Flesh Empire, Yann Legendre (Casterman)


Résumé éditeur :

Ce monde a pour nom Singularity. Il est contrôlé par un Sénat tout puissant, qui ordonne les existences en stockant la mémoire de chaque résident au sein de DataCenter, une gigantesque base de données. À tout moment, la mémoire des résidents peut être déconnectée, et leur existence effacée à jamais… Décidé à lutter contre cette dictature, le chercheur Ray Zimov développe en secret une matière permettant à chaque résident d’éprouver une sensation jusqu’alors inconnue : le plaisir de la chair…Inventeur de formes kaléidoscopiques, Yann Legendre repousse les limites du noir et blanc et renvoie le lecteur à des questionnements contemporains : le contrôle social, le Big Data ou encore l’intelligence artificielle…

Mon avis (mitigé) :

Drôle de bande-dessinée qui tangente le livre de belles images, car il faut le savoir le scénario de cette BD est mince, très mince. On ajoutera à l’écueil de ce scénario anorexique des pages complètes en anglais (un poème de Norman Spinrad, si j’ai bien compris) et un choix de vocabulaire assez peu convaincant, façon novlangue qui part dans le mur. On pourrait rapprocher l’histoire d’une certaine SF de Greg Egan (je pense à La Cité des permutants), mais Yann Legendre même s’il croit sans doute le contraire ne fait pas vraiment de la science-fiction. Flesh Empire est une allégorie un peu boiteuse, où il parle de la société de surveillance, du Big Data et de l’intelligence artificielle, mais tout cela dans le but de célébrer la vie et la chair, davantage que de pousser une réflexion nécessaire pour ne pas dire salutaire. A bien y réfléchir, rien de tout ça ne fonctionne vraiment et la pirouette finale qu’on voit venir de très loin est au mieux embarrassante. Mais, car il y a un mais, le travail graphique est sidérant, certaines images sont purement incroyables. Si Legendre avait réussi à se débarrasser totalement de sa panoplie de références (pour la plupart datées) et avait poussé l’effort jusqu’à nous proposer un monde radicalement différent (rattaché en rien au nôtre), sans doute aurait-il livré une BD sidérante de A à Z (et sa fin aurait eu alors un autre sens). En l’état, c’est loupé.

Si je ne suis pas convaincu par le Yann Legendre scénariste, par contre le dessinateur est stupéfiant, c’est une sorte de fils spirituel de Moebius et Charles Burns. Sans oublier Maurits Cornelis Escher.

2/10 pour le scénario, 9/10 pour le dessin.


Vega, Yann Legendre | Serge Lehman (Albin Michel)

[Disclaimer:] Cette bande-dessinée est publiée par les éditions Albin Michel, maison pour laquelle je travaille depuis 2017. Mon exemplaire m’a été offert par Martin Zeller, merci à lui.

[Résumé éditeur :]

Fin du XXIe siècle.

C’est la Guerre Sourde,
l’ère des mafias d’État,
des métropoles insurrectionnelles, des séparatismes génétiques et des stations spatiales privées.

Dans la jungle indonésienne, la docteure Ann Vega fait une découverte qui la projette au cœur d’un extraordinaire réseau d’intrigues politiques et scientifiques.

L’unité et les limites du genre humain sont en jeu.

Anticipation à la vraissemblance [sic] suffocante, entre effondrement de la biodiversité et chaos politique, VEGA est le fruit choc de la rencontre de deux géants : le virtuose de l’illustration Yann Legendre, et Serge Lehman, le scénariste aux 6 Grand Prix de l’Imaginaire.


Si l’objet-livre est incroyable et si le dessin et la mise en page sont un tour de force technique (franchement, tout au long de ma lecture, je me suis demandé comment Albin Michel avait réussi à fabriquer cette BD, à avoir ces couleurs, ces contrastes de folie), je dois reconnaître que le scénario, l’histoire en elle-même donc, m’a laissé complètement froid, de marbre. Je suis totalement passé à côté. C’est quantique, il y a plein de pistes qui ne sont jamais fermées (ou bouclées si vous préférez), tout reste à peu près ouvert à l’interprétation et la fin fait jeu de mots. Je l’ai trouvée terriblement plate avec un sentiment final de tout ça pour ça… mouais.
C’est très années 70, ouvertement psychédélique, ça m’a rappelé un peu (beaucoup ?) la science-fiction de Michael Coney. Et celle de John Brunner, ouvertement cité.

Toute la partie « effondrement de la biodiversité » est légère, je m’attendais sans doute à quelque chose d’un peu plus brutal.

J’avoue que je ne sais pas trop à qui s’adresse cet ouvrage, sans doute aux lecteurs « âgés » (comme moi, donc) qui connaissent bien la SF des années 70 et louent les talents spéculatifs de Ian Watson, John Brunner, Michael Coney & Brian Aldiss. Et refusent de culpabiliser en lisant un vrai brûlot écologique/animaliste.