Knock at the cabin, M. Night Shyamalan (2023)


Une enfant joue dans les bois, elle attrape des papillons, des sauterelles, qu’elle met dans une grande jarre en verre. Cette gamine d’origine asiatique qui a été opérée d’un bec de lièvre s’appelle Wen. Dans la maison, ses deux papas adoptifs (hé oui), Eric et Andrew, boivent un verre en discutant. Un homme arrive pour discuter avec Wen, Leonard, une sorte de bon gros géant tatoué. Il lui dit qu’il va se passer des choses très dures, mais qu’il n’y a aucun moyen de l’empêcher, que c’est nécessaire. Le géant est alors rejoint par un autre homme et deux femmes, portant d’étranges armes dans le plus pur style new medieval castorama (je me permets de (c) l’expression). Bon, on se demande bien pourquoi la gamine flippe, les papas se barricadent. Et les quatre étrangers nous la font Home Invasion for the Dumbs. Après un peu de suspense hollywoodien, trois fois rien, je vous rassure, les méchants ligotent les gentils et leur disent : « voilà si l’un de vous ne se sacrifie pas, c’est la fin du monde. Et il doit être assassiné (celui qui se sacrifie, pas le monde) ».

M. Night Shyamalan a encore frappé, produisant un de ces navets incroyables dont il a le secret depuis à peu près… ben tout le temps, à bien y réfléchir. Comme d’habitude, il mélange de bonnes idées, de bons acteurs et des ingrédients profondément navrant, avant d’ajouter dans ce cas précis un soupçon de trahison (plutôt gros, le soupçon) du matériel littéraire d’origine.

J’ai gloussé pendant une heure et quarante minutes. On va dire que c’est thérapeutique. Rupert Grint fait très très mal le bouseux américain (faudrait qu’il y ait un permis pour ce genre de rôle : « non, Gilles Lellouche (acteur choisi au hasard), tu peux pas faire le bouseux américain, t’as pas la gueule, t’as pas l’accent. »). Tout le truc apocalyptique est à pisser de rire, comptez trois changements de caleçon minimum (et encore si vous ne buvez pas de bière pendant la projection ; évitez le jus de pomme). Étonnamment, Dave Bautista (à la voix reconnaissable entre toutes) est vraiment dans le ton. Mais cette soupe chrétienne, pleine de grumeaux malodorants, reste pour le moins en travers de la gorge. Nausées assurées.

(J’espère que Paul Tremblay a eu un très très gros chèque, avec au moins six zéro au cul du premier chiffre, parce que franchement, sinon, c’est un peu la loose).

Attention navet !

PS : Je savais bien que j’avais oublié un truc. Ce film m’en a rappelé un autre : La Septième prophétie de Carl Schultz (1988) avec Demi Moore et Michael Biehn. C’est un peu la même histoire, quand même…

Split, M. Night Shyamalan

split

Un homme (James McAvoy) kidnappe trois jeune filles sur un parking, puis les séquestre. Peu après, des personnalités dissociées de cet homme (qui en possède 23, tant qu’à faire) envoient des emails à leur thérapeute le Dr Fletcher, des appels à l’aide. La Bête est sur le point d’être invoquée.

[Attention spoilers majeurs plus avant!]

A aucun moment, je n’ai réussi à rentrer dans ce film [par contre, j’ai beaucoup pouffé, c’est aussi une façon d’apprécier le spectacle].

Les réactions des trois jeunes filles me semblaient totalement illogiques (au moins une d’entre elles est chaussée de chaussures à talons aiguille, dont on sait que l’accessoire comporte une tige en acier pour supporter le poids d’une américaine, et aucune d’entre elles n’imagine d’utiliser l’objet comme arme – enfoncé jusqu’au cerveau, à travers le globe oculaire par exemple). Quand elles prévoient d’allier leurs forces pour maîtriser le kidnappeur, Casey dissuade les deux autres. Au début du film, cette même Casey a tout le temps de s’élancer hors de la voiture et d’appeler à l’aide pendant que l’identité Dennis gaze ses deux copines ; elle ne le fait pas. L’une d’elle pourrait essayer de séduire Dennis avant de lui tordre/mordre/arracher (ou que sais-je) les testicules, mais non, on va plutôt attendre.

Dennis est obsessionnel de la propreté, mais il laisse les trois filles dans le même endroit, et laisse à l’une d’elles ses chaussures à talons. Pour quelqu’un de si méticuleux, il n’a pas beaucoup réfléchi aux contraintes d’un triple kidnapping.

Quand l’identité Hedwig, sept ans, fait surface, Casey se sert de l’occasion davantage pour comprendre la situation que pour s’échapper. Son comportement nous est expliqué par un tas de flash-backs, mais c’est quand même dur à avaler. Selon la thèse du film, Hedwig a la force d’un enfant de sept ans, c’est sans doute le bon moment pour lui défoncer le crâne. Mais Casey ne pourrait pas faire une chose pareille.

Trois jeunes filles ont disparu (un événement de portée nationale) et le Dr Fletcher ne fait pas le lien avec les tombereaux d’emails qu’elle reçoit.

La police/FBI est totalement absente du film, on ne trace pas les téléphones portables, on ne cherche pas la voiture, on ne passe pas au peigne fin la liste des délinquants sexuels répertoriés, on ne regarde aucune caméra de surveillance, etc. Vaut mieux être kidnappé en France.

Et puis le film bascule dans le fantastique ; c’est clairement la meilleure idée du film, sauf qu’il faudrait être dans le bain pour que ce basculement ait un réel impact. Sur moi, il n’en a eu aucun, ou plutôt : « ah, c’était une chouette idée, dommage que ce soit M. Night Shyamalan qui l’ait eue. »

La performance de James McAvoy sent tellement la performance (panneaux clignotants, gyrophares, sirène – une scène sur deux) que je l’ai trouvée franchement plus drôle qu’inquiétante. Regardez regardez comme je fais bien l’enfant de sept ans, regardez maintenant je porte une robe et des talons hauts. Il y avait tout un truc – plus subtil – à faire sur le rituel des changements de vêtements, Shyamalan passe à côté. 

Bon, et la cerise sur le gâteau, c’est la dernière scène avec Bruce Willis. Ah ah ah !