
Sparta, Mississippi. Dans les années 60.
Dans la chaleur de la nuit un entrepreneur venu investir dans cette petite ville est brutalement assassiné. Peu de temps après, l’adjoint du shériff (Warren Oates) qui ne brille pas par un quotient intellectuel hors du commun arrête un homme noir (Sidney Poitier) qui attendait le premier train du matin. Cet homme se révèle être un policier de Philadelphie, expert en homicide, qui venait rendre visite à sa mère dans le Mississippi. A la demande du maire de Sparta, le shériff local (Rod Steiger) est bien obligé de s’associer avec l’officier de police noir pour trouver l’assassin.
Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu ce film et il est toujours aussi bon. L’enquête policière n’est qu’un prétexte pour montrer un sud raciste qui n’est pas prêt à voir arriver des noirs habillés comme les blancs (c-à-d en costume élégant). Sidney Poitier et Rod Steiger forment un duo épatant. Leur opposition qui se transforme peu à peu en respect, voire peut-être en amitié sur la toute fin du film est superbement mise en scène. Norman Jewison ne raconte pas le racisme, il le montre, par petites touches qui en s’accumulant peignent un tableau tout à fait effrayant de réalisme. Tous les racismes sont présents, le frontal, le plus facile à identifier, comme le paternaliste, plus insidieux. Le face à face entre Sidney Poitier et Endicott (le plus gros propriétaire terrien de Sparta) est pour le moins intense et dit tellement sur les deux hommes en tellement peu de temps que ça relève du tour de force.
Au-delà du film, qui est très bon, il faut sans doute aussi se souvenir du contexte de son tournage. En 1964, Sidney Poitier et le chanteur Harry Belafonte avaient été poursuivis dans le Mississippi par des membres armés du Ku Klux Klan bien décidés à les lyncher alors qu’ils livraient de l’argent à un mouvement de défense du droit de vote. Par conséquent, le film n’a pas été tourné dans le Mississippi, mais à Sparta dans l’Illinois et au Kentucky pour la scène de la plantation de coton. Pendant toute la durée du tournage dans le Kentucky, Sidney Poitier (menacé de mort par des suprémaciste blancs du coin) a dormi avec une arme sous son oreiller. Et le tournage sur place a dû être finalement écourté tant la situation s’était envenimée. Tout cela semble un peu surréaliste depuis notre salon en 2024. Sidney Poitier a eu une immense influence sur la société américaine ; sans le succès populaire de Sidney Poitier, je ne pense pas que Barack Obama aurait pu devenir président.
J’ai tendance à considérer que Dans la chaleur de la nuit fait partie d’une trilogie thématique « sociale » qui compte deux autres films de 1967 avec Sidney Poitier dans le rôle principal : Les Anges aux poings serrés et Devine qui vient dîner ? Dans chacun de ces films un homme noir occupe un poste où « on ne l’attend pas », policier spécialiste des homicides, ingénieur à Londres et docteur californien à l’excellente réputation professionnelle.