Aucun homme ni dieu, Jeremy Saulnier (2018)

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Une femme qui habite un petit village isolé d’Alaska, où elle est quasiment la seule Blanche, demande à un spécialiste des loups à la retraite (Jeffrey Wright, impressionnant) de traquer et tuer l’animal qui a dévoré son fils. La troisième victime dans ce même village. Son mari est à la guerre, en Irak. L’homme accepte, il se dit que ce sera l’occasion de renouer avec sa fille qui enseigne l’anthropologie à Anchorage. Un étrange voyage commence, sur une terre inhospitalière, au milieu de gens, des Amérindiens surtout, qui ont des croyances différentes.

(Il serait dommage d’en dire davantage.)

Le réalisateur Jeremy Saulnier n’est pas un inconnu, son second long-métrage, Blue Ruin avait marqué bien des critiques et son troisième film Green Room (moins bon, à mon avis) avait séduit bien des aficionados de l’horreur. Mais aucun de ces deux films ne préparait réellement au choc Aucun homme ni dieu (dont le titre original Hold the dark est bien meilleur, à tous points de vue).

C’est un film sur l’homme, les loups, les légendes, la terre sauvage, les territoires poreux où réel et surnaturel se côtoient avec plus de facilité (on peut y trouver des liens avec ma propre nouvelle « Ethologie du tigre » dans le recueil « Sept secondes pour devenir un aigle »). C’est un film à la fois lent, contemplatif, et terriblement brutal.

Si vous avez aimé Le Territoire des loups (The Grey) de Joe Carnahan, il est très probable que vous tombiez sous le charme de ce Aucun homme ni dieu. J’ai retrouvé dans ce film, bien des caractéristiques des premiers films de Sam Peckinpah, l’alternance de moments contemplatifs et de flambées de violence paroxystiques. Sans aucun doute un des meilleurs films que j’ai vus en cette période de confinement.

Jeremy Saulnier a clairement des choses à dire, j’attends maintenant de pied ferme son nouveau film.

Hostiles, Scott Cooper (2017)

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1892. Le capitaine Joseph J. Blocker (Christian Bale, très bien) a participé au massacre de Wounded Knee. Il déteste ces putains de sauvages. Un jour on lui donne comme dernière mission, avant son départ à la retraite, de ramener son pire ennemi le chef Faucon Jaune (Wes Studi, très bien aussi) sur son territoire sacré. Le vieil homme se meurt d’un cancer et le président des États-Unis a décidé de lui rendre sa liberté ainsi qu’à sa famille, tous emprisonnés depuis sept longues années dans un fort de la cavalerie américaine. Joseph ne veut de cette mission pour rien au monde. Pour éviter le déshonneur de la cour martiale, il essaye de mettre fin à ses jours, mais échoue. Son courage vogue ailleurs. Coincé, il va devoir faire cette route, bouffer la poussière des terres rouges du désert aux terres fertiles du Montana pour se libérer de l’armée (à qui il a passablement donné toute sa vie). En chemin, son escouade tombe sur une femme qui vient de tout perdre (Rosamund Pike, pas toujours très convaincante, dans ce film comme dans d’autres) : son mari, ses enfants, son petit bébé et sa ferme, incendiée par des voleurs de chevaux, des Indiens. Elle a aussi perdu l’esprit (qu’elle va retrouver bien vite).

Plus qu’un film sur le racisme (le racisme y est toutefois très présent), Hostiles est un film sur la mort. Sans grand discours, sans grands effets, sans volonté de filmer des scènes de fusillades too much, Scott Cooper nous emmène dans un territoire qui n’a qu’un seul maître : la mort. Que ce soit le cancer, un coup fusil bien ajusté, une balle perdue, le suicide, on n’échappe pas à la mort. Et peu arriveront à connaître les douleurs lancinantes de la vieillesse.

Hostiles est un film radical – la première scène, magistrale, est à vous faire dresser les cheveux sur la tête. Ça pourrait être un film lourdingue sur la rédemption ; Scott Cooper choisit une autre voie. Il est fort possible que vous n’aimiez pas ce que vous allez voir, que vous n’acceptiez pas le jusqu’auboutisme du réalisateur… Personnellement, ça faisait longtemps que je n’avais pas vu un western aussi âpre, mais peut-être plus profond que subtil. Il y a du Sam Peckinpah dans ce film et c’est sans doute le plus beau compliment que l’on pouvait faire à Scott Cooper. Dans les seconds rôles, on remarquera la sublime Q’Orianka Kilcher et Jesse Plemons, excellents tous les deux.

Je conseille.

Âmes sensibles s’abstenir.