Carnival Row, série TV (2019)

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Pendant la guerre contre le Pacte, Rycroft Philostrate (Orlando Bloom) a rencontré une Pix, une fée, Vignette Stonemoss (Cara Delevingne et ses sourcils-chenilles), parfois appelée Vini. Ils se sont aimés, la guerre les a séparés. Puis la guerre a pris fin, le Pacte a gagné et le peuple magique doit fuir Tirnanoc pour le Burgue où Philo est policier. Les fées, centaures et autres satyres s’entassent dans le Row (la ruelle). Dans cette cité, les complots sont nombreux, un culte est en train de naître, des meurtres atroces sont commis. Bien évidemment Vini et Philo vont se retrouver pour le meilleur, mais surtout le pire.

Quand on n’attend pas grand chose d’une série télé, il y a des chances d’être agréablement surpris. Carnival Row coche à peu près toutes les cases du Politically Correct devenu de rigueur : il y a une forte proportion d’acteurs de couleur, une actrice métisse (indienne/suisse), Indira Varma vue dans Rome et Game of thrones, un personnage bisexuel (je ne spoile pas), des personnages homosexuels qui ne peuvent l’assumer, de la violence et de l’inceste comme dans Game of thrones, d’ailleurs. Il y a aussi des facilités scénaristiques rageantes, des raccourcis, des personnages qui sont là exactement où il faut quand il le faut ou a contrario sont absents alors qu’ils devraient être présents.

Mais bon, c’est surtout un chouette divertissement, entre fantasy urbaine et steampunk, auquel il ne faut pas trop demander et qui réinvente des choses vues chez Jane Austen, des contes de fées (La Belle et la Bête) ou plus simplement l’affaire Jack L’Eventreur (The Row est évidemment une métaphore de l’Est End de 1888). Les efforts en matière de représentation des minorités ethniques fonctionnent mieux que dans The Witcher où c’était à peu près tout le temps d’un ridicule consommé. Il est de bon ton de se moquer des talents d’acteur d’Orlando Bloom, mais là il est plutôt pas mal et en fin de compte plutôt sobre et dans le ton. Petite anecdote rigolote : les deux fils de Richard Harris jouent dans la série : l’excellent Jared (qui incarnera bientôt Hari Seldon) et son frère plus jeune, Jamie (né Tudor St John Harris) qui incarne le détestable Sergeant Dombey.

Ce n’est certainement pas la série du siècle, mais vous devriez passer un bon moment.

Chernobyl, série TV de Craig Mazin

Le 26 avril 1986, une explosion survient dans le réacteur IV de la centrale de Tchernobyl (dans une URSS dont les heures sont désormais comptées).

Commence alors une course contre la montre, une course contre la mort pour éviter que cette catastrophe épouvantable ne fasse encore plus de victimes.

Un scientifique est envoyé sur les lieux, Valery Legasov, un homme qui a le tort de faire passer la vérité avant la politique, conscient que seule la vérité pourra sauver ce qui peut encore l’être. Un haut-cadre du parti l’accompagne / le surveille, Boris Shcherbina. Les deux hommes vont d’abord s’affronter, avant de prendre le temps de se comprendre, un temps qui n’est pas vraiment à leur disposition.

Après une série de films qui n’ont pas su me passionner (The Age of Shadows, Illang, La Brigade des loups, The Color out of Space), regarder Chernobyl m’a fait un bien fou, même si la série est terriblement déprimante. Quel plaisir de retrouver Jared Harris et Emily Watson dans de forts bons rôles (je suis plus réservé sur la prestation de Stellan Skarsgård, dont on retient avant tout le maquillage raté). Quel plaisir de voir une série qui met la science au centre de la problématique, des nombreuses problématiques. Chernobyl est une réussite indéniable. La reconstitution est impressionnante, les acteurs sont globalement excellents et quelques scènes sont inoubliables, comme celle du recrutement des mineurs ou celle du procès, dans le dernier épisode. C’est une série brutale, éprouvante, qui ose des ellipses totalement démentes.

En un mot : formidable.

The Terror (série TV)

the-terror-serie-ridley-scott1845, deux navires très bien équipés, le Erebus et le Terror, quittent l’Angleterre pour cartographier l’arctique canadien et si possible trouver le passage du nord-ouest. C’est l’expédition Franklin. Nul n’y survivra.

De cette tragédie, Dan Simmons a tiré un livre extrêmement documenté Terreur. Où aux maladies, à la famine, à l’empoisonnement au plomb que subirent les participants de l’expédition, il ajoute une créature du grand nord : le Tuunbaq, inspiré de la mythologie inuite.

De cet énorme roman, sans doute trop long, sans doute trop détaillé, AMC a tiré une série de dix épisodes produite par Ridley Scott. Il y a des choses remarquables dans cette série. L’interprétation des trois officiers : Jared Harris (formidable de bout en bout), Ciaran Hinds (tout à fait convaincant dans son aveuglement boosté à la fierté mal placé), Tobias Menzies (qui montre lentement mais sûrement son humanité). Nive Nielsen (groenlandaise) interprète très bien la femme inuite surnommée Lady Silence. Paul Ready (un des deux tueurs d’Utopia) est formidable dans le rôle de l’anatomiste. Toute la partie historique semble extrêmement convaincante.

Et puis là, c’est le drame 1/ la bête apparaît : mélange d’équidé et d’ours polaire à visage vaguement humain. 2/ Hickey est trop ignoble, trop visqueux (il cumule tous les vices humains, dont évidemment l’homosexualité). Il y avait moyen de ne pas en faire un méchant de mauvais cinéma, mais juste une ordure, ordinaire, si prédictible dans sa volonté égoïste de survivre. Les hommes du Terror sont confrontés à deux maux, en plus du froid et de la faim, et dans cette surenchère de dangers tout s’effondre, l’ambiance, le suspense. On se raccroche comme on peut aux personnages de Lady Silence, de l’anatomiste et du commandant Crozier. On se raccroche…

Il aurait été tellement plus fort qu’on ne voit pas la bête… Qu’une ambiguïté demeure, au moins jusqu’au dernier épisode. AMC en a décidé autrement.