Bad Blood, Jonathan Maberry / Tyler Crook

BadBlood

J’ai découvert l’illustrateur Tyler Crook avec la très bonne (bien qu’inégale) série southern gothic Harrow County publiée par Glénat Comics. Un peu en manque, j’ai hésité entre BPRD, la série spin off de Hellboy dont Crook a dessiné plusieurs arcs (mais je suis loin d’avoir déjà tout Hellboy), et ce stand-alone, Bad Blood en cinq épisodes. J’avoue que la présence de Jonathan Maberry au scénario n’était pas pour me rassurer. Pour avoir lu quelques uns de ses thrillers en VO, je sais qu’il officie plutôt dans la grosse série B qui tache – pas forcément ce qu’il y a de plus raccord avec le dessin très typé de Crook.

Bad Blood raconte le destin tragique de deux personnages : Trick Croft qui souffre d’un cancer du sang et Lolly, strip-teaseuse junkie longtemps abusée par son père qui rêve d’être transformée en vampire par un vampire. Après avoir involontairement empoisonné un seigneur aux dents longues via sa chimio, Trick découvre le monde de ténèbres qui l’attend derrière de grands rideaux de velours rouge.

Bon le scénario n’est pas très fin (il n’est pas non plus mauvais), la fin est expédiée et l’ensemble laisse un certain goût de déception. Il y avait matière à faire un ou deux épisodes de plus, au moins un autour du personnage de Jonas Vale. Maberry ne fait pas grand chose de nouveau avec ses vampires (il survole leur histoire plus vieille que l’humanité) et son « twist de la mort qui tue » est tellement attendu qu’il ne surprend guère (et pour tout arranger, il ne tient pas vraiment la route). La narration de Tyler Crook n’est pas exempte de défauts, certains enchaînements de cases sont mal fichus. Rien de dramatique, mais ça accroche parfois un peu, comme une mauvaise traduction.

L’ensemble reste sympa, mais sans plus.

Harrow County – Cullen Bunn/Tyler Crook

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(Disclaimer : je collabore régulièrement avec la maison d’éditions Glénat en tant que scénariste, il est donc permis de penser que l’engouement suivant n’est pas « fair & honest »… pourtant, il l’est.)

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Je suis loin d’avoir exploré en profondeur tout le catalogue Glénat Comics, mais de ce que j’ai pu lire dans cette collection, la série Harrow County est de loin ma préférée.

Mike Mignola le dit mieux que moi :  » A la fois incroyablement séduisante et totalement dérangeante, cette série est une réussite. « 

You’re right Mike !

Quant à l’immense Jeff Lemire, il n’y va pas avec le dos de la cuillère :  » Troublant et profondément génial « . Ah ouais, quand même…

Harrow County est une série « southern gothic » rurale qui tourne autour d’un certain nombre de personnages : la sorcière Hester Beck (qui connaît une fin très raspoutinienne), la jeune Emma (connectée aux puissances anciennes de Harrow County), Bernice (une jeune afro-américaine de cette époque où le mot « nègre » devait être prononcé / entendu au moins dix fois par journée), un garçon sans peau et une peau sans garçon à l’intérieur, une « docteure serpent »…

Au jour d’aujourd’hui, trois hardcover français ont paru. J’attends le quatrième avec impatience.

1 – Spectres innommables (4 épisodes)

2- Bis repetita (4 épisodes)

3- Charmeuse de serpents (4 épisodes – je préférai le titre provisoire Docteur serpent, beaucoup plus gothique.)

Les deux premiers sont vraiment super (je ne vais pas spoilier les histoires qu’ils contiennent), j’ai été un peu désarçonné par le troisième, car Tyler Crook n’y illustre que deux épisodes sur quatre. Le premier, dessiné par Carla Speed McNeil, fait un peu mal aux yeux, dans le sens qu’on y sent l’hommage graphique appliqué, respectueux et sans doute pas assez distancié/digéré (on résumera ça par : c’est du sous-Tyler Crook – sorry Carla). L’épisode 4 est dessinée par Hannah Christenson qui s’éloigne très franchement du style de Tyler Crook, heureusement, mais « subit » un scénario extrêmement frontal, ramassé et peu subtil. Une fois encore, son dessin supporte mal la comparaison avec celui de Crook ; par ailleurs, 40 ou 50 pages n’auraient pas été de trop pour raconter cette histoire de maison hantée. Elle aurait sans doute beaucoup gagné à une montée en puissance plus graduelle, et elle se coupait exactement en son mitan, naturellement, au moment où Emma s’adresse directement au « garçon silencieux ».

Les bonus du troisième album (crayonnés, couvertures US, work in progress) sont renversants, très réussis.

Cette série horrifique évoque Poe, Bradbury, certains textes « américains » de Clive Barker (anglais), Shirley Jackson… Tous les épisodes dessinés par Tyler Crook sont un régal pour les yeux. Son trait « décalé » (par rapport au reste de la production actuelle), reconnaissable au premier coup d’œil, impressionne.