Maniac Cop, William Lustig (1988)

(3615 My Life – donc je fais une pause « navets et bons films » (navets surtout) entre la cinquième et sixième saison des Soprano. Je n’ai pas tellement aimé la cinquième saison, son épisode onirique m’a notamment gonflé ; par contre les deux derniers épisodes sont excellents et font rebondir l’intrigue dans une direction presque inattendue. Il y a des choses bien senties sur le mensonge, la double vie, l’addiction. Pour le moment cette cinquième saison est la plus faible, j’espère que la dernière est réussie. Dans le registre des navets, j’ai aussi revu The Wicker Man avec Nicolas Cage, un intéressant cas d’école, du genre accident industriel dramatique pour tout le monde, le réalisateur, les acteurs et les spectateurs.)

Mais passons derechef au programme de la soirée : Maniac Cop

Après s’être battue comme une lionne, une jeune et jolie new-yorkaise échappe de peu à deux Portoricains qui en voulaient à son sac à main et accessoirement à son popotin. Elle se cache dans une aire de jeu et, apercevant un solide policier en uniforme au bord du fleuve, elle se manifeste et s’approche de lui pour demander son aide. Ni une ni deux l’officier la soulève comme il elle pesait le poids d’un Royal With Cheese et lui brise la nuque. Ce sera sa première victime et certainement pas la dernière. Un flic tueur (a maniac cop) hante les rues de New York. Pour les hauts-gradés de la police c’est évidemment quelqu’un déguisé en policier, pour Frank McCrae (Tom Atkins, convaincant) ce serait plutôt un policier bien informé. Ça tombe bien, une épouse délaissée soupçonne son mari (Bruce Campbell) d’être le Maniac Cop ; elle le sait parfaitement : il n’a aucun alibi pour les soirs des meurtres.

Scénario de Larry (Le Monstre est vivant !) Cohen, réalisation de William (Maniac) Lustig… Ça c’est du film de vidéo-club, du vrai, du bon, du solide, qui sent sous les bras. Dès la scène d’ouverture on sent que ça va être complètement foiré, mais qu’on va quand même passer un bon moment. Donc c’est mal réalisé, oh oui. La photo est ignoble, notamment durant les scènes de nuit. Les acteurs sont globalement mauvais, Bruce Campbell en tête de gondole. Le scénario tient pas la route dix minutes. Vous allez adorer toute la séquence à Sing Sing. Tout y est à peu près ridicule. Mais c’est plutôt rigolo et on ne s’ennuie jamais. Il y a William Smith sans moustache en haut-gradé de la police (apparté : ce mec qui restera à jamais le papa de Conan a eu une vie incroyable, sa biographie qui passe de la NSA à la French Riviera en passant par la guerre de Corée est insensée). A un moment, Sam Raimi (si si…) présente le défilé de la Saint-Patrick. Il y a même une audace scénaristique qui serait sans doute impossible de nos jours dans un produit de ce genre.

Donc c’est mauvais, mais on passe un bon moment.

Je ne peux m’empêcher de reproduire ici un commentaire (authentique) de fan que je trouve délicieux (le commentaire) : « What would be brilliant would be a Nicolas Cage remake. That needs to happen. »

Brightburn, David Yarovesky (2019)

brightburn

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(A l’origine, j’ai choisi ce film dans ma PàM – Pile à Mater – parce que je voulais un navet pour me détendre).

Les Brewer habitent une ferme en périphérie de Brightburn. Ils aimeraient avoir un enfant, mais ça ne marche pas. Une nuit une météorite s’écrase dans leurs champs et dedans ils ne trouvent pas Kal-El, mais un bébé de sexe masculin qui va devenir leur fils Brandon.

Les années passent, Brandon n’est jamais malade, ne saigne jamais. Au moment de la pré-puberté, il se met à agir étrangement : il cache des précis anatomiques sous son lit, il a des crises de somnambulisme, ses parents le suspectent d’avoir tué les poules, puis il blesse une camarade de classe (après l’avoir désirée et effrayée). Comme le spoile l’affiche : Brandon Brewer n’est pas là pour sauver le monde.

Brightburn n’est pas un bon film, on ne peut pas dire ça. Sa vision suppose de suspendre son incrédulité à un niveau sans doute excessif. Difficile de croire que personne ne s’est intéressé à la chute d’une météorite dans la campagne américaine (il y a des chasseurs de météorites en France, il doit forcément y en avoir aux USA), difficile de croire à ce vaisseau spatial caché sous la grange des Brewer, mais il y a un mais : j’ai pris un grand plaisir à regarder ce petit film d’horreur, un plaisir coupable, comme quand vous regardez une série B mal foutue (et/ou fauchée) mais qui regorge d’idées et d’audace.

Des idées il y en a plein dans Brighburn, tout le jeu sur le personnage de Superman, les oppositions famille Kent / famille Brewer, Clark Kent / Brandon Brewer, les pouvoirs de Brandon et leur utilisation. L’introduction de la sexualité / pré-puberté dans un film de super-héros et/ou super-vilain.

Des audaces il y en a aussi, le personnage de la mère jouée par Elizabeth Banks que j’ai trouvée excellente, les scènes d’horreur qui envoient, mais pas pour rire, car Brighburn est un vrai film d’horreur (avec deux scènes à la limite du supportable). Le film est jusqu’au-boutiste, il avance vers sa conclusion comme un bulldozer (au mépris de toute surprise scénaristique). Il dit des choses intéressantes sur le fait d’être parents aimant d’un enfant qui tourne mal sans qu’on puisse y faire quoi que ce soit (cette facette du film ne vaut évidemment pas le glaçant We need to talk about Kevin). Il dit des choses intéressantes sur la dualité acquis/inné, le pouvoir, le désir, la morale, avoir les moyens (ici surnaturels) d’assouvir ses soifs.

Brightburn m’a fait penser au cinéma de Larry Cohen, qui n’a jamais été un grand cinéaste, mais a réalisé quelques films « boules puantes » assez croquignolets, à la fois ridicules et mémorables, dans le sens où on ne les oublie pas. Le meilleur exemple reste sans doute Le Monstre est vivant (1974) qui entretient plusieurs liens avec Brightburn. Pour rigoler vous pouvez aussi regarder son Epouvante sur New York (Q en VO) où un monstre ailé mord à pleines dents dans la grande pomme.

Je ne sais pas si les scénaristes ont fait exprès (en fait, j’ai un gros doute sur la question), mais il y a un ou deux passages du film qui m’ont renvoyé directement à La République de Platon (et ce n’est pas tous les jours que je pense à La République en matant un film d’horreur).

« L’âme possède deux fonctions: l’une est raisonnante, l’autre désirante (irraisonnée). La fonction raisonnante doit commander à la partie impétueuse. La fonction médiatrice, ou tempérance, doit soutenir le parti de la raison. »

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