Eight for silver, Sean Ellis (2021)


Bataille de la somme.

Un officier est lourdement blessé. Le chirurgien lui retire trois balles du corps, dont une balle en argent.

Trente-cinq ans plus tôt, des Gitans envahissent un terrain dont ils réclament la propriété (c’est étrange, déjà, passons). Comme ils se doutent que ça va pas bien se passer, ils préparent une malédiction (c’est un peu comme aller demander une augmentation avec sa lettre de démission, non ?). Les propriétaires terriens du coin ne l’entendent pas de cette oreille (comme quoi les Gitans sont fatalistes mais pas cons). Et donc les français de souche, de tronc et de racines massacrent tout le monde (en même temps, c’est des Gitans, tout le monde s’en fout un peu aujourd’hui, alors fin du XIXe…). Histoire de faire bonne mesure, ils mutilent un homme et en font un épouvantail. Puis ils enterrent vivante la sorcière gitane avant de prendre une photo souvenir. Ma foi, c’était une très chouette rave party… A l’époque, on savait s’amuser, c’est plus comme maintenant.

Un peu plus tard, les enfants du coin se mettent à faire le même cauchemar et se rejoignent au pied de l’épouvantail où ils déterrent une mâchoire dont les dents aiguisées sont en argent. La mâchoire de la malédiction gitane ! Bien sûr… Et qui va mettre ça sans sa bouche ?

Pourquoi on adhère ou pas à un film, voilà une très bonne question. Je peux plonger complètement dans Galaxy Quest qui est complètement délirant et passer à côté de Eight for silver (parfois titré The Cursed) qui est moins délirant (et à peu près aussi rigolo que la pierre tombale d’un enfant de cinq ans). En fait, le film est sensé se passer en France, et globalement rien ne va à ce sujet (même si je reconnais que je suis loin d’être un expert de la France rurale de la fin du XIXe siècle). Arrive un pathologiste étranger (Boyd Holdbrook, méconnaissable) qui s’intègre sans problème à cette histoire de malédiction gitane et de loup-garou, faut dire qu’il n’a pas gardé un très bon souvenir de son passage dans le Gévaudan. D’ailleurs, à ce sujet, le scénariste situe les événements du Gévaudan à la fin du XIXe siècle. En fait Eight for silver est une uchronie d’horreur (uchronie tout à fait gratuite, du genre « bon, ça colle pas, je vais avancer le truc d’un siècle, aucun spectateur américain verra le truc).

Donc, je suis passé totalement à côté, je me suis ennuyé, ça dure presque deux heures. Le Pacte des loups c’est nettement plus rigolo, y’a même un Amérindien qui fait du kung fu… Franchement, un film américain qui vous donne envie de revoir Le Pacte des loups c’est quand même quelque chose.

In the shadow of the moon, Jim Mickle (2019)

(Je pense que je serais passé complètement à côté de ce film s’il n’y avait pas eu Boyd Holbrook, que j’aime beaucoup, au générique.)

Philadelphia 1988.

Le policier Thomas Lockhart est appelé sur un accident de bus. La conductrice s’est vidée de son sang. Au même moment dans la ville deux autres personnes sont mortes de la même manière, des piqûres visibles sur la nuque. Toutes les victimes ont été empoisonnées avec un produit inconnu que personne n’arrive à analyser. Après une agression dans une boîte de nuit, une suspecte, une jeune femme afro-américaine, est repérée. Lockhart et son partenaire se lancent à sa poursuite, une poursuite qui va connaître une issue fatale. Avant de mourir, la suspecte félicite Lockhart pour sa petite fille et lui dit qu’ils vont se revoir bientôt. A l’hôpital, un peu plus tard, l’épouse de Thomas accouche d’une petite-fille. L’accouchement part en sucette et la mère meurt. Lockhart en sera d’une certaine façon brisé à jamais.

Neuf années passent, et le jour de l’anniversaire de sa fille, un nouveau meurtre a lieu.

In the shadow of the moon ne manque pas de qualités, il ne manque pas de défauts. Impossible de parler des défauts sans spolier, donc vous voilà prévenus, si vous ne voulez pas savoir, arrêtez votre lecture ici et regardez le film s’il vous fait envie, il vous fera sans doute passer un bon moment, guère davantage.

In the shadow of the moon est un film de science-fiction (premier spoiler) ou il est question de voyage dans le temps (deuxième spoiler) et d’une catastrophe à éviter. D’ailleurs, le film s’ouvre sur une vision de cette catastrophe qui touche Philadelphie en 2024. Les raisons de cette catastrophe sont assez claires, c’est une conséquence de la politique séparatiste (ah ah ah) de Donald Trump, ou quelque chose du même genre. C’est un Helter Skelter, tel que Charles Manson l’avait théorisé. Tout comme la série Watchmen, le film s’accroche très fortement aux mouvements Black Lives Matters et consorts. Là où ça grippe à mon sens, c’est la méthode pour empêcher la catastrophe (donc la justification de l’intrigue) : tuer quelques racistes d’extrême-droite dont le pouvoir d’influence serait extrêmement fort (au rang des victimes on trouve une strip-teaseuse, une conductrice de bus, un grilleur de steak hachés, etc). Donc dans les faits, plutôt des racistes ordinaires et médiocres. A Philadelphie seulement ? Bizarre. Le modus operandi est extrêmement spectaculaire (un isotope à effet retard injecté dans la nuque), c-à-d une signature. OK, mais pourquoi ? Tout ces détails soulèvent beaucoup de questions et le film n’y répond pas, ou quand il y répond c’est de manière maladroite, au mieux. A mon sens, tout ça ne tient pas la route et ne sert donc qu’à étayer de guingois un scénario de thriller qui mélange serial killer et voyages temporels (on est d’ailleurs là plus dans l’ésotérique façon New Orleans que la hard-science, certains vont couiner ou pleurer des larmes de sang). Justifier le meurtre ciblé de quelques individus pour empêcher un désastre est un peu acrobatique sur le plan moral. On a l’impression, qu’à aucun moment aucune autre possibilité (offerte par le voyage dans le temps) n’a été envisagée. On pourrait ici citer l’écrivain de science-fiction : Isaac Asimov : « La violence est le dernier refuge de l’incompétence. » Bon, à dire vrai, j’ai toujours trouvé cette citation bien naïve, mais parfois elle prend un peu de sens. Là, c’est le cas.

In the shadow of the moon n’est pas mauvais, mais il ne propose pas le challenge moral qu’il devrait, il ne pousse pas vraiment à la réflexion. C’est un film de deux heures qui va trop vite, contient trop de thèmes, dont certaines sont sacrifiés au profit du rythme. Comme souvent, je n’ai pas pu m’empêcher de faire la réflexion que c’est un projet de mini-série mal compris, qui n’aurait jamais dû devenir un film. D’autant plus qu’il couvre presque 40 ans de la vie du principal protagoniste.