Lamb, Valdimar Jóhannsson (2021)

Regardez attentivement cette affiche et trouvez le détail incongru qui lui donne toute sa force, un indice : ce n’est pas la mocheté du pull de Noomi Rapace.

Maria et Ingvar possèdent une ferme en Islande, dans un coin paumé où ils élèvent des moutons (les paysages sont jolis, mais ça ressemble quand même à une vie de merde). Ils n’ont pas d’enfants et semblent s’être éloignés l’un de l’autre, comme si la routine, le travail avaient remplacé le désir, la joie. Maria passe son temps un bras enfoncé dans le vagin des brebis pour les aider à mettre bas. C’est un sale boulot, mais il faut bien que quelqu’un le fasse. Un jour elle délivre une brebis qui met bas une étrange créature hybride, une chimère. Maria en tombe immédiatement amoureuse et décide de l’appeler Ada et de l’élever comme sa fille.

Ce film m’a fait un drôle d’impression. Pour commencer on notera que même avec beaucoup d’indulgence c’est longuet, qu’il ne se passe pas grand chose, que les rares actions viennent plutôt au bout d’une bonne heure. Amputé de vingt minutes, le film aurait sans doute gagné en force. Ensuite, c’est joyeusement malsain et je comprends qu’on puisse être profondément troublé, voire perturbé, par le spectacle que nous propose Valdimar Jóhannsson. Et puis il y a cette fin, que j’ai trouvée grotesque comme certaines fins des premiers films de David Cronenberg. Grotesque peut-être pas dans le sens « totalement foiré », mais dans le sens « non, mais vous avez fumé quoi les gars ? »

Enfin, puisqu’il faut quand même prodiguer quelques remarques sexistes dans une époque où c’est devenu presque plus grave que de conduire un car scolaire bourré, je confesse mon amour presque inconditionnel pour Noomi Rapace. Qu’est-ce qu’elle est belle ! assise sur son tracteur ; quand elle enfonce son avant-bras droit dans le vagin dilaté d’une brebis ; quand elle étend son linge en portant un pull informe qu’on a sauvagement envie de lui enlever. Elle est étonnamment inquiétante, les tétons gonflés de désir (c’est fou les progrès accomplis en matière d’effets spéciaux ces dernières années), quand elle fait l’amour avec son mari, autre scène qui, juste à cause du contexte global, provoque un malaise certain. Pourtant on ne peut pas trouver plus légitime : un couple marié de longue date qui fait l’amour avec passion.

Donc Lamb est un film fantastique qui sort du lot, on peut sans doute le conseiller à ceux qui apprécient les films les plus malsains de David Cronenberg ou qui ont aimé le Antichrist de Lars Von Trier (que je n’ai pas critiqué sur ce blog, tiens je devrais penser à le faire…).

Les Meurtres du Valhalla, série TV Netflix

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Un homme est tué de plusieurs coups de couteau sur le port de Reikjavik, puis ses yeux sont crevés. Peu de temps après un second homme est tué chez lui de la même manière : un riche entrepreneur qui ne semble pas avoir de liens avec la première victime qui, elle, était plutôt du genre dealer pathétique. Kata est mise sur l’affaire et un policier, Arnar, est demandé en renforts d’Oslo. L’Islande n’a jamais connu de crimes pareils, à tel point qu’elle n’a pas de médecin légiste à temps plein. Quand le lien est enfin fait entre les deux victimes, grâce à la vieille photo d’une maison d’accueil pour garçons, cette affaire peut désormais rester dans l’histoire islandaise comme celle des meurtres du Valhalla.

Tout était rassemblé dans cette série pour que je la déteste : une sordide affaire de pédophilie et de maltraitance dans une maison d’accueil, des policiers antipathiques, une construction scénaristique très fabriquée avec un cliffanger de rigueur à chaque fin d’épisode et pas mal de manipulations scénaristiques pour repousser le plus loin possible la résolution de l’affaire.

Et en même temps, je me suis laissé attraper comme un bleu, comme un perdreau de l’année, par les paysages (somptueux), les problèmes personnels des uns et des autres, par Kata, qui une fois sur deux prend quand même la pire décision possible (et se demande, par ailleurs, pourquoi c’est pas elle la cheffe de service). Les personnages sont humains et épais, à défaut d’être attachants, ils sont durs comme le pays qui les a vu naître. Quant aux crimes anciens, ils continuent à avoir des répercussions tangibles et fortes.

A défaut d’être originale, cette série (d’une terrible et réaliste noirceur) est prenante. Elle réserve quelques moments d’une rare intensité, notamment quand à la fin on re-déroule toute la vie de certains personnages dont on ne comprenait pas bien pourquoi ils étaient tellement cabossés.