (et c’est un vrai compliment). Autre surprise, Aksel Henni qui interprète l’inévitable méchant nazi, a choisi la carte de la sobriété plutôt que d’interpréter un x-ième officier SS pervers et hystérique, ce qui rend son personnage presque sympathique, surtout à mesure que ses hommes meurent dans d’atroces circonstances. Avec ce film, Jalmari Helander s’impose comme une sorte de Robert Rodriguez finlandais.

Sisu est improbable, gore, fun et de très mauvais goût. Donc : hautement recommandable.

L’Épée sauvage, Albert Pyun (1982)


Résumé éditeur (j’ai la flemme) :

Le tyrannique Lord Cromwell est prêt à tout pour conquérir le royaume d’Ehdan, même à  recourir à la magie noire. Avec l’appui du sorcier démoniaque Xusia de Delos, il parvient à anéantir ses ennemis et à neutraliser le roi Richard et sa famille. Seul son fils Talon réussit à échapper au massacre. Onze ans plus tard, le jeune homme, devenu un guerrier redoutable, est de retour au royaume où un complot contre Cromwell se prépare…

Mon avis :

Alors là dans le genre navet de fantasy héroïque, je pense qu’il est difficile de faire pire (n’hésitez pas à proposer des titres en commentaires). Acteurs tous mauvais (au minimum), effets spéciaux calamiteux mal cachés sous une brume artificielle, décors pourris, combats risible dignes du plus mauvais péplum philippin, problèmes de cohérence (je te transperce les deux mains avec des clous (c) Rocco Siffredi, et la scène d’après t’es tout réparé et tu te bats avec une épée de dix-sept kilos à trois lames fabriquée dans son garage par papy Wu qui aime bien traîner dans les décharges à ciel ouvert). Ce film est indubitablement extraordinaire, c’est une sorte de sous-sous-Conan le Barbare tourné en décors playmobil par un des pires réalisateurs de la planète : Albert Pyun.

A noter qu’il existe une suite, si si, qui reprend soit une partie du casting, soit une partie des personnages : Tales of an ancient empire. Eu égard à mes antécédents cardiaques, mon médecin traitant m’en a interdit le visionnage.

Pour une raison que je ne comprends pas bien, Carlotta films a sorti une édition steelbook de cette chose, à 25,00 euros quand même… alors que certains chefs d’œuvre du cinéma restent absolument introuvables en blu-ray. Pour être tout à fait sincère, j’ai voulu revoir le film avant d’investir. Verdict sans appel : je vais garder mon DVD de provenance douteuse, ça ira très bien.

Par ailleurs, je ne suis pas tout à fait sûr qu’on puisse faire une lecture féministe du film, même en ayant les idées larges.

65 – La Terre d’avant, Scott Beck & Brian Woods (2023)


Mills, pilote spatial de son état, part deux ans en mission pour payer le traitement de sa fille malade.

Petit détail : Mills n’est pas humain, ni Terrien, il vit 65 millions d’années avant notre ère. Mais bon il a l’air terrien et même très humain, car il est incarné par Adam Driver.

Alors qu’il est en mission, son vaisseau traverse un nuage de météorites et il se crashe sur la planète Terre. La suite du film nous apprend que sa région d’adoption par collision involontaire est la péninsule du Yucatán. Mills n’est pas le seul survivant du crash, il ne tarde pas à retrouver une gamine de neuf ans environ prénommée Koa, qui évidemment va lui rappeler sa fille Nevine.


65 La Terre d’avant c’est le retour perdant de la science-fiction des années 50, le ridicule est là comme il se doit, la poésie nettement moins. Déjà la météorite qui rebondit sur la carlingue du vaisseau au début du film, on s’étrangle, le scénariste n’a probablement jamais entendu parler du concept d’énergie cinétique. On s’étrangle d’autant plus fort que le vaisseau fait aussi du bruit dans l’espace. Dommage qu’il n’y ait aucune bataille spatiale contre un ptérodactyle de combat… on aurait eu droit à des piou-piou lasers. Bon après, évidemment ils s’écrasent sur une planète peuplée de dinosaures moches. Années 50, je vous dis (La planète oubliée de Murray Leinster, 1954). A un moment le héros se déboîte l’épaule, se remboîte l’épaule, et ça repart comme si de rien n’était : je tire au fusil, je grimpe à la corde, je fais du MMA avec un T-rex. Aparté sans intérêt : je me suis déboîté l’épaule au Cambodge il y a une vingtaine d’années (en tombant d’un bateau avec mon sac à dos de 20 kilos) et ce n’est pas du tout le souvenir que j’ai gardé de l’expérience, je suis bien resté dix jours avec le bras en écharpe. Mais bon, je suis un produit des années 70, ce sont les vingt années qui changent tout.

Bon revenons au film : écrit à la hache comme il se doit, avec des scènes d’émotion pas honteuses mais pas non plus inoubliables. Les scènes de tension sont assez artificielles et leurs résolutions la plupart du temps ridicules. Bon, quand l’ordinateur parle en kilomètres et en heures on se marre aussi.

Voilà un bon gros navet américain (45 millions de dollars de budget quand même) qui hésite entre le film familial et le film d’horreur et ne fonctionne dans aucun des deux registres.