Mindhunter, Joe Penhall (2017-2019)

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Fin des années 70, malgré une direction particulièrement réticente, deux agents du FBI commencent à interviewer les plus célèbres tueurs du pays afin de comprendre leur psychologie (à une époque où l’appellation « tueur en série » n’existe pas encore). Leur travail est encadré par une brillante universitaire homosexuelle, Wendy Carr. Parmi les criminels qu’ils vont rencontrer, l’un d’eux sort du lot : l’ogre de Santa Cruz, Ed Kemper (2m06, 135 kilos), tueur nécrophile au QI de 140. En répondant sincèrement (ou pas) aux questions des deux agents, Ed Kemper leur sera d’une immense utilité pour comprendre l’univers fantasmatique des serial killers. Ces deux agents sont Holden Ford et Bill Tench. D’un côté, un jeune loup égocentrique, narcissique et prétentieux. De l’autre, un vieux de la vieille, un brin tanné par la vie, qui sait placer les anecdotes exactement au bon moment. Le mariage de la carpe et du lapin. Ensemble, bon gré mal gré, ils vont pénétrer un monde de ténèbres, de meurtres épouvantables et de pratiques sexuelles tordues. Et vont essayer de passer de la théorie (du profilage) à la pratique (l’enquête de terrain).

Mindhunter est une série américaine récente (2017-2019) crée par Joe Penhall. Les réalisateurs engagés sont souvent prestigieux, citons entre autres David Fincher (très impliqué dans le projet), Andrew Dominik et Carl Franklin. Initialement prévue pour cinq saisons, pour le moment seules les deux premières ont été tournées et un gros doute semble planer sur la production d’une troisième saison.

Si la première saison est particulièrement convaincante, dans sa mise en place, son déroulé et ses enjeux, la seconde saison m’a semblé un brin moins percutante ; j’ai eu personnellement beaucoup de mal avec le drame « parallèle » dans lequel est impliqué le fils de Bill Tench. J’ai trouvé parfois le scénario un peu trop fabriqué et le neuvième épisode de la seconde raison, rajouté en cours de route pour donner une éventuelle conclusion à la série, est plus long que les autres et en même temps, maladroitement dense. Y transparaît une volonté de donner à tous une scène possiblement « conclusive ». Mouais.

Tout cela dit, les sessions avec les tueurs, qui reprennent mot pour mot leurs déclarations (« historiques ») au FBI, sont souvent saisissantes, même celle avec Charles Manson (Damon Herriman, qui jouait le même Manson dans Once Upon a time in… Hollywood). Sur le plan psychologique (et même psychiatrique), l’ensemble semble solide, très sérieux, ce qui change de beaucoup de films sur le sujet, qui sont approximatifs, voire parfois totalement fantaisistes.

Au final, malgré les quelques réserves évoquées en amont, la série est globalement très réussie et passionnante. Le duo Joe Penhall/David Fincher a retrouvé/recréé le ton du film Serpico (1973) et ce n’est donc pas un hasard si Un après-midi de chien de Sydney Lumet sert longuement d’exemple de négociation au début de la saison 1.

Pour aller plus loin : Ed Kemper en vrai.

The Neon Demon, Nicolas Winding Refn (2016)

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Jesse (Elle Fanning) débarque à Los Angeles pour devenir mannequin. Elle vient de fêter ses seize ans et l’agence pour laquelle elle travaille lui demande de dire qu’elle a 19 ans, car 18 c’est tout de suite plus suspect. Jesse est naturellement belle, sa peau est parfaite, elle est lumineuse dans un monde de ténèbres, de jalousie, de souffrances physiques et psychologiques. Dans un monde où la beauté n’est pas une chose, mais… everything.

Je suis assez fan du cinéma de Nicolas Winding Refn, j’ai vu Drive un certain nombre de fois, il en est de même pour Valhalla Rising avec Mads Mikkelsen. Et j’aurais probablement honte de mentionner le nombre de fois où j’ai visionné Only god forgives. Disons que c’est beaucoup. J’ai vu tous ses autres films au moins une fois, même ses premiers films danois. J’avais déjà vu The Neon Demon en Blu-Ray et j’étais passé complètement au travers, gardant à l’esprit des images très fortes, mais n’arrivant pas à leur donner un sens réel, un poids, une symbolique. J’avais l’impression que ça ne racontait rien, ou disons pas grand chose. Film superficiel sur un art superficiel ? Cohérent dans son essence-même ? Expérience esthétique où le travail de la directrice de la photo, Natasha Braier, devient plus important que celui du réalisateur lui-même ? J’imagine que mes premières impressions un peu brumeuses ressemblaient à ça.

Le second visionnage ne m’avance pas davantage… J’avais oublié la scène du lion du montage qui rappelle La Féline de Paul Shrader. Les scènes nocturnes qui ramènent sur le Mulholland Drive de David Lynch. La scène de la piscine vide qui m’évoque le cinéma de Nicolas Roeg, sans que je sache trop pourquoi… L’ensemble me rappelle définitivement Starry Eyes, un petit film d’horreur plus classique, qui a ma préférence, même s’il est loin d’être parfait.

Alors évidemment il y a cette incroyable scène de nécrophilie, il y a cette fin « oculaire » totalement WTF et presque rétive à toute analyse. L’ensemble n’est pas inintéressant. Sur le plan esthétique c’est à tomber, mais c’est aussi longuet, un peu lancinant. Le pire, en ce qui me concerne : ça montre beaucoup, mais ça ne raconte pas grand chose.