Conan le Cimérien : Xuthal la crépusculaire | Christophe Bec | Stevan Subic


Conan et une jeune femme du nom de Natala (sorte de princesse russe à gros cul, gros nichons, ou de blonde dessinée par Ferrari, dont la vue ferait sans doute péter les carotides de ce bon Vladimir Poutine) sont les seuls survivants d’une terrible bataille. Ils s’enfoncent dans le désert et pénètrent dans une cité-oasis désertée, Xuthal la crépusculaire. Enfin pas si désertée que ça, puisqu’ils tombent très vite sur un festin.

Avec Chimères de fer dans la clarté lunaire, Virginie Augustin avait su adapter Conan sans trahir ses opinions personnelles, bien au contraire. Xuthal la crépusculaire en semble l’antithèse parfaite avec ses femmes très peu vêtues, aux courbes généreuses, dignes des héroïnes de Frazetta, sa scène de partouze, sa scène de domination sadique au fouet. C’est un peu « Le politicaly correct, tu sais où tu peux te le mettre ? Jusqu’au virage sigmoïde ! » En fait, pourquoi pas… pourquoi pas assumer qu’on fait « une BD pour garçons » qui fera vomir la plupart des filles (c’est un peu comme la pornographie, elle est dans son immense majorité tournée pour une audience masculine). Le problème est ailleurs, en ce qui me concerne. J’ai trouvé l’ensemble bavard comme pas possible, avec des cartouches qui paraphrasent ce qu’on voit à l’image, des textes trop petits, pénibles à lire (textes qu’on a très vite envie de lire en diagonal). Certaines expressions m’ont totalement éjecté de ma lecture comme « réalité virtuelle » ou « sommeil artificiel ». Même si l’historie a une indéniable coloration SF. Reste que le monstre (lovecfratien en diable) est aussi beau qu’impressionnant. Que certaines planches sont très convaincantes (quand d’autres, fouillis, laissent de marbre). La narration n’est pas sans défaut, ça et là. L’illustrateur s’amuse comme un fou à planquer des pénis en érection et des vulves un peu partout, ici un champignon, là une porte, ailleurs un bâtiment phallique.

Quand on tourne la dernière page, c’est avec l’impression d’avoir lu un récit trop étiré, farci de texte inutiles et de dialogues médiocres. Mouais, mauvaise pioche. Espérons que Stevan Subic dessinera des choses plus intéressantes dans l’avenir. Il a quand même beaucoup de talent.

Peau d’homme, Hubert & Zanzim (Glénat)

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(3615 my life : Je profite des vacances d’été pour lire enfin quelques unes des bédés que j’ai accumulées ces derniers mois, cadeaux ou achats. Celle-là, bien qu’elle soit publiée par mon éditeur, Glénat, je l’ai payée avec mes sous.)

L’histoire ? Tout le monde la connaît, non ?

Dans l’Italie de la Renaissance (ou un fantasme de l’Italie de la Renaissance, peu importe), la jeune Bianca doit se marier avec Giovanni. Dans sa famille, on possède un secret bien gardé, une peau d’homme. Bianca s’en sert pour devenir le jeune Lorenzo, et s’en va découvrir le monde des hommes. Ce qu’elle découvre la choque : tout ce mépris pour les femmes, toutes ces infidélités qui ne sont tolérées que dans un seul sens.

Alors que le frère de Bianca, fou de Dieu consumé par son désir pour les corps féminin, n’a de cesse de gagner en puissance au conseil de la cité, la jeune femme entame une relation homosexuelle avec Giovanni sous la peau de Lorenzo et s’aperçoit bien vite que son futur mari n’aime que les hommes, et surtout qu’il n’aime que Lorenzo. Catastrophe !

Voilà un mariage qui s’annonce mal.

Sans grand suspense, j’ai beaucoup aimé cette bande-dessinée, ce conte qui parle de notre époque en faisant semblant de parler de la Renaissance. Il y est beaucoup question de sexe, sexualité, genre, pratiques sexuelles et j’ai été assez surpris d’y voir des sexes en érection, des scènes d’amour homosexuelles et même une scène de massage prostatique. A toute cette joie, ces plaisirs de la chair décomplexés, le scénariste oppose l’ignominie de la nuit de noce avec le drap taché de sang exposé au balcon. Il oppose une sexualité imposée, cadrée, notamment par les us et l’Église à une sexualité nettement moins hypocrite et beaucoup plus épanouissante.

Quelques anachronismes mineurs n’émoussent en rien la portée universelle du conte. Et ma foi Peau d’homme me semble presque d’utilité publique, à partir de 13 ans. Toute une partie de l’ouvrage m’a semblé rendre hommage au Moine de Matthew Gregory Lewis, mais j’ai sûrement surinterprété.

Conan : La Reine de la côte noire

CONAn

Les éditions Glénat se sont récemment lancées dans la publication en bande-dessinée des aventures de Conan, s’adjoignant pour ce faire la collaboration de l’expert mondial en la matière : Patrice Louinet. Deux albums ouvrent la série Conan le cimmérien : La reine de la côte noire (Pierre Alary au dessin, Jean-David Morvan au scénario) et Le Colosse noir (Ronan Toulhoat au dessin, Vincent Brugias au scénario).

Il y a quelques années, au sujet du Shining de Stephen King, mon éditeur chez Glénat m’expliquait à quel point il était difficile de ré-explorer cette immense oeuvre littéraire en BD tant Stanley Kubrick avait associé une dimension visuelle / graphique / esthétique au roman. Comment dessiner Jack Torrance sans qu’il ressemble à Jack Nicholoson, comment dessiner l’Overlook sans se référer au film, etc ?

Il me semble que ce projet Conan le cimmérien souffre un peu du même syndrome. Comment éviter la silhouette de Schwarzenegger, le slip en fourrure, l’épée droite cimérienne à double tranchant et les couvertures de Frazetta ?

Avec une audace indéniable, Pierre Alary et Jean-David Morvan tirent Conan vers la fantasy humoristique à la Soleil, et là, Patrice Louinet risque de s’en étouffer durablement, j’ai davantage pensé à la tétralogie de Novaria/Le roi malgré lui de Lyon Sprague de camp qu’à Conan en lisant cet album. Surtout le début (où j’ai aussi pensé à Lanfeust et Asterix, mais c’est parce que j’ai mauvais esprit).

Si l’histoire est indubitablement de Howard, avec cette espèce de fatalisme particulier qu’on retrouve à la fin de l’album quand Conan revient de la jungle, si les dialogues respectent bien la pensée barbare / conanienne… l’humour, le trait cartoon, le traitement « filles de Soleil » de Bêlit nous éloignent énormément de Robert E. Howard.

Ce ne sont pas quelques scènes de fesses (plutôt positives/récréatives au demeurant) qui vont m’empêcher de laisser cet album en libre-service à la maison. Mais je ne suis pas sûr que mes fils vont comprendre Conan en lisant cette adaptation de La Reine de la côte noire (pourtant une de ses aventures emblématiques… dans laquelle Oliver Stone et John Milius ont puisé une des meilleures scènes du premier film, le seul, le vrai).

Do you want to live forever ?

Dans l’antre de la pénitence

antrePénitence

 » 1905, San José en Californie. Suite à la perte de son mari et de sa fille, Sarah Winchester se lance dans la construction compulsive de la « Winchester House » : une demeure aussi étrange que démesurée. Un chantier perpétuellement troublé par les lubies de sa commanditaire, qui réveille ses domestiques en pleine nuit, ou ordonne à ses ouvriers de construire des portes et des escaliers ne menant nulle part. On la prétend folle, hantée par les esprits de ses proches disparus. Mais le jour où un étranger fait son apparition sur le pas de sa porte, les démons de Sarah pourraient bien devenir réels… « 

(Résumé éditeur)

La maison Winchester à San José en Californie est une attraction touristique célèbre, attachée à la folie historique d’une femme : Sarah Winchester. Cette maison est au centre de plusieurs œuvres, comme le roman de science-fiction Vanishing point de Michaela Roessner (que je faillis publier, en français, dans une vie antérieure), ou le film des frères Spierig, le bien-nommé Winchester.

Pour ce qui est de L’Antre de la pénitence, le scénariste Peter J. Tomasi nous emmène en 1905 en Californie à la rencontre de Warren Peck, un assassin (tueur d’Indiens notamment) qui, blessé, va trouver gîte et couvert chez Sarah Winchester, dans sa maison de la pénitence. La folie, les fantômes, les hallucinations, tout s’amasse dans cet endroit peuplé d’assassins en pleine repentance.

S’il faut un petit temps d’adaptation pour s’habituer au dessin, original certes, mais assez agressif, après quelques pages à peine on comprend vite que ce dessin, si particulier, est tout à fait adéquat. Et vers la fin, Ian Bertram livre quelques doubles pages de folie, où semblent entrer en improbable collision l’art d’Escher et les visions horrifiques du Clive Barker des Livres de sang.

Cette californian ghost story vaut plus q’un coup d’œil.