C’est arrivé entre midi et trois heures, Frank D. Gilroy (1976)

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Un gangster, Graham Dorsey (Charles Bronson), fait un rêve prémonitoire juste avant l’attaque d’une banque. A la première occasion, il fausse compagnie aux autres membres de son gang. Cette première occasion est… une veuve, Amanda Starbuck (Jill Ireland, Mme Bronson à la vie), qui possède une incroyable maison au beau milieu du désert. Entre midi et trois heures, donc, ils vont faire l’amour trois fois, danser, s’habiller comme pour un gala, se baigner dans une crique paradisiaque et dévorer un poulet grillé (cuisson : 75 minutes, pour ceux qui l’ignoreraient). Quelle santé !

C’est arrivé entre midi et trois heures de Frank D. Gilroy (réalisateur et auteur du roman) est tout autant un western que John McCabe de Robert Altman, c’est dire à quel point ce n’en est pas un. Charles Bronson joue un gangster ordinaire, un peu pleutre, qui va être complètement dépassé par ce qui lui arrive : une histoire d’amour. Pour le moins à contre-emploi (il a tourné Un justicier dans la ville deux ans plus tôt), Charles Bronson casse son image de macho indestructible et fait des merveilles. Jill Ireland (qui joue avec lui, ici, pour la treizième fois) n’est pas en reste.

Si le film s’apparente à une comédie, il est étonnamment amer.

C’est fort probablement le premier western où il est ouvertement question de problèmes d’érection (en tout cas, je n’en vois pas d’autre).

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Death wish, Eli Roth (2018)

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Paul Kersey, brillant chirurgien qui travaille aux urgences de Chicago est appelé pour une urgence alors qu’il s’apprête à fêter son anniversaire en famille. Pendant qu’il sauve une vie, sa femme et sa fille son agressées à leur domicile. Le cambriolage tourne mal, l’épouse de Kersey est assassinée, sa fille tombe dans le coma à la suite d’une fracture du crâne. L’enquête piétine et Paul devient un vigilante, un justicier dans la ville.

Au départ Death wish est un roman noir de Brian Garfield (Death wish, 1972) inédit en français. En 1974, Michael Winner le porte à l’écran avec Charles Bronson dans le rôle principal. Énorme succès commercial et polémique sur la scène de l’agression (durant laquelle fait sa toute première apparition à l’écran un certain Jeff Goldblum). Si le film de 1974 a engendré plein de copies « d’exploitation » plus ou moins douteuses, il n’en reste pas moins un excellent drame. Ce qui n’est pas le cas de ses quatre suites bronsonniennes de plus en plus calamiteuses (et nauséabondes).

En 2018, Eli Roth – excellent réalisateur de mauvais films (je me comprends) – signe le remake. Dire que je n’en attendais pas grand chose est un euphémisme. Et le résultat est tout à fait conforme à mes attentes. Si Bruce Willis assure dans certaines scènes, il est complètement à côté de la plaque dans d’autres. On ne sent pas vraiment la douleur que la mort de sa femme et le coma de sa fille ont provoqué en lui – le réalisateur compense avec des scènes de psy et des scènes de dépression / canapé. Puis le chirurgien devient un vigilante et, comme on pouvait s’y attendre, Roth ne peut s’empêcher de quitter le drame pour une certaine complaisance qui culmine dans la scène du garage, puis la scène finale du film. Clairement conçu comme une machine à cash légèrement transgressive (ce qu’il ne sera pas au final, le film n’ayant pas marché plus que ça), Death Wish 2018 n’a pas la puissance morale de son modèle de 1974. Le casting est paresseux : Dean Norris en flic pour la millième fois de sa carrière, des antagonistes sans grande saveur. La mise en scène est correcte, sans plus.

On notera toutefois quelques qualités : l’interprétation fine de Vincent D’Onofrio, bien meilleur que Willis dans les rares scènes où il apparaît. Kimberly Elise, très convaincante en femme flic. Camila Morrone qui crève l’écran dans le rôle de la fille de Paul Kersey.

Eli Roth se prend les pieds dans le tapis, n’échappe pas au mauvais goût et à l’indécence morale, et rate ce qu’aurait pu être un bon remake de Death Wish à l’heure des réseaux sociaux. En la matière, on préférera et de loin le Night Call de Dan Gilroy.